Louis Fréchette, Les Fleurs boréales - Les oiseaux de neige : poésies canadiennes couronnées par L'Académie française, Montréal, C.O. Beauchemin & fils libraires-imprimeurs, 1886, 278 p. (1re édition : Québec, C. Darveau imprimeur, 1879, 268 p.)
En 1880, Fréchette reçoit le prix Montyon de l’Académie française pour ce titre. Le recueil est publié en France (Paris, E. Rouveyre, 1881, 264 p.). Hors de tout doute, ce prix contribua pour beaucoup à sa renommée (voir Le banquet à M. Fréchette et aussi cette image de la BAC). Il lui permit d’avoir une courte entrevue avec son idole Victor Hugo.
Comme le double titre l’annonce, le présent recueil est divisé en deux parties.
Fréchette a constamment remanié ses livres, reprenant des poèmes publiés antérieurement dans ses nouvelles parutions. Presque tous les poèmes de la partie intitulée « Les Fleurs boréales » proviennent de Pêle-Mêle, son deuxième recueil paru en 1877. Les plus connus sont « Le Mississipi », « Jolliet », « Sur la tombe de Cadieux », « Les pins », « Oiseaux blancs », « La dernière iroquoise ». D’ailleurs, certains seront repris une troisième fois dans La Légende d’un peuple. Je ne reviendrai pas sur cette partie, même si un coup d’œil rapide me permet d’affirmer que certains poèmes ont été modifiés.
La deuxième partie, « Les oiseaux de neige », est constituée d’un prologue, d’un épilogue et de quatre autres subdivisions : « L’année canadienne », « Paysages », « Amitiés » et « Intimités ». Quelques poèmes de cette partie sont aussi déjà parus dans Pêle-Mêle, entre autres ceux qu’il adresse à une personne précise, groupés à la fin sous les titres « Amitiés » et « Intimités ». Je ne reviendrai pas non plus sur ces deux sous-parties. Bref, le plus intéressant, ce sont les sonnets groupés dans « L’année canadienne » et « Paysages ».
Le prologue ne contient que le poème éponyme : « Les oiseaux de neige ». Fréchette s’apitoie sur le sort des « bruants des neiges » et se console en disant que « le faible que Dieu garde est toujours bien gardé! »
« L’année canadienne », dédiée à son père, contient douze sonnets, un pour chaque mois de l’année. C’est une poésie assez descriptive, qui tente de capter les us et coutumes des Canadiens. Janvier est le mois des patineurs, des promenades en traîneaux; en février , le « bruyant Carnaval » vient chasser « le spleen »; mars est décrit comme le « mois ennuyeux, le mois des giboulées »; « Avril c’est le réveil, avril c’est la jeunesse »; de mai, il retient « le semeur, dont la main fertilise la plaine, / [et] Jette le froment d’or dans les sillons fumés »; en juin « L’été met des fleurs à la boutonnière »; en juillet surviennent « les jours poudreux de l’âpre canicule »; et puis c’est août, « C’est la fenaison; personne ne chôme »; en septembre on suit « quelque chasseur qui, de mare en mare, / Poursuit la bécasse ou le canard noir »; en octobre « La forêt commence à se dégarnir »; comme novembre est le mois des morts, « donnons notre pensée entière, / […] à ceux que la mort nous a pris »; enfin, face aux rigueurs de décembre, il nous suggère : « Réchauffons-nous autour de l’arbre de Noël! » Comme vous le constatez, rien d’inattendu, de surprenant dans ce calendrier poétique. À la défense du poète, disons que cette simplicité nous repose de tous les grands engouements qu’il nous a si souvent servis.
« Paysages » est dédié à Luc Letellier de Saint-Just, gouverneur de la province de Québec. Douze lieux donnent leur titre aux poèmes : Spencer Wood, Le Lac de Belœil, Le Cap Éternité, Le Niagara, Longefont, Le Lac de Beauport, Le Rapide, Le Cap Tourmente, Le Montmorency, Les Mille-Îles, Le Saguenay, Les marches naturelles, Le Platon. Certains de ces lieux sont associés à des personnages, comme Spencer wood (aux Letellier de Saint-Just), Longefront (à un ami poète français, Prosper Blanchepain) ou Le Platon (aux Joly de Lotbinière). D’autres lieux, par leur gigantisme, permettent à Fréchette de donner libre cours à sa propension pour le discours admiratif ampoulé comme c’est le cas du Cap Éternité : « Énorme pan de roc, colosse menaçant / Dont le flanc narguerait le boulet et la bombe, / Qui monte d'un seul jet dans la nue, et retombe / Dans le gouffre insondable où sa base descend ! »
L’épilogue contient un seul poème intitulé « À mes sonnets ». Ceux-ci sont comparés à des « pauvres petits oiseaux » que la tempête malmène. Pourtant Fréchette les invite à s’accrocher, car « la tempête a toujours son lendemain vermeil ».
Ce sont ses poèmes patriotiques qui ont permis à Fréchette de se distinguer de ses contemporains. Ce sont quand même eux, ne serait-ce que par leur souffle et leur envergure, qui en font un poète supérieur aux Sulte, Lemay, Legendre… Quand Fréchette s'en tient à la simplicité, puisant son inspiration dans sa vie personnelle, il est tout au plus leur égal.
LES OISEAUX DE NEIGE
Quand le rude Équinoxe, avec son froid cortège,
Quitte nos horizons moins inhospitaliers,
Sur nos champs de frimas s'abattent par milliers
Ces visiteurs ailés qu'on nomme oiseaux de neige.
Des graines nulle part! nul feuillage aux halliers!
Contre la giboulée et nos vents de Norvège,
Seul le regard d'en haut les abrite, et protège
Ces courriers du soleil en butte aux oiseliers.
Chers petits voyageurs, sous le givre et la grêle,
Vous voltigez gaîment, et l'on voit sur votre aile
Luire un premier rayon du printemps attardé.
Allez, tourbillonnez autour des avalanches;
Sans peur, aux flocons blancs mêlez vos plumes blanches:
Le faible que Dieu garde est toujours bien gardé!
Louis Fréchette sur Laurentiana
Mémoires intimes
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