Jeannine Lavallée, Mea culpa, Montréal, Éditions Rénovation,
1935, 177 p.
Quel drôle de livre! En fait, on
dirait deux livres en un. Le tout commence par ce qui pourrait être les pages
d’un journal intime. Plusieurs articles se succèdent, séparés dans le temps. On
voit l’auteure en jeune fille, en amoureuse endeuillée par la mort d’un fiancé,
en étudiante à la Sorbonne et en touriste dans quelques-unes des capitales
européennes. Elle nous raconte ses découvertes, ses amitiés, ses rencontres,
ses impressions sur la vie française. Le tout se termine par un émouvant retour
au Québec. Cette partie du livre, fort bien écrite, se lit d’une traite.
La seconde partie commence quelque
temps après son retour au Canada. À Paris, elle avait tissé des liens avec des
« nobles français » sympathiques au Québec. Ensemble, ils avaient
fondé un cercle, Horizons français,
un organisme voué à faire connaitre l’art canadien-français en France mais
aussi à rendre intelligible l’art français au Québec par des conférences, des
concerts, etc. Jeanne Lavallée se chargea d’organiser un concert Chopin-Musset.
Il semble que le concert reçut une critique favorable, mais fut un échec
financier. On en tint Lavallée responsable. Aussi toute la deuxième partie du
livre cite, sans taire les noms (Athanase David, le maire de Trois-Rivières),
ceux qui se sont acharnés contre elle. Elle présente même un certain nombre de
lettres qui témoignent de son action et qui ont pour objet de la réhabiliter
auprès du public. En fait, c’est la raison qui l’a emmenée à publier ce
livre, comme elle le dit dans l’ « Avertissement de l’auteur » : « Pourquoi une
question d’ordre matériel me vaudrait-elle l’opprobre de mes compatriotes. //
J’ai écrit ce livre pour m’acquitter d’une dette d’honneur. »
Bref, on aurait pu lire
un « petit livre » fort intéressant, si elle avait laissé de côté ses
rancœurs et qu’elle avait développé ce sujet en or qu’elle tenait : les
aventures et mésaventures d’une jeune Canadienne française, fille de paysan,
dans le Paris bouillonnant des années 20. Ce n’était quand même pas banal!
Extrait
L'avenue des Champs-Elysées est
toute blanche: aristocrate de longue lignée. Les lustres de cristal qui
miroitent au milieu de la verdure et des fleurs, sont autant de bijoux de
famille qui la parent dignement.
Paris est une ville merveilleuse
! On visite ses monuments avec passion. L'histoire nous accroche à tout
instant.
Chaque époque a laissé là des
traces si profondes, qu'une année entière suffirait à peine pour nous pénétrer
de tous ces témoignages du passé.
Cette ville, antique et moderne à
la fois, possède une intensité de vie qui triomphe du temps. Les merveilles du
passé offrent des bases solides, favorables à la création des œuvres de demain.
C'est un élan perpétuel vers l'avenir. Dans cette vieille cité naissent les
idées les plus modernes. La pensée s'élance tel un feu d'artifice pour retomber
ensuite sur l'humanité toute entière.
J'aime Paris, son ambiance et son
atmosphère. J'aime cette colline Sainte-Geneviève : carrefour, où l'on
rencontre tous les intellectuels du globe qui viennent là, raviver le flambeau
qui est en eux.
J'aime les Parisiens, leur
esprit, leur gaieté, leur courtoisie raffinée s'alliant à cette noblesse du cœur
qui les caractérisent. Pour les comprendre, les admirer et les aimer, il faut
vivre leur vie familiale.
Paris nous prend ! Son âme
descend en nous et cette communion spirituelle s'empare à jamais de notre être.
Toute la vie, nous sentirons que nous sommes passés là
comme le pèlerin qui, visitant la Mecque revient rasséréné et confiant dans
l'avenir.
J'aime Paris qui travaille : son
exultation qui fait naître l'artiste et donne un idéal à ceux qui n'espèrent
plus.
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