Le Saint-Laurent est au creuset de notre histoire, mais aussi notre lien avec l’univers. « L’ode au Saint-Laurent », que Gatien Lapointe a écrit à Paris, est un puissant chant d’amour dans lequel il retrace le lien entre sa terre natale, son pays et son histoire. Le poème contient 493 vers. En voici quatre extraits.
Ma langue est d'Amérique
Je suis né de ce paysage
J'ai pris souffle dans le limon du fleuve
Je suis la terre et je suis la parole
Le soleil se lève à la plante de mes pieds
Le soleil s'endort sous ma tête
Mes bras sont deux océans le long de mon corps
Le monde entier vient frapper à mes flancs
***
Mais a-t-on vu de près l'homme de mon pays
A-t-on vu ces milliers de lacs et de montagnes
Qui s'avancent à pas de bêtes dans ses paumes
A-t-on vu aussi dans ses yeux ce grand désert
Ici chacun marche sur des échasses
Nous existons dans un geste instinctif
Naîtrons-nous dans une parole
Quelles marées nous amèneront aux rives du monde
***
J'affirme un grand besoin d'être et d'aimer
Le bras en visière sur l'horizon
Je guette un très lointain secret
Une longue vallée affleure en ma mémoire
Le soleil monte pas à pas vers mon enfance
Je reconnais un à un tous mes songes
Les Appalaches ferment leurs yeux sous la neige
Et l'Etchemin se met à rire dans les trèfles rouges
Là-haut près des Frontières
Veille une maison de terre et de bois
Je sais qu'un grand bonheur m'attend
Tout ce que j'ai appris me vient d'ici
Je retrouve ici mes premières images
Et brille en mes doigts la première ville
Québec rose et gris au milieu du fleuve
Chaque route jette en toi un reflet du monde
Et chaque paquebot un écho de la mer
Tu tiens toute la mer dans ton bras recourbé
Une figure naît sur ton double profil
Une parole creuse son nid dans tes paumes
Je me rappelle un soir avoir vu la lumière
Ton cœur battait sur chaque front
C'est le fleuve qui revient d'océan chaque soir
Et c'est l'océan qui tremble dans chaque regard
C'est ici le plus beau paysage du monde
***
Je prends pied sur une terre que j'aime
L'Amérique est ma langue ma patrie
Les visages d'ici sont le mien
Tout est plus loin chaque matin plus haut
Le flot du fleuve dessine une mer
J'avance face à l'horizon
Je reconnais ma maison à l'odeur des fleurs
Il fait clair et beau sur la terre
Ne fera-t-il jamais jour dans le coeur des hommes?
(Gatien Lapointe, Ode au Saint-Laurent, 1961 - publié en 1963)
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