30 novembre 2018

Marie-Jeanne

Laure Berthiaume-Denault, Marie-Jeanne, Montréal, Beauchemin, 1937, 89 pages. (Préface de Marius Barbeau)

Les Lavigueur et les Hubert sont voisins… mais en chicane pour des raisons politiques. Or, Jean-Marie Lavigueur et Marie-Jeanne Hubert s’aiment et se voient en cachette. Leur vie bascule quand le père de Marie-Jeanne meurt des suites d’une ruade de cheval. La famille Hubert est en sérieuse difficulté puisque que la mère est à moitié paralysée.

Une riche bienfaitrice, Hermeline, prend la famille sous son aile. Elle accueille chez elle la mère et deux des enfants — dont Marie-Jeanne —, les autres étant recueillis par un orphelinat. Le jeune frère d'Hermeline est docteur et habite aussi avec elle. Il est très sensible aux charmes de la jeune Marie-Jeanne, de neuf ans sa cadette. Il finit par lui déclarer son amour, un sentiment que la jeune fille partage. Quant à Jean-Marie Lavigueur, l'ancien amoureux, il se console rapidement auprès de Berthe, la sœur de Marie-Jeanne. J’oubliais : le bonheur est revenu dans la famille Hubert puisqu'un lointain cousin, autrefois amoureux de la mère, lui a laissé une petite fortune en mourant... 

Contrairement à ce que prétend Marius Barbeau en préface, le récit ne présente aucun intérêt ethnologique ou social. Oui, ça se passe à Ottawa, mais aussitôt dit, aussitôt oublié. C’est une histoire sentimentale qui épouse le scénario classique : la jeune orpheline et le prince charmant, la pauvresse et le riche, l’opposition des parents, l’amour qui triomphe de tout. Et c’est invraisemblable de la première à la dernière ligne.

Extrait
Marie-Jeanne s’inquiétait, se désolait de se sentir de plus en plus troublée en présence du médecin. Pourtant, avec mademoiselle Hermeline elle se trouvait parfaitement à l’aise. Devant lui, au contraire, elle devenait toute tremblante.
Quand il lui parlait, elle ne savait que répondre. Le moindre geste la bouleversait.
Durant les absences du médecin, elle venait dans son cabinet avec Hermeline qui lui choisissait quelques livres. Elle lui mit entre les mains d’abord des ouvrages quelconques, puis, des livres plus sérieux qui produisirent un grand effet sur son esprit, Marie-Jeanne s’y intéressait ardemment. Son intelligence se développait rapidement.
Mademoiselle Hermeline ne pouvait que s’étonner des progrès de sa jeune amie.
— Si j’avais une fille, répétait-elle à son frère, je l’aurais voulue telle que cette enfant.
Le cabinet de travail du médecin charmait Marie-Jeanne par ses innombrables bibelots.
Le grand mur de gauche était couvert de livres; les autres attiraient les regards par leurs décorations originales. 
La jeune fille s’y était vite accommodée. Elle s’arrêtait volontiers devant quelques eaux-fortes finement encadrées, une reproduction du « Saxophone » de Vertès ou un sketch de Duguay, ou encore devant des portraits des musiciens préférés. Il y avait aussi une collection d’auteurs et de peintres canadiens-français.
Cette ambiance lui faisait presque oublier son village. 
Pourquoi aimait-elle à venir là et à s’y attarder? 
Le savait-elle? 

23 novembre 2018

Amour moderne

Laëtitia Filion, Amour moderne, Beauceville, Chez l’auteure, 1939, 143 p.

Pierrette des Orties est une jeune bourgeoise orpheline qui vit avec sa mère sur la Grande Allée à Québec. Bientôt elle va se marier avec Charles, de milieu plus modeste, un arpenteur souvent parti au loin. Pierrette n’est pas très sure de son amour pour Charles, qui est aussi un ami d’enfance. Pendant une de ses absences, elle rencontre un Américain francophone, Guy de Morais, et tombe amoureuse de lui sans se l’avouer. Au retour de Charles, qu’elle est venue accueillir à la gare, cette vérité lui saute aux yeux. Elle est si perturbée qu’elle cause un accident sur le chemin du retour. Gravement blessée, surtout au plan psychologique, elle tarde à renouer avec la vie. Le mariage est repoussé et bientôt annulé. Guérie, elle reprend sa vie mondaine et renoue avec Morais et quand ce dernier la demande en mariage elle accepte. Ce bonheur est brusquement interrompu quand sa mère fait faillite. De Morais, mis au courant, ne donne plus signe de vie. Pierrette décide de prendre en main la situation familiale précaire : elle déménage avec sa mère dans un appartement, loue la maison et trouve un travail. Charles réapparaît dans sa vie. Mais, par orgueil et ayant le sentiment que cet amour serait à jamais ombragé par ce qui s’est passé entre eux, elle le repousse. En épilogue, on apprend qu’elle est rentrée chez les sœurs et Charles, à la trappe d’Oka.

C’est un roman sentimental dont la structure n’est pas originale : un triangle amoureux fondé sur l’opposition entre les riches et les modestes. La fin est particulièrement décevante. Cette jeune femme, qui ne pensait qu’aux mondanités, vivant aux crochets de sa mère,  par la force des circonstances, devenait une jeune femme capable de gérer sa vie, et tout cela va mourir dans une fin vieille comme le monde, comme s’il n’y avait pas de vie possible pour les femmes en dehors des hommes. Plus encore, tout le monde plaint cette pauvre Pierrette qui doit travailler et « gagner sa vie ». On est vraiment en 1939! Autre aspect qui laisse à désirer : l’auto-analyse de Pierrette, ses tergiversations sont trop répétitives.

Extrait

Comme Pierrette se taisait, il continua :

—Ah c’est pour cela que tu me repousses! C’est de crainte de voir les gens critiquer ta manière de faire, c’est parce que tu n’aurais pas extérieurement le beau rôle. Mais tu le sais bien, nous laisserons la ville, nous irons loin, très loin, aussi loin que tu voudras, afin qu'aucun de ces bruits ne viennent frapper ton oreille, et gâcher le bonheur que je veux te donner. Nous chercherons un lieu pour cacher notre vie où personne ne saura rien de nos relations antérieures; il ne viendra à la connaissance de personne non plus que tu m’as accepté en mariage un jour où ta dot était minime.

—Ah! je le sais Charlie, je ne doute pas une minute de ton bon coeur, loin de moi l’idée de te faire injure. Tu cacherais à tous ce secret que moi je ne saurais jamais oublier. Jamais tu ne me ferais le moindre reproche ni de ma pauvreté, ni de ma conduite passée, tu mettrais même tout en oeuvre pour me faire oublier mes torts envers toi. Raison de plus de t’admirer, de te dire que je sais t’apprécier. Mais tout cela ne change rien à ma décision.

Puis sur un ton différent :

—Si je suis femme c’est pour savoir ce que c’est que d’aimer. Dans ma naïveté j’ai pu croire le contraire, combien j'ai souffert pour en faire la triste et bienheureuse expérience, nul ne le saura jamais. Puis il n’y a pas que moi qui sois en jeu. Vous-même, comment pourriez-vous aimer une femme qui au lieu de vous donner son coeur à jamais, l’a donné un instant à un autre? Comment pourriez-vous chasser de votre esprit les soupçons qui, en justice, pourraient l’effleurer? Comment pourrai-je être heureuse quand un regard de vous, un simple mot, me paraîtraient des allusions à mon malheureux passé que je suis impuissante à abolir? Notre vie ne serait qu’un long malentendu! Oh Charlie, je vous en prie, éloignez-vous. Tout, tout nous sépare.

Elle s’était dressée en prononçant ces dernières paroles. (p. 141)

16 novembre 2018

Mon Jacques

Éva Senécal, Mon Jacques, Montréal, Albert Lévesque, 1933, 222 pages.

L’action commence dans un chalet près du lac Orford. Lina Lord fait la connaissance de Jacques Roussel, un musicien d’une quarantaine d’années qui a étudié en Europe et à New York. Leur relation se développe rapidement et ils se marient. De retour à Montréal, après un voyage de noces à New York, leur amour serait on ne peut plus heureux, si ce n’était que Jacques cache un secret qui semble lourd à porter, et qu’il refuse de dévoiler. Il reçoit à quelques reprises des lettres qui semblent le traumatiser. Une enfant naît. Lina questionne sa belle-mère au sujet de son fils : elle lui révèle qu’il a entretenu une relation avec une actrice espagnole, selon elle, dépravée. Pourtant, ce ne semble qu’une partie du secret de Roussel. Lina finit par découvrir le fin fond de l’histoire : son Jacques est marié et son ex-femme le fait en quelque sorte chanter pour qu’il lui revienne. Pour Lina, c’en est trop; dans son esprit, s’il est marié, elle ne peut être que sa maîtresse. Elle fuit avec son enfant chez une tante. Une année passe, ils s’écrivent à quelques reprises, Lina racontant ce qui arrive à l’enfant. Quand celle-ci attrape une pneumonie sévère, Lina avertit Jacques qui arrive juste à temps pour assister au décès. En épilogue, l’auteure nous sert une dernière scène mélodramatique : approchant du lac Orford en taxi, Jeanne — et beaucoup de voyeurs — découvre un homme qui va se noyer, malgré les secours qui sont venus à lui. C’est son Jacques. On comprend que Lina et Jacques se voyaient à l’occasion.

C’est un roman sentimental. Toute l’intrigue consiste à savoir ce que Jacques Roussel, qui est doux, attentionné, a fait de si terrible dans sa vie antérieure. L’auteure révèle le tout au compte-goutte. Dans les 50 dernières pages, Senécal nous offre une fin mélodramatique qui n’était pas nécessaire. A-t-elle voulu ainsi sauvegarder la moralité du couple?

Mais ce roman est plus qu’une histoire sentimentale. Éva Senécal écrit bien, évite les clichés littéraires, sait décrire une action de façon vive et fluide. Et plus encore, elle  nous offre à quelques reprises des tableaux bien tournés sur les lieux évoqués dans l’histoire. C’est le cas pour New York, mais aussi pour les Cantons-de-l’Est.

Extrait
Le lendemain, nous partîmes pour le lac Orford.

Jacques avait chargé les Ledoux de la toilette du Chalet Bleu, afin qu'il soit prêt pour notre arrivée.

Nous quittâmes Montréal après le lunch. Un flot de touristes affluaient déjà sur la grand’route. Pantalons de golf et vestons blancs des sportsmen yankees voisinaient aux stations de gaz, avec la salopette et la vareuse noires du garagiste, devant les Coca Cola, les Chewing Gum et les Oh Boy.

L’asphalte de la route Montréal-Sherbrooke exhalait des senteurs de bitume chauffé. Plus loin, une bouffée d’air odorant venait vers nous des lilas en fleurs.

Après le paysage lisse et les terres basses des rives de l’Yamaska, les dentelures capricieuses et vertes des vallons de l’Est défilèrent sous nos yeux.

Peu à peu, la crête de l’Orford se dessina à l’horizon.

Éva Senécal sur Laurentiana
Mon Jacques

9 novembre 2018

Moisson de souvenirs

Andrée Jarret (pseudo de Cécile Beauregard), Moisson de souvenirs, Montréal, Le Devoir, 1919, 158 pages.

On sait très peu de choses sur Cécile Beauregard. Pourtant, entre 1918 et 1928, elle a publié six livres : Le médaillon fatal (1924), L'expiatrice (1925), Le secret de l'orpheline (1928) et les trois que j'ai blogués (voir ci-dessous). On la perd de vue en 1928. Que lui est-il arrivé? Est-ce l'effondrement des éditions Garand qui l'a obligée à renoncer? C’est un peu ce qui m’a motivé à lire Moisson de souvenirs, de prime abord, une autobiographie. 

Le nom des personnes a été changé, apprend-on dans l’épilogue. C’est facile à comprendre : si on se fie à ce qui est raconté dans Moisson de souvenirs, elle devait être au début de la vingtaine et toutes ces personnes dont elle parle sont bien vivantes. Le récit, jamais daté, commence à la fin du 19e siècle et se termine pendant la première guerre mondiale.  Peu d’événements historiques permettent de nous situer : il y a seulement la guerre et le congrès eucharistique de Montréal en 1910.

L’action se déroule dans quatre lieux : Lowell Mass., Montréal, Maricourt et Saint-Claude dans les Cantons-de-l’Est.

Le récit comprend trois parties : l’enfance, l’adolescence et la jeunesse. 

Son enfance et son adolescence, Marcelle (c’est son nom d’emprunt) les passe dans des couvents dans les Cantons-de-l’Est (Saint-Claude et Maricourt). Pourquoi en ces lieux? Parce que sa famille en est originaire. Là vivent encore ses oncles et ses grands-parents qui veillent sur elle et ses frères et sœurs. Elle est pensionnaire parce que ses parents, eux, vivent à Lowell, Mass. On ne saura rien de cette vie américaine. Et ses parents finissent par déménager à Montréal, alors qu’elle a 12 ans. 

Plus ou moins bonne élève, elle se présente comme une petite fille très sensible, rêveuse, plutôt solitaire. Et il lui faudra un certain temps avant d’apprécier la vie du couvent. On s’étonne toujours de certaines règles qu’on appliquait dans l’éducation des enfants, aussi bien au couvent qu’à la maison : il faut détruire toute forme de vanité, d’amour-propre chez les enfants, quitte à les humilier si nécessaire. Les enfants doivent rentrer dans le rang et surtout, ne pas afficher une personnalité qui le différencie. C’est grâce à Sœur Saint-Blaise, qui a deviné ses dons artistiques, qu’elle finira par s’attacher à sa vie de couventine. 

Bien entendu, devenue adolescente, les soeurs essaieront de l’attirer dans la vie religieuse, ce qu’elle refusera nettement pour une bonne raison : depuis toujours elle est amoureuse de son cousin germain, Jean. Sortie du couvent un peu avant d’avoir obtenu son diplôme, elle demeure chez ses parents, en attendant Jean qu’elle voit rarement. Elle dessine, publie ses dessins dans des revues et aide sa mère à s’occuper de la famille nombreuse. Par moments, elle semble quelque peu dépressive. Jean, qui partage ses sentiments, et qu’elle attend depuis si longtemps, finit par lui faire faux bond : il rentre chez les prêtres. On croit comprendre que c’est la grand-mère toute puissante qui l’a fortement influencé. Et cette même grand-mère va convaincre Marcelle d’entrer chez les sœurs. Fiction tout cela?  

Cette vie de jeune fille, au début du XXe siècle, peut sembler assez convenue. Rien d’extraordinaire n’arrive. C’est le quotidien d’une écolière, parfois en butte contre un professeur ou d’autres écolières. Et il faut bien admettre que le récit traîne souvent en longueur. Pourtant, je me répète, il me semble qu’il y avait une Gabrielle Roy en herbe chez Cécile Beauregard. Et ceci apparaît dans certaines observations qui dénotent beaucoup de finesse, pour une assez jeune auteure.  C’est souvent le cas quand il s’agit de dresser le portrait ou l’état d’âme d’un personnage. Le regard se porte au-delà des apparences et de la psychologie facile.

Deux extraits

« La porte fermée, pour tout de bon, cette fois, Jean tourna sur lui-même et s’enfuit étourdiment. Alors, stupide, j’eus tout à coup l’impression cruelle, profonde, de n’être pas chez moi. L’abandon, l’humiliant oubli, la solitude et la détresse du cœur, toutes les pauvres misères humaines fondirent sur mon petit cœur de huit ans qui n’y entendait rien. Je sentis une chaleur à la figure et les larmes me montaient aux yeux, quand la voix mélodieuse de Jean m’appela :
— Viens jouer Marcelle ! 

***

« Décidément en verve, il demanda ensuite à Lydia, si elle pouvait accompagner Adeste fideles. Sur la réponse négative de la petite qui rougissait, il prit sa place au piano et s’accompagna lui-même. Religieusement, avec une charité grave et tendre, il chanta les belles syllabes latines, laissant se déployer sans entraves, toute la vivante richesse de sa voix à laquelle se mêlaient humblement, les notes veloutées du piano. En tournant le dos, il semblait nous avoir oubliées, et la tête légèrement renversée en arrière, il tenait ses paupières presque closes, comme s’il eût été en face du Tabernacle.
J’avais pu considérer ma sensibilité comme à jamais anéantie, mais, raidie de toutes mes forces contre moi-même, éperdue et avalant des sanglots, je n’en croyais plus rien. Jean m’avait tout rendu. »

À lire sur Wikisource

Andrée Jarret sur Laurentiana
Moisson de souvenirs
Contes d'hier
La dame de Chambly

2 novembre 2018

Contes d’hier

Andrée Jarret (pseudo de Cécile Beauregard), Contes d’hier, Montréal, Daoust et Tremblay, 1918, 158 pages. (Préface de M. M.)

Premier livre de Cécile Beauregard. Encore une fois, ce qui est désigné ici comme « conte » n’est pas vraiment un conte. Ce sont de courts récits qui racontent les espoirs, déceptions, plaisirs d’une jeune fille de l’époque.  À titre de comparaison, on peut penser à Michelle LeNormand dans Autour de la maison (1916).

Le recueil compte 13 récits. Une enfant trop heureuse pense « plus tard, [s]’imposer de grandes pénitences, en [s]e faisant carmélite » (Pourquoi les mamans pleurent); une jeune fille est abandonnée par son amoureux qu’elle a trop fait attendre (Après la faute); une petite fille attend stoïquement la mort (Le secret de Jeannine); une jeune fille hésite entre la vie religieuse et le mariage (Les lilas); une jeune fille rêve (Un beau soir d’été); une jeune fille repousse une demande de mariage pour rester auprès de sa mère malade (La fiancée de Noël); une jeune femme va aider sa cousine en difficulté avec un enfant malade (Pages de journal); des couventines passent une soirée avec leur nouvel aumônier (Les finissantes); un veuf veut confier sa fille de 12 ans à sa belle-sœur (Le voyage blanc); Roberte est une fille malchanceuse en amour (Roberte); une fille découvre que sa mère adoptive veille sur elle et ses amours (Veille de Noël); une jeune femme craint que l’enfant qu’on lui a confié et qu’elle a perdu s’en souvienne un jour (L’infâme); enfin, une jeune fille découvre les joies de la création (Le premier conte).

On ne sait presque rien de Cécile Beauregard. Quel âge avait-elle quand elle a publié ces contes? Une recherche dans les journaux nous apprend qu’elle a habité à Saint-Angèle de Monnoir comté de Rouville (La Presse, 13 février 1922). À la lecture de certains « contes », on se dit que Cécile Beauregard aurait pu devenir une Gabrielle Roy, celle des petits récits familiaux. Tout comme la grande écrivaine, elle peut raconter le quotidien le plus prosaïque et en tirer certaines réflexions pleines de finesse, sans tomber dans une morale étroite, même si la religion est omniprésente. Ceci étant dit, il lui manque une vision  de la vie et de la société qui transcende les petits drames au quotidien.

Extraits
« C’était dans la littérature la transposition d’un art bien féminin ; l’auteur semblait de son aiguille fine et habile tracer sous mes yeux les dessins et les arabesques d’une broderie élégante et harmonieuse. » (M. M. dans la Préface)

« Une nouvelle partie commence qui promet d’être plus chaude : mon beau-frère en est déjà tout crispé. Un paquet de nerfs, cet homme-là. D’une perspicacité insupportable, tenace, beau parleur, avec une voix de tête un peu voilée, pas l’ombre de vanité. Très gentil d’ailleurs, quand il veut bien, car il a de l’esprit, et une finesse fort originale. Intelligent, trop d’imagination, volontiers tyran si on le laisse faire, résultat de ce curieux besoin de posséder l’attention, la sympathie. Le voilà tout entier. Lucien a plus d’un trait de ressemblance avec lui. Même au physique, voyez : avec ses membres frêles, son teint blanc, ses grands yeux glauques, presque gros, qui ont toujours l’air d’avoir été lavés par des larmes récentes. » (p. 152)