Éva Senécal, Mon Jacques, Montréal, Albert Lévesque,
1933, 222 pages.
L’action commence dans un chalet
près du lac Orford. Lina Lord fait la connaissance de Jacques Roussel, un
musicien d’une quarantaine d’années qui a étudié en Europe et à New York. Leur
relation se développe rapidement et ils se marient. De retour à Montréal, après
un voyage de noces à New York, leur amour serait on ne peut plus heureux, si ce
n’était que Jacques cache un secret qui semble lourd à porter, et qu’il
refuse de dévoiler. Il reçoit à quelques reprises des lettres qui semblent le
traumatiser. Une enfant naît. Lina questionne sa belle-mère au sujet de son
fils : elle lui révèle qu’il a entretenu une relation avec une actrice
espagnole, selon elle, dépravée. Pourtant, ce ne semble qu’une partie du secret
de Roussel. Lina finit par découvrir le fin fond de l’histoire : son
Jacques est marié et son ex-femme le fait en quelque sorte chanter pour qu’il
lui revienne. Pour Lina, c’en est trop; dans son esprit, s’il est marié, elle
ne peut être que sa maîtresse. Elle fuit avec son enfant chez une tante. Une année passe, ils s’écrivent à
quelques reprises, Lina racontant ce qui arrive à l’enfant. Quand celle-ci attrape
une pneumonie sévère, Lina avertit Jacques qui arrive juste à temps pour
assister au décès. En épilogue, l’auteure nous sert une dernière scène mélodramatique :
approchant du lac Orford en taxi, Jeanne — et beaucoup de voyeurs — découvre un
homme qui va se noyer, malgré les secours qui sont venus à lui. C’est son
Jacques. On comprend que Lina et Jacques se voyaient à l’occasion.
C’est un roman sentimental. Toute
l’intrigue consiste à savoir ce que Jacques Roussel, qui est doux, attentionné,
a fait de si terrible dans sa vie antérieure. L’auteure révèle le tout au compte-goutte.
Dans les 50 dernières pages, Senécal nous offre une fin mélodramatique qui n’était pas nécessaire. A-t-elle voulu ainsi sauvegarder la moralité du couple?
Mais ce roman est plus qu’une
histoire sentimentale. Éva Senécal écrit bien, évite les clichés littéraires, sait décrire
une action de façon vive et fluide. Et plus encore, elle nous offre à quelques reprises des tableaux
bien tournés sur les lieux évoqués dans l’histoire. C’est le cas pour New York,
mais aussi pour les Cantons-de-l’Est.
Extrait
Le
lendemain, nous partîmes pour le lac Orford.
Jacques
avait chargé les Ledoux de la toilette du Chalet Bleu, afin qu'il soit prêt
pour notre arrivée.
Nous
quittâmes Montréal après le lunch. Un flot de touristes affluaient déjà sur la
grand’route. Pantalons de golf et vestons blancs des sportsmen yankees
voisinaient aux stations de gaz, avec la salopette et la vareuse noires du
garagiste, devant les Coca Cola, les Chewing Gum et les Oh Boy.
L’asphalte
de la route Montréal-Sherbrooke exhalait des senteurs de bitume chauffé. Plus
loin, une bouffée d’air odorant venait vers nous des lilas en fleurs.
Après le
paysage lisse et les terres basses des rives de l’Yamaska, les dentelures
capricieuses et vertes des vallons de l’Est défilèrent sous nos yeux.
Peu à peu,
la crête de l’Orford se dessina à l’horizon.
Éva Senécal sur Laurentiana
Mon Jacques
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