24 janvier 2025

Floralie où es-tu

Roch Carrier, Floralie où es-tu, Montréal, Les éditions du jour, 1969, 172 p. (Les romanciers du jour, R-45)

Ce roman met en scène deux personnages déjà présents dans La guerre yes sir : Anthyme Corriveau et son épouse Floralie, les parents du défunt ramené par des soldats anglais dans leur village.

Comme le roman commence avec leur mariage, on peut dire qu’on est revenu une trentaine d’années en arrière. Après la cérémonie, les jeunes mariés doivent retourner en buggy dans la ferme du mari. La route est longue et Floralie a tôt fait de comprendre que son mari ne fera pas dans la dentelle. Il est vulgaire et il n’a pas l’intention d’attendre sa « nuit de noces » pour passer à l’acte. Il découvre que sa femme n’est pas vierge, ce qui le met dans une colère sans borne. « Si j’avais senti un rideau... J’ai pas même senti un rideau ! C’est difficile à savoir. . . Un mur ? C’est peut-être exagéré de dire : il y a un mur. Mais il paraît qu’il y a au moins un rideau à déchirer. Mais il y avait pas de mur, pas de rideau ; la fenêtre était ouverte. Hostie ! Elle a reçu un homme avant moi. Si elle en a reçu un, elle peut en avoir reçus plusieurs. » Il la frappe et l’abandonne dans la forêt. Entre-temps, la nuit est venue et le cheval est disparu.

La suite est rocambolesque. Carrier abandonne l’écriture réaliste et nous projette dans l’inconscient de Floralie et d’Anthyme. Ce dernier, qui s’est toujours astreint à respecter les règles, a l’impression que son monde s’écroule. D’esprit assez primitif, il ne comprend pas ce qui lui arrive et se sent coupable d’avoir aussi mal traité son épouse. On dirait qu’il craint une vengeance divine : « Un gros nuage, qui se déplaçait lentement, retint son attention. Il glissait dans le ciel avec un bruit de buggy lancé à vitesse éperdue dans un mauvais chemin. Cette forme qu’il avait prise pour un nuage était, il le voyait, son buggy, tiré par son cheval: son propre buggy, son propre cheval.  Sa voiture envolée dans le ciel était le signe de sa mort prochaine : elle venait chercher l’âme de celui qui l’avait aperçue. Anthyme s’écrasa pour se confondre avec le sol. Il ne voulait pas mourir. La vie s’agitait en lui, dans son corps, comme le chat dans un sac jeté à la rivière. »

Floralie, seule en pleine forêt, va faire (ou imaginer) deux rencontres : la première avec une espèce de guérisseur qui lui promet d’alléger son sentiment de culpabilité tout en essayant de la séduire; la seconde avec sept acteurs qui jouent une pièce intitulée Les sept péchés capitaux et qui lui proposent de tenir le rôle d’une vierge dans leur création. Ce qu’il faut comprendre, c’est que Floralie n’était pas vierge. Elle avait fait l’amour avec un ouvrier de passage dans sa région. Elle vit une culpabilité destructrice (ou on lui fait ressentir) et cherche une forme d’absolution. « A sa naissance, Dieu avait donné à Floralie une robe pure, blanche, qu’elle avait l’obligation de garder sans souillure; sa robe, ce soir, était toute tachée de péchés. Floralie s’était adonnée à la faute où l’homme enlève ses vêtements pour mieux ressembler à la bête. Dieu ne pouvait voir sans une terrible colère sa créature dont la robe était plus sale qu’un torchon. »

Les deux personnages (ou leurs cauchemars) finissent par se rejoindre dans une cérémonie (toujours en pleine forêt ou dans leur imaginaire) où l’on fête Sainte-Épine, là où Dieu et Satan se disputent les âmes et règlent leur compte. Les personnages, ayant su éviter les flammes de l’enfer, en sortent purifiés. « Nous pourrions dire que Dieu a créé l’âme tandis qu’il a laissé au Diable de créer le corps et les sens. Je vous vois, je vois le sceau que la griffe du démon a inscrit sur votre front. Jetez-vous à genoux et priez. Le pied de Dieu est sur votre tête et seuls un regret extrême, la confession et la pénitence ont empêché son pied de s’appesantir et de vous écraser comme jadis la mère de Dieu écrasa la tête du serpent. »

Au matin, sans qu’on comprenne ce qui s’était réellement passé, les villageois sans doute inquiets de leur retard, viennent à leur rencontre et les retrouvent endormis dans les bras l’un de l’autre.

Quant à moi, ce roman anti-terroir vieillit mal et pourtant… tout ce bric-à-brac de culpabilité religieuse est encore présent dans certains milieux. On a un peu de difficulté à concevoir de nos jours que les préjugés d’une l’époque aient pu créer un tel sentiment de culpabilité chez l’un et l’autre. La relation homme-femme nous ramène au temps préhistorique (le mâle qui frappe et la femelle qui se soumet). Ce ne fut certes pas le modèle de mes parents et grands-parents.

17 janvier 2025

Trou de mémoire

Hubert Aquin, Trou de mémoire, Montréal, Le cercle du livre de France, 1968, 204 pages.

Le roman commence par une longue lettre qu’un révolutionnaire Ivoirien, Olympe Ghezzo-Quénum, adresse à P.-X. Magnant pour lui dire toute son admiration.

Suit le récit de P-X Magnant -- un pharmacien activiste politique -- qu’un éditeur s’est « permis de découper ». Le début est complètement décousu. Magnant a tué son amante dans le laboratoire où elle travaillait, sous le regard de singes cobayes. Ils faisaient l’amour et il l’a étranglée. Compte tenu des circonstances, on peut comprendre que le propos soit complétement déconstruit. Tout y passe, de la pharmacologie à la solitude en passant par les caprices de la machine à écrire. Le récit est interrompu par l’éditeur, qui ajoute parfois de longues notes en bas de page, ou qui nous raconte pourquoi il a coupé une partie du récit ou encore pourquoi il ajoute un changement de parties.

En fait Magnant essaie d’écrire un roman qui n’en finit plus de commencer. Pour expliquer cet échec, il avance le fait qu’il n’y a « pas de contexte, ni même de sous-textes dans lesquels ils [les auteurs] pourraient insérer leurs périodes » au Québec.

Il décrit les derniers moments de la mort de Joan, d’abord empoisonnée, puis étouffée avec douceur. Un crime parfait? Conscient que son histoire emprunte au roman policier, après en avoir fait l’apologie, il nous en explique la teneur révolutionnaire : « Tous les romans sont policiers » clame le narrateur, car le crime c’est en quelque sorte le premier pas de toute révolution.

Pour nous aider à comprendre, l’éditeur insère un autre texte de Magnant intitulé « Cahier noir ». Il y parle de ses problèmes sexuels et surtout de son goût pour le viol : « Oui, il me semble que je retrouve mille puissances et mille fois plus de poussée vénusienne quand je m'imagine en train de relever la robe d'une collégienne ou d'une inconnue qui ne veut pas plus me connaître que je ne veux l’inscrire sur mon carnet d'adresses - mais qui serait prête à cela, pourvu que tout se passe rapidement, violemment, sans le moindre conditionnement sentimental ou social… » (p. 115) Il essaie tant bien que mal d’associer ses déviances sexuelles à l’impuissance des Québécois face à leur situation.

Aquin ajoute une troisième couche narrative. Une certaine RR déclare qu’elle est l’autrice du journal de Magnant, que ce dernier n’est qu’un personnage inventé et que c’est elle qui était amoureuse de Joan et non Magnant. L’éditeur revient à la charge et dénonce l’imposture de RR. Elle se serait introduite dans la pièce où le journal de Magnant avait été laissé et aurait ajouté le chapitre où elle s’attribue la maternité du récit qu’on a lu.

Les jeux de miroir se poursuivent : l’éditeur trace un long parallèle entre le récit de Magnant et le tableau « Les ambassadeurs » de Holbein, peintre mentionné dans le récit de RR.

On quitte Montréal, Magnant et l’éditeur et on se retrouve à Lausanne avec RR et Olympe Ghezzo-Quénum. C’est ce dernier qui est narrateur. Ils se sont connus à Lagos et sont amants. On apprend que RR s’appelle Rachel Ruskin et est la sœur de Joan (la relation lesbienne entre elles était pure invention). Il semble que Magnant, après son crime, se serait rendu à Lagos, là où Rachel travaille comme infirmière. Craignant qu’il veule la tuer comme il l’avait fait pour sa sœur, elle a fui vers la Suisse en compagnie d’Olympe.  Magnant l’a suivie et l’a violée.

Dans une note finale, RR nous explique que Magnant et l’éditeur sont un seul et même personnage et qu’en fait c’est elle l’ultime éditrice de ce roman. Elle est enceinte de son violeur mais il lui a suffi de quatre mois pour retrouver une certaine sérénité! (« Méchant trou de mémoire! : voir l’extrait)

Les avancées et les reculs du récit, les fausses pistes et les artifices du roman policier, le vocabulaire médical sinon psychiatrique, les parallèles factices avec la situation du Québec, les jeux de miroir et, surtout, le viol et son traitement, toute cette surcharge contribue à rendre ce roman difficile à lire. Et, dites-le-moi si je me trompe, mais la représentation des femmes dans ce roman, est inacceptable dans la culture contemporaine. Au fond, l’histoire repose sur peu de choses. Tout est dans le dispositif narratif. Un roman qui vieillit mal.

Extrait (fin du roman)

Je vis seule, en paix. Maintenant que je sais tout (car j'ai lu tout ce qui a précédé), je me suis reconciliée avec ma sœur. Et, comme elle l'a fait, j'ai moi aussi changé de langue et je suis devenue une Canadienne française - québécoise pure laine! Il a fallu beaucoup de morts pour abolir mon passé, tout ce passé. Mais maintenant qu'il est réduit à néant et que j'ai changé ma vie jusqu'à changer de nom, j'ai cessé à jamais d'être la pauvre folle qu'on a violée à Lausanne. Cela a pris quelques semaines, bien sûr, et beaucoup de médicaments. Aujourd'hui, enceinte de quatre mois, je suis une autre femme : heureuse, détendue, nouvelle …

En lisant ce livre, je me suis transformée : j'ai perdu mon ancienne identité et j'en suis venue à aimer celui qui, s'ennuyant follement de Joan, est venu jusqu'à Lagos pour en retrouver l’image - cherchant en vain l’éclat de sa chevelure dans mes cheveux. Il a perdu la raison quelque part dans le delta funéraire du grand fleuve. Oui, je sais maintenant qu'il m'a suivie, de Lagos à Lausanne; et je sais ce qu'il a fait quand il m'a surprise sous cette marquise à Ouchy - bien que je n'aie jamais réussi à m'en souvenir par moi-même. Mais j'ai lu le journal d'Olympe; et je crois tout ce qu'il raconte et même ce que je lui aurais racontée mais dont le souvenir s'est volatilisé. Je sais tout cela: il s'est lancé dans la publication de cet inextricable récit. Drôle d'éditeur qui poursuivait l'ombre de la femme tuée par l'auteur d'un roman inachevé et que j'achève, en ce moment, tandis que mon ventre est tout plein de son enfant. Après Lagos, ce fut sa réapparition foudroyante å Lausanne. Le restant, Olympe l'a vécu plus intensément que moi. C'est lui, pauvre enfant dépaysé, qui a vécu mon drame, me sachant poursuivie par l'autre, hantée, folle, toute détériorée . . . Son récit m'a semblé d'autant plus affreux que je ne reconnais pas cette fille éperdue qu'il a aimée sans savoir qu'il allait se suicider au terme de notre course. Au Versailles Lodge, Olympe se comportait déjà péniblement. Cela me fait mal de penser que je l'ai guidé vers l'autre sans le savoir... Tout ce que je sais, c'est que la voix de cet homme, au téléphone, m'a hypnotisée: un peu comme celle de Pierre X. Magnant quand je l'ai rencontré sous une marquise! Mais je ne fis pas le joint entre mes deux fascinations et je fis ce qui me semblait alors dicté par un impératif obscur et implacable : j'envoyai Olympe au bureau de cet éditeur rue Saint-Sacrement. Il n'en est jamais revenu; il n'en reviendra pas...

Depuis, tant de choses se sont passées: j'ai changé de nom, je porte un enfant qui s'appellera Magnant -- et jusqu'au bout, je l'espère, et sans avoir peur de son nom. Et je veux que mon enfant soit plus heureux que son père et qu'il n'apprenne jamais comment il a été conçu, ni mon ancien nom...

Hubert Aquin sur Laurentiana

Prochain épisode

10 janvier 2025

L’océanthume

Réjean Ducharme L’océanthume, Paris, Gallimard, 1968, 190 pages.

Le roman est dédié à Marie-Claire Blais, « respectueusement, comme à une princesse ».

Iode, la narratrice, vit avec ses parents (Van der Laine et Ina Ssouvie) et son frère Ino dans un « steamer » désaffecté. Elle a une dizaine d’années. Autrefois, la famille vivait dans un château sur une île du St-Laurent. Sa sœur aînée est décédée quand, par un soir de tempête, un serviteur a complètement perdu la tête et l’a massacrée.  Sous le choc, la mère a donné naissance à Iode. On comprendra que ce drame a brisé cette famille. La mère ne s’en est jamais remis : elle boit et déverse sa haine sur Ino comme s’il était coupable (sa sœur a été tuée en le protégeant). Le père, lui, s’est enfermé dans son monde. Quant à Ino, il a pour ainsi dire cessé tout développement. Il ne parle pas, ne marche pas… Iode va à l’école mais ne fout rien, sinon invectiver la maîtresse. Elle essaie d’aider son frère en lui lisant le dictionnaire et en le bousculant. Selon elle, « il joue à n’être rien ».

Dans un manoir, en face de leur habitation, arrivent de nouveaux voisins, des Finlandais, dont une petite fille nommée Asie Azothe. Iode et Asie, après un début difficile, deviennent inséparables. Leur relation est fusionnelle, Asie étant complètement obnubilée par Iode, cédant à toutes ses fantaisies, l’accompagnant dans tous ses mauvais coups. Par exemple, elles se sont emparées d’un troupeau de gaurs qu’un propriétaire laissait dehors en plein hiver. Elles les ont enfermés dans une pièce inoccupée du steamer. Les autorités s’en sont mêlés et Iode, dont ce n’était pas la première frasque, se retrouve dans un centre de réadaptation pour jeunes filles.

Le médecin qui la traite, une femme qui lui ressemble, son double adulte, s’entiche d’elle. Elle se nomme Faire Faire. Elle l’aide à s’évader. Plus encore, elle l’emmène en France où les deux errent pendant quelques mois. « Je voulais que tu me fasses croire que j’étais demeurée une enfant. » De retour chez elle, Iode découvre que sa mère les a quittés et est allée habiter avec Lange, le médecin de famille. Les vacances d’été étant là, Asie Azothe est forcée de fréquenter un camp de vacances. Seule avec son frère, qui est guéri, Iode rêve de s’enfuir : « Nous marcherons sur le bord de l’océan vers le sud. Nous suivrons le littoral, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. » Pour ce, elle convainc son frère qu’il leur faut kidnapper Asie Azothe. Leur plan fonctionne. En fait ils sont aidés par Faire Faire et Ina. Un train les emmène à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick où leur périple devrait démarrer. Surprise, Faire Faire et Ina sont du voyage. Les derniers mots du roman laissent présager un voyage difficile : « Nous sommes assis devant l'océan. Il pue à s'en boucher le nez. II étend jusqu'à nos pieds une nappe transparente pleine de morceaux de poissons pourris qu’il ravale aussitôt. / - Nous y sommes. Soyons-y! »

L’océanthume est le premier roman écrit par Ducharme. On sait qu’il avait envoyé trois manuscrits à Gallimard, qui a choisi de publier d’abord L’avalée des avalés, un roman plus achevé qui, cependant, emprunte beaucoup à L’océanthume : narratrice enfant, famille dysfonctionnelle, amitié fusionnelle, révolte enfantine, découpage en petites séquences…

Ducharme a écrit sur le rabat de l’Avalée : « S’il n’y avait pas d’enfants sur la terre, il n’y aurait rien de beau ». Disons que cette citation ne représente pas les enfants qu’on rencontre dans L’océanthume. Iode, qui n’a que dix ans, en veut à l’humanité entière. Elle voudrait ne devoir rien à personne et, en même temps, elle ne cesse de provoquer tout le monde. « Garde-toi! Ne te jette dans les bras de personne! Ne le dis pas : garde-le pour toi! Si tu veux m’accompagner, accompagne-moi en silence! Ne donne rien à personne! Ne fais rire ou pleurer personne : ne donne pas de spectacle! Ne te parfume pas : ne donne pas d’odeur. Ne te jette pas : tu es tout ce que tu as! Ne dis rien à personne : nous sommes tout ce que j'ai ! En se jetant dans le fleuve la rivière se perd! Garde-toi! Serre-toi dans tes bras! Ne joue pas avec eux! » (p. 139) Derrière cette façade, on devine l’immense besoin d’amour.

Au-delà du drame enfantin, Ducharme, c’est d’abord un style, une logorrhée verbale parfois tellement brillante qu’on en oublie les passages plus ternes qui ne mènent nulle part.

Extrait

L’écume aux commissures des lèvres, je continue.

-- Un jour, nous sortirons d'ici, un peu comme au printemps une rivière déborde. Mais nous n’inonderons pas quelques îlots et quelques maisons, nous couvrirons tout. Ils fuiront devant nous noyés jusqu’aux cuisses. Leurs oh et leurs ah épouvantables finiront en glouglou sous notre poussée continentale. Nous entraînerons lacs et fleuves, un peu comme la goutte de pluie, dans sa glissade sur la vitre, grossit en agglutinant les autres. Notre crue sera leur deuxième déluge. Abandonnant feux et lieux, les survivants se grouperont en une masse compacte que nous pousserons jusqu’au plus haut sommet de la plus haute montagne et séquestrerons là. Ils ne pourront plus alors que s'entre manger.

Asie Azothe voit cela comme si elle y était.

-- Et après nous pourrons pénétrer partout. Nous entrerons, après avoir brisé les fenêtres dans les gares, les usines, les magasins, les couvents, les gratte-ciel, les bateaux et les banques, dont ils auront verrouillé les portes en partant. Ouvrant les maisons, nous trouverons les unes pleines de papillons et les autres pleines d'ânes. Nous visiterons les greniers, y emplirons des sacs de statues brisées et de voiliers embouteillés. Il fera un silence tellement grand que, d’une ville à l’autre, nous pourrons nous entendre chanter. En se retirant, nos eaux auront semé la terre de merveilles. Des algues géantes draperont les forêts blanchies de sel. Les rues des villes, comme des cassettes, regorgeront jusqu’aux toits de poissons de couleur, de barres de galions, de jambes de bois de pirates, de pièces d’or méconnaissables et de pierres précieuses. Marchant dans les marguerites, nous buterons contre des baleines. (p. 50-51)

Lire la critique de Jean-Cléo Godin

Réjean Ducharme sur Laurentiana

L’avalée des avalés

2 janvier 2025

Domaine public 2025

Marie-Anne Perreault, Gemma Tremblay 
Rex Desmarchais, Rosaire D. Lévesque

QUI Y GAGNE QUOI?

Voici les livres qui auraient accédé au domaine public en 2025 si la loi était restée la même. Je réitère mes critiques des dernières années. En quoi le fait d’avoir prolongé de 20 ans (50 à 70) la période de protection d’une œuvre sert-il ces auteur.trice.s? On aurait dû exiger des ayants-droit, qui voulaient absolument prolonger la période de protection, qu’ils enregistrent lesdites œuvres. Qui l’aurait fait cette année? Selon moi, personne. Les œuvres ci-dessous n’ont pas de valeur pécuniaire, même celles qui sont encore sur le marché. Elles seraient devenues libres de droit en 2025, elles auraient été offertes gratuitement sur internet et, peut-être, auraient-elles pu gagner de nouveaux.lles lecteur.trice.s.

 

Marie-Anne Perreault (pseudo : Mme Elphège Croff), Rivière-Ouelle (1896-1974)

1927 - Les heures brèves, L’Action sociale.

1928 - L’enjôleuse, Garand.

1929 - La petite maîtresse d’école, Garand.

1930 - Celle qui revient, Garand


Léo-Albert Lévesque, (pseudo : Rosaire Dion-Lévesque), New Hampshire (1900-1974)

1928 - En égrenant le chapelet des jours, Louis Carrier.

1930 - Les oasis, Desclée.

1930 - Petite suite marine, Caravelle.

1933 - Walt Whitman, Les Elzévirs.

1939 - Vita, Valiquette.

1949 - Solitudes, Chanteclerc.

1952 - Jouets, Chanteclerc.

1963 - Quête, Garneau.


Olivier Carignan, Montréal (1901-1974) (journaliste et scripteur pour la radio,

Il anima, de 1946 à 1947, l'émission Reflets de la vie, diffusée à CKAC (Montréal).

1927 - Les sacrifiés, Mercure


Rex Desmarchais, Montréal (1908-1974)

1931 - Attitudes, Librairie d’Action.

1932 - L’initiatrice, Albert Lévesque.

1933 - Le feu intérieur, Albert Lévesque.

1941 - France immortelle, Éditions libres.

1942 - La Chesnaie, L’Arbre.

1942 - Bête de proie, Éditions d’art.


Gemma Tremblay, Saint-Moïse (1924-1974)

(Je vais présenter en 2025 quelques livres de Gemma Tremblay sur Laurentiana)

1960 - Rhapsodie auburn, Beauchemin.

1961 - L’Aube d’ocre, Beauchemin.

1964 - Séquence du poème, Paris, Grasset.

1965 - Cuivres et violons marins, Hexagone.

1965 - Poèmes d’identité, Paris, Grassin.

1966 - Cratères sous la neige, Déom.

1968 - Les feux intermittents, Paris, Grassin.

1969 - Les seins gorgés, Éditions du Songe.

1972 - Souffles du midi, Paris, Grassin.

1989 - Poèmes 1960-1972, Hexagone

(Référence : Yvan Mornard, Inventaire des écrivains du Québec par année de naissance, 1999)

1 janvier 2025

Le nouvel an (1828)

Air : Jeunes amants, cueillez des fleurs.

Par mille baisers fraternels
Le jour de l’an est remarquable ;
Cette affection des mortels
Est-elle fausse ou véritable?
Mais à quoi bon, sensés lecteurs,
Nous donner cette inquiétude ?
Il faudrait lire au fond des cœurs,
Pour en avoir la certitude.

L’un vous souhaite la santé,
Et l’autre un très long cours de vie ;
Celui-ci la prospérité,
D’aucun revers jamais suivie.
Pour nous, sans vouloir censurer
Cette antique et charmante mode,
Qu’on nous permette de tracer
Et de suivre une autre méthode.

Dans ce jour célèbre à jamais,
Malgré que l’un ou l’autre dise,
Voici donc quels sont nos souhaits :
Nous souhaitons avec franchise,
Aux magistrats, l’intégrité ;
Aux faux plaideurs, la patience ;
Aux huissiers, de l’honnêteté,
Et aux notaires, la science.

Aux greffiers, plus d’humanité ;
Aux auteurs, plus de modestie ;
Aux marchands, plus de vérité ;
Aux prudes, moins d’afféterie ;
Aux ignorants, l’instruction ;
Aux gazetiers, moins de mensonges ;
Aux savants, moins de prétention ;
Aux lunatiques, moins de songes.

Aux grands, beaucoup moins de fierté ;
Aux avocats, plus de franchise ;
Aux docteurs, plus d’aménité ;
Aux maris, moins de convoitise ;
Aux femmes, la fidélité ;
Aux jeunes filles, l’innocence ;
Aux vieilles, la tranquillité ;
Aux jeunes gens, la tempérance.

Aux débiteurs, un doux repos ;
Aux créanciers, moins de rudesse ;
Aux libertins, le corps dispos ;
Aux avares, plus de largesse ;
Enfin, aux ministres de paix,
La tolérance, sans rancune.
Voilà quels sont tous nos souhaits,
Ah! puissent-ils faire fortune !

(Publié dans Le répertoire national, t. 1, 1892)

Massicotte - La bénédiction paternelle (oui, je sais, la bénédiction maternelle aurait eu tout autant de sens)