Antonio Desjardins, Crépuscules, Hull, Progrès de Hull, 1924, 187 pages.
Antonio Desjardins est né en 1894 dans une
famille bourgeoise et cultivée de Hull. Il a même poursuivi des études à la
Sorbonne. Étrangement, pour gagner sa vie, il a travaillé dans l’épicerie de
son frère, ce qui lui permettait d’écrire. Notre poète-épicier n’a publié qu’un
livre, Crépuscules… en 1924.
Le livre est dédié à celle « dont l’âme lui fut si chère ». Comme structure, il reprend la traditionnelle division des saisons : Heures d’été, Heures d’automne, Heure d’hiver et Heures de printemps. À la fin de chacune des parties, il ajoute un long poème.
Les Heures d’été sont teintées de mélancolie, de tristesse et de regrets. Les beautés de la nature font ressurgir d’anciennes blessures : « Une grive a pleuré sur sa branche puis s’est tu… / Mais sa douleur, / Mais sa douleur, / Inconsolée… » Dans les Heures d’automne, de courts poèmes impressionnistes, très musicaux, alternent avec des poèmes plus sombres qui reprennent la thématique de la première partie. « Ô ma vieille souffrance / Qui revient / Me sourire / En silence… » On retrouve la même souffrance dans les Heures d’hiver, mais le ton est plus dramatique : « Mon âme a mal jusqu’au martyr… / Est-ce sa vie qui va finir… / Mon sang se fige dans la souffrance / D’une éternelle désespérance ». Les Heures du printemps ne réussissent pas à atténuer l’ancienne peine : « Tragique comme un cri d’automne agonisant, / Où mon cœur s’épuisa, mon cœur d’adolescent… / Elle est toute en mon sang, sanglotante infinie, / Cette mélancolie, cette mélancolie… »
Les quatre longs poèmes
Dans Au fleuve Saint-Laurent, Desjardins célèbre aussi bien l’origine du pays que celle de la vie. Dans La lettre, on croit comprendre que celle-ci annonce la mort d’un soldat. Les objets s’animent pour dire tour à tour la tristesse qui les accable. Sur un verger la lune luit est un chant choral où la nature partage avec les amants la tristesse de leur séparation. « Elle a beaucoup aimé, elle a beaucoup souffert… /…/ Car le dieu de son cœur un soir s’en est allé, / Loin d’elle dans la mort ». Médiation philosophique met en scène trois personnages : la voix, l’âme et la volonté. Ils discutent des tenants et aboutissants de l’expérience humaine (de la créativité) qui s’expriment dans le langage. « Il se sait possesseur de ces fluides magiques, / Éternels ... les mots … / Il les tire de ses fibres les plus sacrées, les plus émues... / Les lancent tels de grands ciseaux rêveurs, / Au fond des gouffres de ces océans de vies, / Où les vagues de tous les mondes, / Éteints, vivants, à naître, / Roulent incessamment, sans s’arrêter, à jamais, / Leurs chants d’amour, d’adoration, leurs chants d’éternité … »
Crépuscules… est un livre assez complexe qui mériterait plus qu’une trentaine de lignes. Il est vrai que ce recueil ne ressemble à rien de ce qui s’est écrit dans les années 1920. Desjardins a plus d’une manière de composer des poèmes : très traditionnels, modernes, très longs, courts, de quelques syllabes ou de 12 pieds, musicaux, impressionnistes, symbolistes, théâtraux. Son recueil a été ignoré à l’époque.
CE MÊME ÉTANG PLUS TARD
En la nuit blanche
De l’eau qui meurt,
Une branche
Joue sa couleur…
Sa douceur,
En fine fleur
De bleu qui penche.
Au fil du soir,
Les camées pâles de ses jeux d'ombres,
Où l’on croit voir,
Une tête s’effacer et dont les yeux seraient
Les doux fantômes
D’un grand regret…
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