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En octobre 1970, Michel Garneau va passer 12 jours à la prison de Parthenais. Sa détention arbitraire lui a inspiré deux poèmes, restés célèbres : « chanson du petit matin à parthenais » et « AG aile gauche ».
Ce qui est phénoménal chez Garneau, c’est que, même en prison, il passe déjà à autre chose : plutôt que de s’abîmer dans une colère qui avait toutes les raisons d’être, il choisit de se projeter dans un futur rempli de promesses. Une attitude de défi. Comme si on ne pouvait pas l’atteindre. Son poème « AG Aile gauche » résume à lui seul tout ce que ce petit recueil contient. Le poème est long, je vais en citer la première moitié :
quatre rangées de barreaux de jour en jour
me pénètrent plus profond dans la peau d’la face
mais je résiste de tout mon amour rageur
mais du sommet de mon âge
je dévale dans le temps
mais je dévale dans mon âge
tout goulu de désirs
et rien
pas même cette cage de bêtise rien ne m’écœure!
je dévale et j’écume et j’avance
et je plonge et je cherche
et je tiens tête et je ne rêve pas
je vérifie:
je suis en vie mes calvaires!
rien
ne peut m’arrêter sur la pente vivante
où je veux vivre
mon cœur me pense et j’ai la tête en fleur
je suis en amour et la beauté m’offre raison
je suis en amour de toutes les façons
je connais une femme plus jeune que la jeunesse
qui m’attend à la porte des saisons
je connais des filles plus belles à elles seules
que toutes les laideurs emprisonnantes
qu’on nous invente
et je boirai l’avenir au creux des mains
d’une fine demoiselle et je vois l’avenir
bleuir doucement à des poignets
je vois déjà l’allure de la liberté
dans l’allure de fête de leurs corps
et les prisons gros bâtons niaiseux
dans nos roues et les barreaux verdâtres
qui voudraient nous lobotomiser
grandiront notre élan en nous enseignant la patience définitive
chacun de nous a son amour à accomplir
et chacun de nous l’accomplira
et quand nous sortirons d’ici
et que nous reprendrons pieds sur terre
parmi le vrai malheur
parmi la vraie douleur
et parmi la vraie force
et la vraie détresse
et la vraie tendresse
et la vraie puissance de nos frères
nous reprendrons souffle aux lèvres
de nos amours
et nous continuerons d’inventer un pays
qui soit digne de la force de nos rêves
et de notre réalité