25 mai 2009

Le Refuge impossible

Jean Filiatrault, Le Refuge impossible, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1957, 199 pages (Coll. Nouvelle-France) (Illustré par Clément)

Le roman pourrait s’intituler : 12 heures dans la vie d’une femme hystérique.

Geneviève, une jeune femme névrosée, attend nerveusement le retour du travail de son mari Jacques. Pierre, son jeune enfant de sept mois, peut mourir à tout instant : il est né avec une malformation cardiaque et, aux dires du médecin, il ne sera jamais un enfant normal du point de vue intellectuel. Cécile, la sœur adoptive de Jacques, et Hélène, sa meilleure amie, sont avec elle. Geneviève refuse d’accepter les déficiences de son enfant et vit dans un état de crise permanent.

Quand son mari arrive, elle s’accroche à lui, le tourmente, lui dit qu’il n’aime pas leur enfant et, surtout, elle exige qu’il renvoie Cécile à l’orphelinat, ce qu’il ne peut faire, ayant promis à sa mère sur son lit de mort de la garder avec lui. Elle lui dit que sa sœur adoptive (elle est muette) est amoureuse de lui… Devant ce climat hostile, il finit par sortir prendre l’air.

Quand il revient quelques heures plus tard, le docteur est là, le bébé ayant eu une crise. Le couple finit par se coucher. Le lendemain, Jacques surprend sa sœur sur son départ. Elle lui a écrit une lettre dans laquelle elle lui avoue son amour. Il est bien près de lui tomber dans les bras! Pire encore, l’enfant est mort durant la nuit. Quand Geneviève se réveille et découvre l’enfant, elle fait une crise terrible et rompt avec son mari.

En épilogue, on apprend que Cécile est morte quelques mois plus tard.


Je soupçonne que ce roman, presqu’un huis-clos, a d’abord été écrit pour le théâtre. Il y a pour ainsi dire trois actes, peu de personnages, peu de lieux, beaucoup de dialogues… et le déroulement dramatique typique d’un certain théâtre. Le tout me semble très « fabriqué ». Les relations entre les personnages ne sont pas très bien expliquées, ce qui rend la précipitation finale peu crédible (Cécile qui part et Geneviève qui répudie son mari). Du drame, en voulez-vous? En voilà! Le climat est sombre, typique des romans de la grande noirceur. **

Extrait

— Moi ! Est-ce que tu m'aimes telle que je suis, telle que je deviens ?
Il ne put lui cacher l'hésitation qu'il mit à répondre.
— Mais oui, je t'aime. Maintenant, tu es tranquille !
Elle n'était pas tranquille. Elle poursuivit :
— Comme au premier jour ?
Il fit signe que oui de la tête. Certainement il l'aimait toujours, différemment sans doute, mais avec la même intensité.
— Et cet amour ne te paraît pas trop pénible à subir, quelquefois ?
— Pourquoi cette drôle de question ?
— J'ai souvent l'impression que tu t'éloignes... que tu deviens insaisissable.
— Il ne faut pas faire attention. Ce n'est jamais l'amour qui est lourd, mais l'existence.
Selon lui, chaque vie était un champ de bataille où les victoires et les défaites alternaient au hasard des jours : chaque vie était un combat où celui qui attaque et celui qui se défend ne font qu'un seul être... soi-même. Elle lui coupa la parole. Pourquoi récitait-il toujours des phrases toutes faites ?
— Pourquoi me dire toutes ces choses tristes en ce moment. Il m'arrive si souvent d'être vaincue.
Peut-être ne savait-elle pas employer les armes qu'il fallait. Peut-être que pour elle, les victoires étaient plus difficiles que pour d'autres. Oui, sans l'amour de Jacques, depuis longtemps elle serait asservie. C'était à cause de cet amour qu'elle pouvait vivre encore et se défendre contre l'ennemi.
Il ne croyait pas que l'amour fût une arme mais un lieu de repos, une trêve. Il réfléchit que là, peut-être, résidait la source de ses nombreuses défaillances. Puis il se demanda s'il était capable d'un amour véritable, celui qui .se donne et s'abandonne, auquel l'être entier participe !
Mains liées, les époux observaient un silence rigoureux. Ils devaient respecter ce moment. Geneviève fut reprise par son exaltation. Si seulement elle pouvait trouver les mots pour exprimer la joie qui l'avait prise tout entière quand le petit lui avait enfin donné un signe de vie ! Elle se tourna vers lui.
— Regarde mes yeux, je suis certaine qu'en ce moment ils brillent !

—Ils sont beaux... Ils sont chauds... comme autrefois.
— J'ai de la chaleur plein le cœur et plein l'âme. Pense, Jacques, notre enfant est à nous... bien à nous ! (pages 107-108)



Filiatrault chez Laurentiana
Terres stériles
Le Refuge impossible

Aucun commentaire:

Publier un commentaire