5 mars 2021

Allie

Joseph Lallier, Allie, Montréal, L’Action paroissiale, 1936, 272 pages. 

Olivier Reillal a quitté Port-Joli, il y a vingt ans. Il s’est engagé avec les Anglais contre les Hollandais dans ce qu’on appelle la guerre des Boers (1899-1902). Lui-même n’arrive pas à comprendre ce qui l’a poussé à contacter un tel engagement, d’autant plus qu’il est un nationaliste pure et dur. Disons qu’il va regretter son geste, idéologiquement parlant. Malgré tout, cette aventure qui aurait pu mal tourner s’est avérée on ne peut plus bénéfique, financièrement parlant. Ayant été fait prisonnier, puis libéré, il a sauvé un Zoulou d’une mort certaine, lequel, en contrepartie, lui a révélé un endroit secret où se trouve une mine de diamants. La guerre finie, il a su bien jouer ses cartes pour s’approprier cette fortune. Il est devenu millionnaire et même député de sa patrie d’adoption. Les choses se sont moins bien passées du point de vue sentimental. Il a épousé une protestante qui s’est tournée contre lui dès que l’éducation de leur enfant unique a été en cause. Ils ont divorcé et, depuis, son ex-femme est très malade physiquement et mentalement, si bien qu’il a herité de la garde de sa fille Cécile.

 

Donc vingt ans plus tard, le voici de retour dans son bled natal, Port-Joli. Un voyage nostalgique et… sentimental. Par hasard, il revoit Allie Dupontier, l’ancienne amoureuse qu’il n’a jamais oubliée. Elle est veuve depuis dix ans et a trois enfants. Il la voit régulièrement, lui avoue son amour, mais sait bien qu’il ne pourrait être question de mariage entre eux, puisqu’il est divorcé. Comme Allie est aussi amoureuse de lui, ils s’entendent pour vivre l’un près de l’autre une relation platonique. Il fait venir sa fille maintenant âgée d’une quinzaine d’années. Après avoir réglé ses affaires sud-africaines, il décide de s’établir avec Allie et sa famille dans l’ancien manoir des de Gaspé, manoir qu’il a fait reconstruire puisqu’il a brûlé en 1909. Chacune des familles occupe une aile du manoir. Le temps passe et le plus vieux des fils d’Allie épouse Cécile, la fille d’Olivier. Et, quand il apprend que sa femme sud-africaine est décédée, Olivier épouse Allie. 

 

Il y a beaucoup de finesse dans ce roman, pour ne pas dire une certaine élégance, tant au plan de l’écriture que des sentiments qui sont exposés. Bien entendu, l’histoire très romantique des héros n’est pas neuve et on décèle certains raccourcis dans l’évolution des personnages. Et le roman est un peu bavard.

 

Joseph Lallier, par le biais de son personnage principal, fait preuve d’un sentiment nationaliste très fort. Un nationalisme d’une autre époque où souvent langue, religion et agriculture font bon ménage. « L’âme canadienne-française était restée vivante, parce qu’elle s’était attachée à la terre. » De retour après vingt ans, il voit tout d’un œil neuf. Avec raison, il est scandalisé de constater le progrès de l’anglais, dès qu’il met les pieds en ville. Il constate l’avancée industrielle du Québec et déplore que les Canadiens français n’aient pas pris leur place. 

 

Et c’est ici que ça se gâte pour quelques pages détestables, et c’est peu dire! Bien entendu, le profiteur tout designé, celui qui s’immisce sournoisement dans les officines du pouvoir et du commerce, c’est le Juif. On est en 1936, juste avant l’explosion de haine que les Juifs vont subir. En extrait, je cite donc le moins bon passage, un de ceux qui discréditent le roman : 

 

« Vingt ans avaient suffi à métamorphoser la deuxième ville française du monde ! L’Hébreu à la face hirsute avait traversé, non pas la mer Rouge, mais la mer bleue et avait envahi Montréal, où il avait trouvé la « Terre Promise » et où il se conduisait déjà en maître.

 

Pourquoi Israël se serait-il senti à la gêne au milieu d’une race à l’âme si généreuse et si naïve qu’elle ne soupçonne même pas le danger d’une invasion étrangère ? Pourtant, la mainmise des Hébreux sur certaines branches du commerce aurait dû donner l’éveil ! Trop pris par la partisanerie politique, le peuple canadien-français s’était laissé chasser de chez lui. Jusqu’au portail du Monument National qui portait les traces de l’envahissement d’Israël ! Il n’y avait que le musée Éden, musée des horreurs, qui semblait avoir échappé au naufrage. Évidemment, le meurtre de Sam Parslow et la pendaison de Cordélia Viau n’avaient pas encore attiré l’attention des Juifs !

 

Je ne blâme pas les descendants d’Abraham de leur conquête pacifique, payée à même les sueurs des Canadiens ! Je me demande plutôt pourquoi nos dirigeants d’alors ont invité cette tourbe envahissante au pays ? » (p. 198)

 

Lire le roman

 

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