27 décembre 2009

Nuits de Noël

I
Du ciel clair d'Orient les constellations
Épandent dans la nuit l'or pur de leurs rayons
Sur les montagnes dénudées. . .
Minuit! et les bergers, transis, vêtus de peaux,
Surveillent, somnolents, leurs dociles troupeaux
Aux pâturages de Judée.

Soudain le firmament a d'étranges clartés. . .
D'harmonieuses voix dans l'azur ont chanté:
« Gloire au Très-Haut! Paix à la terre!
Pâtres de Bethléem, levez-vous et venez!
Ne craignez rien: Jésus le Rédempteur est né!
Noël! Gloire à Dieu votre Frère! »

Là, dans la froide étable ouverte à tous les vents,
Les timides bergers apportent leurs présents
A l'Enfant qu'adorent les anges. . .
Avec eux écoutons l'hymne mystérieux
Que dit la Vierge-Mère offrant au Roi des cieux
L'humble tribut de ses louanges!. . .

II
Minuit! Dans les beffrois carillonne gaîment,
Cloches qui remplacez dans le bleu firmament
Les angéliques envolées!
Tels les pâtres, jadis, quand vous chantez Noël!
Les chrétiens, recueillis, viennent à votre appel
Devant les croches étoilées. . .

Aux temples large ouverts, du Levant au Couchant,
Leur prière se mêle et monte avec leurs chants,
En ce joyeux anniversaire. . .
Noël! Comme il est beau l'hymne des carillons,
Quand les cierges, la nuit, allument des rayons
Jusqu'aux voûtes du sanctuaire!

III
Minuit! Le canon gronde, et l'Europe est en feu!
Aux armes! nous vaincrons avec ou contre Dieu!
Noël! A l'assaut des tranchées! . . . —
O tristesse! ô douleur! Bergers de Bethléem,
Qu'êtes-vous devenus?. . . Pleure, Jérusalem,
Sur tant d'espérances fauchées!

Pleure sur les foyers, sur les temples brisés!
Pleure sur tes enfants qui tombent, épuisés
Dans cette affreuse tragédie!
S'ils ont péché, Jésus, courbez leurs fronts,
Mais en ce jour de joie oubliez leurs affronts!
Pardonnez à leur perfidie!

Temples, resterez-vous sans autels et sans croix?
Vous, cloches de Noël, n'aurez-vous plus de voix
Pour convoquer à la prière ? ...
Non ! cette nuit sanglante a déjà trop duré,
Et le Vieux-Monde encor, puni mais restauré,
Chantera: « Gloire à Dieu! Paix aux hommes sur terre! »

(Arthur Lacasse, Heures solitaires, Québec, s.n., 1916, p. 23-25)

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