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21 mai 2009

La Nuit ne dort pas

Adrienne Choquette, La Nuit ne dort pas, Québec, Institut littéraire du Québec, 1954, 153 pages.


Adrienne Choquette prête son nom au plus prestigieux prix de la nouvelle depuis 1981. La Nuit ne dort pas est son premier recueil. Il y a au moins un meurtrier, quelques êtres atteints de folie, et beaucoup de marginaux dans cette œuvre. Ce ne sont pas des nouvelles réalistes. On flirte avec le policier et le fantastique, sans jamais vraiment entrer dans ces genres.

Monsieur Franke
Le médecin a averti tout le monde qu’il ne fallait plus que M. Franke ait des émotions fortes. On l’épargne tant et si bien et il embarque tellement dans le jeu qu’il en vient à ne plus avoir de vie.

Le vase brisé
Une femme craint que sa fille ait hérité des gènes de son mari atteint de folie. Pourtant, c’est elle qui est à l’asile...

Le sommeil de Louis
Au lendemain d’une nuit de noces plutôt décevante, Gisèle regarde Louis dormir. Elle ne ressent rien pour cet homme et se demande si elle ne s’est pas tout simplement laissé prendre au jeu...

Le voyageur
Un enfant qui voue une admiration sans borne à un oncle nomade est très déçu quand ce dernier rentre au bercail, penaud et repentant, au bout de vingt ans.

Faits divers
Un homme, qui a assassiné une femme, attend pendant toute une nuit la venue des policiers.

Les Étrangers
Un enfant attardé, victime d’un tour humiliant de la part du fils du propriétaire, comprenant mal la colère de sa famille, s’apprête à se venger.

Le mauvais œil
Une jeune femme, venue se reposer à la campagne, se retrouve par hasard dans une maison de ferme qui, vue de l’extérieur, a l’air complètement idyllique. Pourtant, elle a tôt fait de ressentir qu’un climat malsain règne dans cette maison qui semble si paisible. Le mari, sans en avoir l’air, impose un respect sinon une grande crainte à sa femme, à sa fille obèse et à sa benjamine, légèrement déficiente. Même si les femmes se confient un peu, la narratrice n’arrive pas à percer le mystère de cette maison. Inceste? Violence? Méchanceté?

Les six premières nouvelles sont très moyennes. La dernière, qui fait 61 pages, est réussie, malgré une certaine confusion, défaut que l’on trouve dans la plupart de ces histoires.

Extrait
Quand je fus assurée que mon séjour chez les Ducasse n'était pas un mauvais rêve, je pris peur, non de ce qui pouvait arriver, mais du sort que, entre mes mains, connaîtrait peut-être une histoire sans commencement ni fin.
Oui, je me suis défendue, ta;:t et aussi longtemps que j'ai pu, fermant les yeux sur des faits pour le moins déconcertants. Comme, par exemple les insomnies d'un homme pourtant harassé, qui n'avait aucune raison de ne pas dormir profondément à trois heures du matin...
Moi aussi j'ai voulu traiter Laura en irresponsable, quoique, dès le troisième jour, j'ai su, j'ai été certaine que, délivrée de la présence paternelle, la pauvre pourrait encore guérir.
Enfin, combien de fois ai-je fait mine de ne rien voir quand monsieur Ducasse appelait sa femme pour quelques mots à voix étouffée qu'elle écoutait, tête basse. Ensuite elle tentait maladroitement de renier des bribes de confidences échappées à son cœur trop lourd.
Mais un jour que, outrée, je m'apprêtais à remplacer Laura, malade, sa mère voulut me retenir.
Elle avait l'air suppliant, elle faisait non de la tête malgré mes protestations.
Je finis par lui dire que j'assumais toute la responsabilité de mon intervention et que j'en avertirais monsieur Ducasse aussitôt.
— Il faut lui faire honte, madame Ducasse, je vous assure. Laura est souffrante, elle est incapable d'aller chercher les vaches au pré. Votre mari pourtant croit avoir le droit de l'y obliger. C’est révoltant à la fin !
Je sentais la main de madame Ducasse trembler sur mon bras, son pauvre visage sans attrait, gris et morne comme ses cheveux, était tiraillé de tics. Soudain les yeux s'emplirent de larmes qui débordèrent sur les joues abondamment et madame Ducasse pleura, face offerte, sans un sanglot.
Jamais je n'aurais pensé que tant de larmes pussent encore couler de ces yeux éteints, ni qu'une émotion fût assez violente pour redonner vie à une créature. (p. 140-143)

Adrienne Choquette sur Laurentiana

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