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30 mai 2014

La littérature du terroir au Québec


Automne (1918) de Horatio Walker (MBAC)
Le terroir va fleurir beaucoup trop longtemps au Québec. Qui dit « terroir » dit « terre », « patrimoine », « traditions ». En fait, pendant plus de cent ans, malgré quelques modestes tentatives de le reléguer aux oubliettes (celles de l'École littéraire de Montréal et des « Exotiques »), ce courant va dominer la scène littéraire, de concert avec le courant patriotique. Même quand la société québécoise va devenir majoritairement urbaine (aux alentours de 1910), le terroir demeurera la principale source d'inspiration de nos écrivains. Maria Chapdelaine de Louis Hémon et tout un courant, qui s’est donné comme mission de «nationaliser» la littérature, vont contribuer à son succès. La veine va produire ses plus beaux fleurons après 1930 (alors que le mouvement est en déclin) et finira par s'épuiser aux alentours de la Deuxième Guerre mondiale. Si le terroir occupe aussi longtemps l'avant-scène, c'est qu'il repose sur l'idéologie de conservation, elle-même soutenue par le clergé et les élites traditionnelles. 


***

L'IDÉOLOGIE DE CONSERVATION
Privés d'autonomie politique et de plus en plus entourés d'anglophones, les Canadiens français vont développer un mode de vie qui leur permet de sauvegarder leur identité française et catholique et d'éviter l'assimilation. Ils font beaucoup d'enfants, vivent sur des terres, occupent le territoire, et délèguent au clergé et à quelques figures d'élite la direction de leur vie. Langue, religion et agriculture sont intimement liés. «La langue est la gardienne de la foi», «La terre sauvera la race», «Emparons-nous du sol!», proclament les élites. Rester à la campagne, c'est rester français et donc, par la force des choses, rester catholiques.

Ce programme, simple en apparence, montrera vite ses limites. De 1840 à 1930, la population augmente rapidement (la revanche des berceaux). Comme les infrastructures industrielles sont presque inexistantes et qu'elles appartiennent aux Anglais protestants, il ne reste que l'agriculture pour accueillir les jeunes Canadiens français catholiques. Rapidement, toutes les bonnes terres sont occupées. On s'enfonce de plus en plus dans l'arrière-pays, on défriche des terres de moins en moins productives. Certains se découragent. De 700 000 à 900 000 Canadiens français quitteront le cocon protecteur et iront chercher un meilleur sort aux États-Unis. D'autres partiront vers l'Ouest canadien ou iront encombrer les villes. Les dirigeants et le clergé croient qu'il faut arrêter l'hémorragie, que la survie de la nation en dépend.

La littérature du terroir s’inscrit dans le prolongement de l'idéologie de conservation. Camille Roy en sera un ardent promoteur : « L'écrivain qui n'est pas fortement enraciné au sol de son pays, ou dans son histoire, peut bien s'élever vers quelque sommet de l'art, monter vers les étoiles... ou dans la lune, mais il court le risque de n'être qu'un rêveur, un joueur de flûte, ou d'être inutile à sa patrie. » Les auteurs du terroir vont donc contribuer à cette double tâche : garder les Canadiens français sur des terres et dans la tradition française catholique.

LE ROMAN DE LA TERRE
Dessin de Massicotte
Le «roman de la terre» met en scène la paysannerie canadienne-française et l'enjeu en est la plupart du temps la transmission du bien paternel (ou plus largement, du patrimoine familial, paroissial, canadien-français). Le mouvement s'amorce en 1846 avec La Terre paternelle de Patrice Lacombe et s'achève en 1945 avec Le Survenant. La plupart des auteurs écrivent des romans à thèse dans lesquels ils soutiennent que l'agriculture est en quelque sorte la vocation du peuple canadien-français : « Notre survivance reste intimement liée au sol. Le mot «sol» (trois lettres) contient tout le passé, toutes nos traditions, nos mœurs, notre foi et notre langue. Retranchez le sol de notre vie sociale, économique et politique et il n'est point de culture canadienne-française.» (Claude-Henri Grignon, auteur d'Un homme et son péché cité dans Georges Vincenthier, Histoire des idées au Québec (1837-1980), Montréal, VLB éditeur, 1983, p. 76) On s'efforce de démontrer que la vie paysanne est supérieure à toutes les autres. « C'est là [...] le moyen le plus sûr d'accroître la prospérité générale tout en assurant le bien-être des individus... » (Jean Rivard, le défricheur, 1862)

Déjà certains titres sont assez évocateurs : Restons chez nous (1908) et L'Appel de la terre (1919) de Damase Potvin, La Terre vivante (1925) de Harry Bernard, La Terre que l'on défend (1928) de Henri Lapointe, La Terre ancestrale (1933) de Louis-Philippe Côté, La Terre se venge (1932) d'Eugénie Chenel... Les personnages qui optent pour un autre mode de vie manquent à leur devoir, sont considérés comme des traîtres et connaissent différents déboires. Dans Le Déserteur (1934) de Claude-Henri Grignon, Isidore Dubras, après avoir vendu sa terre pour s'installer en ville, devient alcoolique, meurtrier et finit en prison! La ville est un lieu de déchéance et de misères qui corrompt les honnêtes paysans! Ceux qui fuient aux États-Unis tombent malades dans l'air malsain des manufactures américaines ou encore périssent d'ennui. Plus encore, quelques auteurs n'hésitent pas à interrompre le récit pour discourir sur l'importance de l'agriculture, pour dénoncer, statistiques à l'appui, l'émigration aux États-Unis (dans Restons chez nous, Damase Potvin interrompt son récit pendant 29 pages!)... Le message doit être bien compris : il ne faut surtout pas quitter sa paroisse, le rang, la terre, là où la foi catholique et la langue française peuvent fleurir en toute immunité.

Pour Réjean Robidoux et André Renaud, le but des auteurs est facilement identifiable et leur démarche toujours un peu semblable. Il s'agit d'(e):
  1. « émouvoir le lecteur par la représentation d'une vie ardue mais libre;
  2. l'effrayer en lui racontant les dangers de l'exil ou ceux de l'industrialisation;
  3. le convaincre que l'avenir de la race dépend de la réponse des Canadiens français à leur vocation historique de colonisateur et de paysans. » (Le roman canadien-français du XXe siècle, Université d’Ottawa, 1966, p. 26)
Il faut le dire, la morale qui se dégage de ces romans est souvent simpliste : restons sur nos terres, loin des «méchants» Anglais, près de nos églises. Dans le pire cas, l'intrigue ressemble à ceci. Un paysan et sa famille vivent en harmonie sur la terre ancestrale. Tout le monde travaille et la terre récompense généreusement leur dur labeur. Le bien et la famille s'agrandissent, notre paysan mérite l'estime de ses congénères et de monsieur le curé. Le drame éclate lorsqu'un des fils décide de faire faux bond : il part en ville (pire encore, il émigre aux États-Unis). En ville, le sort s'acharne sur lui : maladie, accident, alcoolisme, chômage... Complètement dégoûté, il rentre au bercail, est reçu comme l'enfant prodigue, s'installe sur une terre, trouve une paysanne et fonde un foyer chrétien. Bien entendu, ils ont beaucoup d'enfants...

La quarantaine de romans de la terre (et quelques recueils de nouvelles), parus entre 1837 et 1945, vont souvent poser le problème canadien-français en termes de fidélité à la nation, ce qui les rapproche de la littérature patriotique. Terre, religion et patrie ne font plus qu’un dans cette lutte pour la survivance. C'est très clair quand l'enjeu du roman n'est pas seulement la transmission du bien paternel, mais quelque chose de plus large, comme l'appropriation ou l'occupation du territoire (territoire et terroir ont la même racine étymologique, territorium, le second étant issu du premier). Dans Jean Rivard, comme dans Maria Chapdelaine et Menaud maître-draveur, il ne s'agit plus seulement de transmettre une terre ou d'aider un fils à en acquérir une, mais d'occuper le sol avant que les anglophones ne le fassent. Il ne faut pas s'y tromper, même si les protagonistes de ces romans semblent mener une lutte sans merci contre une nature difficile, derrière cet affrontement se profile un dessein plus souterrain, soit le ralliement au cri lancé par Ludger Duvernay au XIXe siècle : « Emparons-nous du sol! ». L'intention est encore plus claire dans les quelques romans où Francophones catholiques et Anglophones protestants se retrouvent sur le même territoire, par exemple dans La Ferme des pins (1931) de Harry Bernard.

Sortie de la messe de Clarence Gagnon (McMichael)
Les derniers grands romans de la terre vont présenter aussi cette dichotomie (fidèles/infidèles; enracinés/déracinés; sédentaires/nomades), mais en concluant sur une note plus nuancée. Déjà dans Maria Chapdelaine (1913), la vie paysanne est loin d'être idéalisée : les défricheurs peinent, les récoltes laissent parfois à désirer, car la nature est plutôt hostile. Pourtant, Maria, qui pourrait partir en ville, choisit de rester pour ne pas trahir la mémoire de ses parents et de tous les ancêtres qui ont «ouvert le pays». Elle entend des «voix» qui lui dictent son devoir de paysanne canadienne-française :

«Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares; ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout l'argent; mais au pays de Québec rien n'a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n'avons compris clairement que ce devoir-là : persister... nous maintenir... Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne et dise : ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir... Nous sommes un témoignage. / C'est pourquoi il faut rester dans la province où nos pères sont restés, et vivre comme ils ont vécu, pour obéir au commandement inexprimé qui s'est formé dans leurs cœurs, qui a passé dans les nôtres et que nous devons transmettre à notre tour à de nombreux enfants : au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer...» (Louis Hémon, Maria Chapdelaine)

Dans Menaud, maître-draveur (1937), le patriarche Menaud ne réussira pas à soulever ses compatriotes contre les envahisseurs anglais qui se sont emparés de l'arrière-pays. Plus encore, dans la lutte, il perdra son fils et sa santé mentale! Mince consolation, sa fille et son gendre semblent reprendre le flambeau. Dans Trente arpents (1938), la belle aventure se termine plutôt mal pour Euchariste Moisan, un paysan exemplaire : il  est trahi par sa terre et son fils héritier et il ira mourir en exil aux États-Unis chez son autre fils déserteur.

Les nuances sont encore plus marquées dans Le Survenant (1945) et sa suite, Marie-Didace (1947). Germaine Guèvremont ne condamne pas le déraciné, pas plus qu'elle ne l'approuve : le Survenant est un personnage sympathique, comme le sont le père Didace et Angélina. Comme on le voit, l'auteure ne pose pas vraiment le problème en termes de fidélité ou d'infidélité au devoir national : pour elle, il s'agit davantage d'étudier deux modes de vie qui divisent depuis toujours les Québécois. Dans une entrevue accordée à La Presse (le 3 février 1968), elle déclarait : « La société, notre société québécoise, se compose de deux races fondamentales. D'une part, il y a les « habitants » qui sont des gens solides ayant les deux pieds sur la terre et d'autre part, il y a les « coureurs de bois », les aventuriers, les meneurs. »

Quelques romans, dits anti-terroir, présenteront une vision négative de cette mission. C'est le cas de Marie-Calumet dans lequel on se moque allègrement du clergé. Mais le roman (qui n'est pas un roman de la terre) est assez léger et n'attaque pas de front l'idéologie de conservation. Publié à compte d’auteur, il fut condamné par Monseigneur Bruchési et retiré de la vente. Rodolphe Girard dut le désavouer publiquement, ce qui ne lui permit pas pour autant de conserver son travail au journal La Presse. (Voir cette page

On peut aussi penser à Un homme et son péché, même si la thèse est plus nuancée : Séraphin Poudrier n'aime ni la terre ni la religion et n'a guère l'esprit de famille. Les paysans dans le roman travaillent fort, tirent le diable par la queue. Par contre, certains personnages font contrepoids et, comme l'avare est puni sévèrement à la fin du roman, la morale terroiriste est épargnée. 

Un seul roman prend résolument parti contre l'idéologie de conservation  : La Scouine d'Albert Laberge (ici aussi, il faudrait nuancer un peu. Lire : La Scouine et le terroir). L'auteur décrit les paysans comme des êtres paresseux, ignares et cruels, portés sur l'alcoolisme, prisonniers de leurs pulsions sexuelles. La terre, loin d'être une mère nourricière, produit peu condamnant les paysans à la famine. La famille est le lieu de toutes les bassesses : les relations amoureuses sont pitoyables et l'amour filial est inspiré par la vengeance et la cupidité. Le roman et surtout le chapitre intitulé « Les foins », qui avait été publié en 1909 dans La Semaine, furent condamnés. Laissons Laberge commenter l'événement : « L'attaque fut brutale et elle vint de haut. Ce fut en effet La Semaine religieuse, l'organe de l'évêque Bruchési qui, en dépit de plates excuses, annonça la condamnation de la feuille en question. L'auteur du conte « Les foins » fut qualifié de pornographe. Pour un coup de crosse, c'était un rude coup de crosse [...] Pornographe. Mais ce n'est pas tout. L'évêque tenta de me faire perdre mon emploi à La Presse. » (Voir cette page) Heureusement pour Laberge, un directeur courageux n'acquiesça pas à la demande de l'ecclésiastique.

« VIEILLES CHOSES, VIEILLES GENS »
Le roman de la terre, bien que l'élément le plus significatif, n'occupe pas tout le champ couvert par la littérature du terroir. Ce dernier fleurit aussi dans des contes, des poèmes, des chansons, des peintures... 

Déjà au début des années 1860, quelques écrivains (Joseph-Charles Taché, Hubert Larue, Raymond Casgrain, Antoine Gérin-Lajoie...) s'empressent « de raconter les délicieuses histoires du peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (Nodier). Ils publient dans Les Soirées canadiennes (1861-1865) les légendes et les contes qu’ils ont recueillis sur le terrain. Plus tard dans le siècle, Faucher de Saint-Maurice (À la brunante), Honoré Beaugrand (La Chasse-galerie), Pamphile Lemay (Contes vrais), Louis Fréchette (La Noël au Canada) vont participer à cette « mission » en produisant des récits plus littéraires qu'ethnologiques.

Mais c'est surtout au début du XXe siècle, dans la foulée du succès de Chez nous (1914) d'Adjutor Rivard, que cette littérature de la nostalgie va éclore. C'est la seconde facette de la littérature du terroir, celle qui s'est donné comme mission de sauvegarder un passé en train de disparaître dans le sillage de la Révolution industrielle. Même si on appuie peu sur la thèse de la survivance, tout ce recensement du passé n'a d'autre but que de maintenir bien vivante une tradition qui doit se perpétuer pour garder son identité. Camille Roy, Pamphile Le May, Adjutor Rivard, Lionel Groulx, Marie-Victorin, Frère Gilles, G.-E. Marquis, Blanche Lamontagne et Michelle LeNormand - et bien des peintres et illustrateurs, dont Edmond-J. Massicotte, Henri Julien, Clarence Gagnon, Rodolphe Duguay, Ozias Leduc, Suzor-Côté, Georges Delfosse, Joseph Franchère, Maurice Cullen, Horatio Walker, etc. vont œuvrer en ce sens.

Poésie, contes et nouvelles seront les genres privilégiés par ces auteurs, même s’il n'est pas exclu qu’on trouve de tels passages ethnologiques dans un roman de la terre (par exemple des chansons et les traditions de fin d’année dans Le Survenant).

Les « auteurs de la nostalgie » vont décrire :
  • des pratiques agricoles préindustrielles (le labourage, la fenaison, le brayage du lin, l'engerbage, la boucherie, l'abattis, l'heure des vaches...);
  • des fêtes communautaires (les noces, la grosse gerbe, les courses en traîneau sur le fleuve gelé, l'épluchette de blés d'Inde, le jour de l'An, la guignolée, la Saint-Jean...);
  • des pratiques religieuses (la marche au catéchisme, la visite paroissiale, le mois de Marie devant la croix du chemin, la criée des âmes, la première communion...);
  • des « types » (le laboureur, le semeur, la fileuse, le quêteux, le fondeur de cuillères, le raccommodeur de faïence, le marchand ambulant, l'habitant avec sa pipe, sa tuque et sa ceinture fléchée...);
  • des vieilles gens (les grands-mères qui tricotent, les grands-pères qui fument leur pipe de plâtre...);
  • des habitations (les vieilles maisons, les vieux hangars, les vieux greniers, la cabane à sucre, la cabane du colon, la cuisine d'été ou le fournil, le magasin général...);
  • des objets (le four à pain, le poêle à trois ponts, le rouet, le vieux fusil...);
  • des danses (le reel, la gigue, le cotillon...);
  • des contes (les revenants, les maisons hantées, les feux follets, les loups-garous, la chasse-galerie, le diable danseur, la bête à sept-têtes...);
  • des chansons (À la claire fontaine, Bal chez Boulé; C'est l'aviron...);
  • des bêtes (les chevaux, les vaches, les cochons...).

Principales ŒUVRES Du terroir

1846
Lacombe, Patrice
Roman
1846
Chauveau, P. J. Olivier
Roman
1863
Gérin-Lajoie, Antoine
Roman
1900  
1904
Beaugrand Honoré de
Girard, Rodolphe
Contes
Roman
1904
Lemay, Pamphile
Poésie
1908
Potvin, Damase
Roman
1909
Ferland, Albert
Poésie
1914
Hémon, Louis
Roman
1914
Rivard, Adjutor
Récit
1916
Groulx, Lionel
Récit
1916
Le Normand, Michelle
Récit
1917
Lamontagne, Blanche
Poésie
1918
Laberge, Albert
Roman
1919
Frère Marie-Victorin
Récit
1923
Edmond J. Massicotte
Récit
1925
Bernard, Harry
Roman
1928
Beauchemin, Nérée
Poésie
1929
Desrochers, Alfred
Poésie
1933
Grignon, Claude-Henri
Roman
1934
Le Franc, Marie
Roman
1937
Savard, Félix-Antoine
Roman
1938
Ringuet
Roman
1945
Guèvremont, Germaine
Roman

Edmond J. Massicotte - Épluchette de blé d'Inde. (MNBAQ)

5 commentaires:

  1. Un très bon cours de littérature (et d'histoire) que j'aurais aimé suivre au cégep (1972-1974).

    La campagne canadienne (1925) fait aussi partie de cette littérature du terroir.

    Je croyais que Ringuet (Trente arpents)était en rupture avec ce courant. Il décrivait la vie rurale de façon plus réaliste.

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  2. M. Le Flâneur,

    Quand on enseigne la littérature québécoise au cégep, on est obligé de faire un peu d'histoire, la grande et la petite. C'est encore plus vrai s'il faut expliquer le Québec agricole à des jeunes Nord-Côtiers.

    Oui, La Campagne canadienne est un roman du terroir, même si je ne l'ajoute pas à ma liste des œuvres les plus représentatives.

    Le cas Ringuet est l'un des plus intéressants. Peut-on dire que Trente arpents est en rupture avec le roman du terroir classique? Pour moi, les choses ne sont pas si tranchées. Je crois que la réponse se trouve dans la dernière phrase du roman. "Chaque année, le printemps revint... et chaque année la terre laurentienne, endormie pendant quatre mois sous la neige, offrit aux hommes ses champs à labourer, herser, fumer, semer, moissonner... à des hommes différents... une terre toujours la même. FIN"

    La transmission du bien paternel, véritable enjeu de ce type de roman, est assurée. Le fils reprend la terre et assure la relève. Mais il la reprend en reniant pour ainsi dire l'héritage de son vieux père exilé aux USA. D'une certaine façon, on assiste à la mort du terroir ou à l'avènement de la modernité. Le fils n'aura pas ce lien viscéral que le père entretenait avec le sol. La terre est devenue un moyen de production.

    Et pour faire suite à cette autre partie de votre commentaire : parce que le roman évolue en lien avec l'histoire (la Crise, la mécanisation, le dépeuplement des campagnes, les mouvements migratoires, le déserrement des liens familiaux, paroissiaux), oui Trente arpents est un roman plus réaliste.

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  3. L'esprit du terroir toujours vivant en 1942 : En terres neuves. Ste-Anne-de-Roquemaure, un film de Maurice Proulx.

    http://youtu.be/0Vvs_zJooCk

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  4. «Menaud maître-draveur» est un roman patriotique ou un roman de la terre ?

    «Menaud maître-draveur» n’est pas un roman de la terre. Et, chose tout aussi sûre, ce n'est pas un roman patriotique, car on n`y trouve pas la glorification d'un héros, de préférence un personnage historique. À strictement parler, c’est un roman du territoire.

    Disons que, pour faciliter les apprentissages, on divise la matière en périodes historiques, en genres et sous-genres, en courants et mouvements, etc. Quand on y regarde de plus près, ces catégories ne sont pas aussi étanches qu'on le voudrait.

    Expliquons-nous. À l'intérieur de la littérature du terroir, on pourrait distinguer en ciblant le principal enjeu du roman : 1) le roman de la terre (transmettre le bien paternel); 2) le récit du territoire (ouvrir de nouvelles terres comme dans «Jean Rivard» ou maintenir la présence canadienne-française sur un territoire, comme dans «Menaud maître-draveur»); 3) l'écrit ethnologique (mettre en scène le mode de vie traditionnel des Canadiens français). Que de distinctions! Est-ce vraiment nécessaire, je ne le crois pas. Tous ces récits, selon moi, poursuivent le même but : maintenir forte et vivante la présence canadienne française sur le territoire du Québec. Les trois forment la littérature du terroir.

    Dans «Menaud», on quitte la plaine laurentienne, propre à l'agriculture, et on se transporte dans Charlevoix, dans les Laurentides, territoire dominé par la forêt. Ce n’est plus la terre, mais la forêt le lieu de survivance. Ce n'est pas la transmission du bien paternel au sens strict du terme qui constitue l'enjeu du roman, c’est plutôt la protection d’un territoire. On pourrait dire la même chose de «Jean Rivard» et «Maria Chapdelaine».

    J’irais plus loin. Tous les romans du terroir (romans de la terre, romans du territoire et récits ethnologiques) sont des romans patriotiques qui ne s'avouent pas. On disait, dès le XIXe siècle, que pour maintenir la nationalité canadienne, il fallait s'emparer du sol. Occuper les terres, c'est occuper le territoire. Occuper les terres, c’est garantir la survie de sa religion et de sa culture. Occuper les terres, c’est maintenir son identité. En ce sens, beaucoup de récits du terroir contribuent à la conservation de l'identité nationale. Que ce soit énoncé ou non dans la trame du récit n'y change rien. La littérature du terroir rejoint la littérature patriotique. C'est « blanc bonnet bonnet blanc ».

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  5. Horatio Walker est un peintre protestant.

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