Jules Tremblay, Des mots, des vers, Montréal, Beauchemin, 1911, 228 pages (Préface d’Alphonse Beauregard)
Beauregard insiste beaucoup dans
sa préface sur le caractère parnassien de sa poésie, notant que le
« je » du poète est presque absent. Il rappelle aussi que, pour
Tremblay (1879-1927), nous « n’avons pas de littérature nationale parce
qu’il nous manque une langue propre ».
Le recueil, dédié à son père (Rémi Tremblay) et à ses amis de L’École
littéraire, est très aéré si bien qu’il pourrait tenir dans 100 pages.
Alphonse Beauregard a sans doute
raison de dire que la poésie de Tremblay est parfois parnassienne, par exemple
dans cette strophe que Paul Morin aurait pu faire sienne : « Graveur,
prends ton échoppe et découpe en relief / Agate, sardonyx, camée ou féverole. /
Couronne le guerrier de myrte ou d'azerole, / Orne, du morion ou du heaume, son
chef ». (L’artiste) Pourtant le quatrain ci-dessus est loin d’être l’exemple
parfait de la manière Tremblay. Il est vrai que, contrairement aux Romantiques,
il traite la plupart des sujets avec beaucoup de retenue. Il évoque l’amour
(Voir l’extrait) et la nature sans l’investir de son « moi » : « Debout
sur la roche primaire, / Le mont orgueilleux agglomère / Schistes, granits,
pierres, métaux. / Il dresse, en vastes piédestaux. / Ses contreforts
inaccessibles. » (Le mont)
Il lui arrive quand même de se
dévoiler un peu. Il y a un poète plus léger qui s’amuse avec ses enfants : « Un
œuf de Pâque, obèse, aveuglant de couleurs, / S'épanouit gaîment au centre de
la table. / Il pose, il fait valoir sa mine respectable / Sur le coussin mollet
enjolivé de fleurs. » (Naïveté) Et un poète philosophe qui s’interroge sur
la place de l’homme dans l’univers, ce qui le rapproche de Beauregard : « Le
rythme sans repos des innombrables mondes / Traverse l'infini du profond
firmament. / Planète, nébuleuse, étoile, aveuglément / Roulent dans l'inconnu
des orbes et des ondes. » (Lumen)
Cependant, quand il parle des
« miséreux de Noël », il s’en tient à des « généralités » et le ton ne donne pas dans le mélodrame :
« Dans la lutte que rien n'abrège, / Il n'est plus de répit pour eux. / Jamais
leur enfer ne s'allège : / C'est la horde des miséreux. » (La ballade des
miséreux). Enfin, son patriotisme est plus critique qu’émotif : « La
politique, alors, n'était pas un recul / Entraînant le pays au gouffre / Où la
déloyauté féconde le calcul / Et brise toute âme qui souffre. » (Le passé)
Bref se tient devant nous un
poète pudique, qui a une très grande maitrise de la langue française, et dont
l’approche est plutôt intellectuelle, ce qui le différencie de tous les terroiristes
et romantiques de l’époque.
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Mia, le soir est calme, et la voix de la mer
Nous invite à chasser tout souvenir amer.
La vague, doucement, sur la rocheuse arête,
Ainsi qu'une caresse amoureuse, s'arrête.
Mia, l'azur s'étoile, et votre front rêveur
S'élève vers le ciel dans sa chaude ferveur.
Vos yeux brillent, Mia, d'une flamme secrète,
Comme au timide aveu d'une ivresse discrète.
Mia, la nuit est noire, et je vous aime bien.
Et l’amour est pour moi l'inestimable bien.
D'un regard de pitié faites luire dans l'ombre
Un peu de joie au cœur où la croyance sombre.
À vos lèvres, Mia, l'espoir est suspendu.
Dites un tendre mot, trop longtemps attendu ;
Et mon âme, oubliant le doute qui l'effare
Entonnera pour toi l'idéale fanfare