27 décembre 2017

Paysannerie. Conte des Rois

Cécile Chabot, Paysannerie. Conte des Rois, Montréal, Fides, 1944, 70 pages (Dessins de l’auteure)

C’est la fête des Rois. On est toujours à Sainte-Pétronille et Joseph est toujours aussi grognon. Il a assez durement morigéné le bedeau parce que celui-ci n’a pas trouvé de chameaux et de rois mages pour animer la crèche.  Peut-on concevoir une telle fête sans chameaux? Ce serait bien la première fois que l’enfant-Jésus serait privé d’un spectacle qui lui fait tant plaisir. Mais le sacristain, que même le curé considère comme un peu bizarre, n’a pas dit son dernier mot. En pleine messe des Rois, alors qu’on ne l’attendait plus, il entre dans l’église avec  un cheval — qui vaut bien un chameau —, et trois paysans de l’île, pour remplacer Gaspard, Melchior et Balthazar. En fait, l’un des paysans a cédé sa place à sa femme et à ses deux enfants. Et plutôt que l’or, l’encens et la myrrhe, ils ont apporté des produits de la ferme, des confections artisanales, des petits animaux domestiqués et même un esturgeon tiré du fleuve. Et tout ce beau monde — et même le cheval — au moment du Sanctus , de s’agenouiller devant l’Enfant-Jésus.

Ce que j’ai dit d’Imagerie, je pourrais le répéter ici, c’est charmant.  

En 1962, Chabot a réuni, sous le titre « Contes du ciel et de la terre », Imagerie et Paysannerie et leur a ajouté un troisième volet : Féérie. (voir la dernière image)

Cécile Chabot sur Laurentiana
Vitrail (1939)
En pleine terre  de Germaine Guèvremont.


 

 



20 décembre 2017

Imagerie. Conte de Noël

Cécile Chabot, Imagerie. Conte de Noël, Montréal, Fides, 1944, 69 pages (Dessins de l’auteure)

Joseph et Marie quittent leur atelier de la rue Saint-Jean, à Québec, de façon un peu précipitée.  Comme toujours, Joseph s’inquiète. C’est à Sainte-Pétronille, sur l’île d’Orléans, qu’ils doivent se rendre cette année. Une crèche les attend. Ils n’ont pas de voiture et le périple s’annonce difficile, surtout pour Marie qui porte l’enfant Jésus. Leur voyage se complique un peu plus quand une tempête éclate et qu’ils se perdent. Se pourrait-il que Sainte-Pétronille ait une crèche vide la nuit de Noël?  Un bon Samaritain, qui revient du marché de Québec, finit par passer par là. Il les fait monter dans son berlot et les dépose juste devant l’église. Marie et Joseph prennent leur place dans la crèche. L’âne, le bœuf, les anges, les moutons et les bergers sont déjà installés. Joseph, fatigué, suit le conseil de Marie et décide de faire un roupillon. Quand il se réveille, il est presque minuit et Marie dort. Tous les personnages de la crèche se sont animés. Dans le berceau, l’enfant Jésus  le regarde et lui sourit. 

Cécile Chabot a vraiment réussi son pari, raconter une histoire vieille comme le monde en la renouvelant sans la dénaturer. Son petit conte de  Noël, qui mélange réalisme et féerie, elle  l’a enrichi d’illustrations qui allient sobriété et beauté. Bref, tout est du meilleur goût dans ce récit poétique, qui s’adresse tout autant aux enfants et qu’aux plus grands qui ont gardé un brin de leur âme d’enfant.

Une seconde édition a été publiée en 1962 chez Beauchemin.

Cécile Chabot sur Laurentiana
Cécile Chabot
Vitrail (1939)
Légende mystique (1942)
Paysannerie : conte des rois (1944)
Imagerie : contes de Noël (1944) 
En pleine terre  de Germaine Guèvremont.






Pub trouvée dans le livre

15 décembre 2017

Légende mystique

Cécile Chabot, Légende mystique, Montréal, La société des écrivains canadiens, 1942, 43 pages. (Illustrations de l’auteure)

On est à Ville-Marie le 17 avril 1642. Le père Vimont et des fidèles ont monté un autel rustique sur la pointe de l’île et s’empressent de célébrer la première messe sur l’île de Montréal. « La forêt de Ville-Marie / tressaille de la tête au talons / et, tandis que sur elle un grand signe de croix, / pour la première fois, / s’achève et se repose, / sans comprendre ni comment ni pourquoi / se font / toutes ces choses, / la forêt de l’île solitaire, / la vierge païenne/ recueille la prière ».

Chabot, en suivant les différentes étapes de l’office,  raconte comment cette messe va transfigurer l’île. Arbres, animaux, insectes, fleuve… « L’écho / rapporte des mots nouveaux, / des mots jamais entendus, / des mots si beaux / qu’il ne peut plus / s’arrêter de les redire aux quartes vents : « Credo, Credo, / le Père tout-puissant. » / Et la forêt / longtemps après / répète encore / les mots sonores/ et clairs, / les mots de cristal / les mots les plus lumineux / qu’une aurore boréale ».

On est en 1942. Voilà une façon quelque peu originale de poétiser un rite catholique et un pan de notre histoire religieuse : la fondation de Montréal par un groupe d’illuminés. Cette histoire — la première messe à Ville-Marie — on nous la racontait dans nos anciens livres scolaires. Ce que j’apprécie, c’est que Chabot fait davantage appel aux réalités terrestres qu’au panthéon qui niche dans le ciel. Presque du mysticisme païen, en quelque sorte.


Le livre est richement illustré, ce qui lui confère une certaine valeur. 



Cécile Chabot sur Laurentiana
Cécile Chabot
Vitrail (1939)
Légende mystique (1942)
Paysannerie : conte des rois (1944)
Imagerie : contes de Noël (1944) 
En pleine terre  de Germaine Guèvremont.

8 décembre 2017

La fleur de peau

Hélène Ouvrard, La fleur de peau,  Montréal, Éditions du Jour, 1965, 194 p.

Jusqu’à ce qu’elle entre aux Beaux-Arts, Anne a toujours été une fille parfaite, sans problème, que les professeurs adorent et dont les parents ouvriers sont fiers. Quand son père meurt et qu’elle doit abandonner ses études, son petit univers s’effondre. Elle doit gagner sa vie. Elle obtient un poste de secrétaire dans une jeune compagnie de cinéma et, par un concours de circonstances, se retrouve script, l’espace d’un film. Et elle tombe amoureuse du réalisateur, Stéphane, un jeune homme qui perçoit son intelligence et en fait sa collaboratrice. Tout aurait été pour le mieux si elle n’était pas tombée follement amoureuse d'un homme, qui est homosexuel, ce qu’elle tarde à découvrir. Stéphane n’accepte pas son homosexualité et fréquente des femmes dont il n’est pas amoureux. Entre les deux se tissent des liens de tendresse qu’Anne voudrait voir évoluer vers l’amour.  

On est en présence de deux personnages qui sont mal dans leur peau. Anne, encore vierge, rêve du grand amour. Stéphane croit qu’à force de volonté il peut vaincre son homosexualité. Les deux personnages s’analysent et analysent leur partenaire. Chaque geste, le moindre signe de tendresse, la moindre parole sont pesés et soupesés, remis en question, replacés dans leur contexte plus large… Je choisis un peu au hasard : « Anne, reprit-il, même quand j’étais enfant, je n’ai jamais eu la foi. Et c’était aussi parce que je n’avais pas connu mon père. Dieu était quelque chose, ou quelqu’un, qui existait pour les autres, mais pas pour moi. Cependant, plus tard, si j’ai opté de continuer dans cette voie, c’est que je n’en suis pas resté à des motifs aussi subjectifs, mais que j’ai trouvé pour confirmer mon incrédulité de solides raisons. Je crois, dit-il avec conviction, qu’un homme sain peut et doit accepter ou rejeter lucidement, comme bon lui semble, l’héritage qu’il a reçu. »

Même si je ne suis pas friand de ce type de roman, je peux admettre que La fleur de peau est un exercice souvent brillant, souvent bien écrit, qui constitue un témoignage éclairant sur l’époque. Se découvrir homosexuel au début des années 60 n’était pas chose facile. Vivre sa sexualité en toute liberté constituait aussi un défi surtout pour ceux et celles qui avaient reçu une éducation puritaine.

Extrait
Unis, nous l’étions alors certes plus que par le frémissement de nos corps. D’ailleurs, ses mains, sa bouche, son sexe, tout habiles qu’ils fussent à l’érotisme, eussent-ils su parvenir ni sûrement jusqu’à mes désirs au cours de leur initiation, et moi, aurais-je si totalement correspondu à chacune de ses avances, l’aurais-je suivi si loin dans ce monde intérieur que créaient nos sensations au fur et à mesure que nos plongées l’un dans l’autre devenaient plus profondes, plus totales nos unions, si une coïncidence beaucoup plus parfaite et déliée que celle de nos corps ne nous eût fait rejoindre l’un dans l’autre les fibres par lesquelles nous nous étions indispensables, et impensable était la dissolution de nos vies qui, dès qu’elles avaient été mises en contact, s’étaient attirées comme deux aimants et comme eux s’étaient jointes par tous les pores de leur surface et tout leur magnétisme intérieur ... Agrippée à lui, ouverte à sa possession, à peine consciente de son nom et de son visage — celui qui allait si loin en moi, qui comblait exactement la place laissée vacante pour que le feu intérieur éclairât toute ma vie et tout out mon être, pouvait-il exister dans les limites si réduites d’un nom et d’un visage ? — je murmurais pourtant l’un et regardais l’autre, comme si j’avais voulu placer dans la mouvance de cette fluidité intérieure les bornes d’une réalité qu’il me serait possible ainsi plus tard de retracer et de rappeler...

Quant à cette virginité, elle ne fut ni une montagne ni même un obstacle. Elle se laissa assez docilement anéantir mais avant de s’évanouir définitivement dans une nuit des temps où j’avais hâte de la savoir perdue à jamais et d’en effacer même le souvenir, elle nous causa quelques embarras à sa façon. Et Stéphane dut s’interrompre une couple de fois, le temps de me laisser reprendre le fil un instant rompu par elle de mon désir... (p. 180-181)


5 décembre 2017

Encore des illustrations d'Un homme et son péché

Suis tombé par hasard sur quelques illustrations, réalisées par des étudiants, dans un cours à l'École des arts graphiques de Montréal, et reproduites dans Les ateliers d'arts graphiques no 3, février 1949. Un peu surprenant de retrouver cela dans une revue d’avant-garde.




Claude-Henri Grignon sur Laurentiana
Le Déserteur
Un homme et son péché (édition originale)
Un homme et son péché (éd. du Vieux Chêne illustrée par Maurice Gaudreau, 1935)
Un homme et son péché (éd. du Vieux Chêne illustrée par Monique Aubry, 1941)
Ombres et Clameurs
Le Secret de Lindbergh