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18 novembre 2010

Louis Fréchette prosateur

Georges A. Klinck, Louis Fréchette prosateur. Une réestimation de son œuvre, Lévis, Le Quotidien limitée, 1955, 236 pages.

Avant un blitz de lectures de l’œuvre de Louis Fréchette, longtemps notre poète national et sans doute l’écrivain le plus important du XIXe siècle, j’ai pensé qu’il serait bon de jeter un coup d’œil sur cette vie. Cinq ou six livres ont été écrits sur Fréchette. Celui que je blogue est l’œuvre d’un Canadien anglais, en fait, c'est sa thèse de doctorat passée à l’Université Laval.
 
Ce livre est intéressant même s’il n’est pas sans imperfections. D’un côté, Klinck a eu accès à des archives familiales, il cite abondamment livres, journaux, autres livres sur l’auteur, et même des gens qui l’ont connu. D'un autre côté, il y a beaucoup de redites, ce qui tient sans doute au plan adopté par l’auteur. Le livre contient six parties : « L’homme et ses œuvres »; « Les polémiques de Fréchette »; « Articles et conférences »; « Contes et mémoires »; « Le théâtre en prose de Louis Fréchette »; « La correspondance de Fréchette ». S’ajoutent sept photographies pleines pages et un appendice.
L’auteur raconte la petite enfance à Pointe-Lévis, le jeune homme indiscipliné renvoyé de son collège, plus enclin à rimailler qu’à étudier, ses premiers démêlés avec la politique et son exil aux États-Unis, ses prises de position provocatrices (il était annexionniste), le père de famille. Il raconte aussi trois querelles célèbres du libéral Fréchette accusé par ses adversaires d’être un Rouge : celle avec Basil Routhier sur la relation entre l’Église et l’État, celle avec l’abbé Baillargé sur l’éducation et, la plus célèbre, celle avec William Chapman qui l’accusait de plagiat. Il accorde beaucoup d’importance aux contes et aux mémoires de l’auteur, louant son humour et son utilisation de la langue populaire.

Pour Klinck, Fréchette ne « fut pas un très grand écrivain », même s’il « dépassait de la tête la plupart de ses contemporains ». Ce qui l’a empêché de donner sa pleine mesure, c’est qu’il a accordé trop d’importance à sa « mission » de défenseur des Canadiens français. Le poète a montré son réel talent quand il s’est employé à décrire certaines figures populaires qu’il a connues dans sa jeunesse à Lévis.

Ce qui frappe à la lecture de cet essai, ce sont les interventions de Klinck, un universitaire quand même, qui tente d’adoucir la pensée de Fréchette. On le sait, notre « Lauréat » (c’est ainsi qu’on surnommait Fréchette depuis qu’il avait été couronné en 1880 par l’Académie française) ne faisait pas toujours dans la dentelle lorsqu’on s’opposait à ses idées. Klinck, malgré une admiration évidente pour l’auteur, ne cesse de répéter que l’auteur n’avait pas le sens des nuances, ce qui finit par agacer. Il va même lui faire la leçon : « Le traitement des "troubles" par Fréchette accuse encore le poète plutôt que l'homme d'État. Ses émotions y ont repris le dessus. II oublie que la même lutte pour la liberté du peuple allait son chemin dans le Haut-Canada, sans aucune implication de race, sous la conduite de William Lyon Mackenzie, grand-père impétueux de M. Mackenzie King. Sa description dans sa Légende d'un peuple des griefs des métis de l'Ouest canadien révèle la même haine irraisonnée contre l'administration prédominamment protestante et anglaise. Qui n'entend qu'une cloche, n'entend qu'un son. Pour être juste, il faut envisager le pour et le contre. Fréchette ne savait pas toujours garder son équilibre — tenir la balance égale entre les prétentions légitimes des deux races. Historien, non il ne l'est pas du tout. »

À propos des contes, on sent que Klinck, admiratif de la manière de Fréchette, tente d’arrondir les coins : « On aurait pu reprocher à Fréchette d'avoir prostitué son talent, lui aussi, en se servant de jurons et de grossièretés. Cependant, ses formules étaient tout à fait inoffensives et saines, souvent poussées au ridicule, il est vrai, mais parfaitement adaptées pour divertir son auditoire. Comme nous l'avons déjà constaté, Fréchette avait un sentiment très vif de l'humour, qualité qui rachète des défauts et qui manque presque totalement chez d'autres auteurs canadiens. »

Ce qui ressort de ce livre, c’est que Fréchette fut d’abord et avant tout un homme qui avait beaucoup de charme, un homme d’esprit, un fin causeur, un écrivain trop romantique qui découvre tardivement une voix littéraire (les contes, les mémoires) qui aurait pu faire de lui un grand écrivain.


Louis Fréchette sur Laurentiana
Mémoires intimes

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