16 août 2025

Pour les âmes

Paul-Marie Lapointe, Pour les âmes, Montréal, L’Hexagone, 1965, 73 p.

Le recueil contient onze poèmes, écrits entre 1961 et 1965, dont deux d’anthologie : « Le temps tombe » et « ICBM ». Pour les âmes s’inscrit dans un contexte précis. Le début des années 60 est marqué par la guerre froide, la guerre du Vietnam et surtout par la crise des missiles de Cuba.  Le journaliste qu’il était a dû suivre de près cette période où des siècles d’histoire risquaient d’être engloutis dans un nuage atomique!

Bien entendu, la menace nucléaire n’est pas le sujet de Pour les âmes, mais elle en est probablement le terreau. « Le temps tombe », la promesse d’une humanité en marche vers un avenir meilleur apparaît tout d’un coup illusoire, interrompue; le temps a perdu son fil directeur, le passé ressurgit dans le présent : « les petits hommes de préhistoire / entre les buildings / dans la pluie chargée de missiles ».

Lapointe évoque des « mondes disparus », comme si un rouleau compresseur les avait écrasés l’un après l’autre : « une tribu perdue remonte à la surface / enfants des pyramides du soleil / amphores de poussière maïs et fourrures / falaise des morts ». Des civilisations ont été emportées en raison de leur inconduite (guerre) ou tout simplement de leur insouciance : « divinité embusquée / entre les pierres cachée / qui tombe de l'arbre comme pomme / ou surgit ô geyser et soudain / en un siècle quelconque / autrefois ou demain / vous saisit à la gorge // mystère de la terre ».

Pour le poète, la marche du temps évoque donc la mort, celle de l’humain, « espèce satisfaite », mais aussi celle de notre civilisation et même de la planète, comme si tout dégénérait sous nos yeux, sans que personne ne réagisse fermement : « ô sommeil tranquille / planète ronde où s’étreignent les maisons conformes ».

Dans plusieurs passages, il souligne la finalité dérisoire de l’humanité, matérialiste, tout à son confort, dans un monde qui a perdu son âme : « monde qui et quel que tu sois / pré de désespoir notre monde / ses petits bungalows et ses cloches / son affamoir ». Même l’amour participe de ce climat délétère qui semble envahir toutes choses : « la respiration d'un amour / emplit l'espace de la nuit / comme une mer minuscule ferait / dans leur sable / ses iles plus ou moins grandes / selon l'angoisse ou l'abandon ».

Il fait appel à la conscience humaine, comme si un dernier sursaut était possible, bien que peu probable : « les voix sont terrées / les plaintes suffoquent de jour en jour plus opaques / et vaines // bientôt le silence ne sera plus que le cri du premier de tous les morts ». La voix du « jeune révolté » idéaliste n’existe que sur une épitaphe dérisoire, comme on le lit dans le poème « Épitaphe pour un jeune révolté ».

Le recueil est très riche et mon commentaire ne fait que l’effleurer. Entre autres, j’ai laissé de côté tout ce qui touche à l’écriture. On associe toujours Paul-Marie Lapointe au Vierge incendié et à Arbres; quant à moi, Pour les âmes est un aussi grand recueil.

ICBM (INTERCONTINENTAL BALLISTIC MISSILE)

chaque jour étonné tu reprends terre
cette nuit n'était pas la dernière
mais le brontosaure
mais César
mais l'inca

mais le Corbeau te guette

monde mou

les cratères éclatent
cris d'œuf

comme un crapaud le Nuage agrippe sa terre
et l'embrasse à petits coups répétés

mère de la poussière

l'oie vient des Andes malgré le radar

sur les passerelles de nylon
entre les mondes

vacillent les tendres hanches des filles

monde mou mille morts
aurore mauvaise dont je sais à la traverser

qu'elle n'est pas définitive

un bombardier repose à tes côtés
tes nuits sont assurées!

ô président ô pasteur
général des îles et des lunes

les enfants se recroquevillent comme des feuilles brûlées


Paul-Marie Lapointe sur Laurentiana

Le vierge incendié
Choix de poèmes. Arbres


Il y a 14 ans, Paul-Marie Lapointe nous quittait. (Radio-Canada)

 

11 août 2025

VLB et PÉLOQUIN

Deux belles listes du libraire François Coté. Bon, je ne suis pas à la solde du libraire, mais disons-le, on sent la passion des livres derrière ces catalogues.


Liste 1 consacrée à VICTOR-LÉVY BEAULIEU (1945-2025) avec une vingtaine de titres dont plusieurs sont dédicacés.

Liste 2 consacrée à CLAUDE PÉLOQUIN (1942-2018) avec une vingtaine de titres dont une affiche pour le film "Pélo le magnifique" (1974) et un "poème-affiche" : Un grand amour (1971).

6 août 2025

Visage nu

 

Madeleine Leblanc, Visage nu, Montréal, Beauchemin, 1963, 60 p.

Quand on lit la poésie de Leblanc, on se demande si cette poète a lu Garneau, Grandbois, Hébert, les poètes de l’Hexagone… Son style a quelque chose de très suranné. Le recueil compte quatre parties.

« Inquisition » : Les poèmes sont ceux d’une femme qui s’auto-analyse, qui cherche à mettre le doigt sur l’origine de ses déboires. « J’ai marché dans ma nuit sans bruit, / Cherchant la lanterne de vérité / Afin d’y purifier mon songe, / Mais j’ai trouvé la lampe sans feu ».

 « Pourquoi es-tu triste, ô ma joie » :  Le premier poème est intitulé « Assassin » : on comprend qu’un homme a brisé sa vie et lui a fait très mal. Les deux derniers vers de cette partie : « Entends-tu crier la haine / De l’enfant qu’on a tué ». Entre ce début et cette fin, une femme qui cherche à retrouver la joie.

« Quelques chants d’amour » : Des poèmes d’amour, dont quelques-uns ont été mis en musique. « Ton corps était taillé à la mesure de mon corps, / Ton cœur était pétri à l’empreinte du mien, / Ton sang s’incendiait à l’ardeur de ma fièvre, / Ton front était sculpté dans la pierre de mes rêves, / Ta chair gardait la forme de mes désirs. »

« Au fil des heures » : Ce sont une suite d’aphorismes du style « La vie n’a de sens que celui qu’on veut bien lui donner » ou « Espérer en vain c’est souffrir. Ne rien espérer, c’est mourir. »

Vous l’aurez compris, c’est un petit recueil plus que modeste qui peut probablement atteindre le lecteur pas très friand de la poésie moderne.


Madeleine Leblanc sur Laurentiana
Les terres gercées

27 juillet 2025

Cœur de sucre

Madeleine Ferron,
Cœur de sucre, Montréal, HMH, 1966, 221 p. (Coll. L’arbre)

Disons au départ que 22 des 24 récits qui composent le recueil ne sont pas vraiment des contes, même si cette notion est devenue très difficile à cerner depuis Maupassant. On a plutôt affaire à des saynètes, à des moments de vie saisis sur le vif. À ceux-ci s’ajoutent deux contes fantastiques : « La souris prédestinée » et « La visite ».

Madeleine Ferron a vécu une partie de sa vie en Beauce. Elle raconte des faits quotidiens, les aléas de la vie des gens qu’on qualifie, à tort ou à raison, d’ordinaires. Les personnages se retrouvent devant un événement qui vient à peine perturber leur vie trop uniforme ou devant une action qui contrevient à l’ordre établi ou à la lourde morale de l’époque.

L’intérêt du recueil tient dans la plume de l’autrice : elle sait repérer les événements, banals en soi, mais porteurs de sens; elle saisit avec acuité les motifs qui poussent les individus à agir de telle ou telle façon; elle est juste assez malicieuse (ou féroce), parce qu’on sent qu’elle aime bien ces villageois. Ferron porte souvent son regard sur la situation des femmes, parfois prisonnières d’un mariage qui ne leur convient plus.

Coeur de sucre : Des jeunes ont entaillé plus tôt que prévu. Le père parti, c’est la fête.
La jarre : Encan au sujet d’une cruche que deux voisins se disputent.
Le don de dieu : Langelier, pendant que les maris sont au chantier, soigne les femmes avec son sexe.
Julie : Julie, après la mort subite de son mari, dérape complètement.
Francoune, ma francoune : Un avocat doit défendre un homme qui a tué sa femme… après lui avoir fait 13 enfants.
Le peuplement de la terre : Une jeune fille de 13 ans vient de se marier.
Les termites : Aussitôt le testament lu, les frères et les sœurs dévalisent la maison.
La rentrée : Une femme en tenue de plage lors de la rentrée chez les Ursulines.
Mission ratée : Le prône d’un prédicateur féroce se termine mal.
La souris prédestinée : Une jeune fille transformée en souris.  
Le cercueil apprivoisé : Un embaumeur achète du bois et offre des cercueils en retour.
L'incroyable terminus : Au salon mortuaire, les compliments tout faits.
Le pardon refusé : Un marguillier en lutte contre le vicaire.
La chouette : Une voisine surveille son voisin.
Les vertus des anges : Trois garçons se paient la tête d’un « idiot » en lui faisant chanter le « O Canada » sur un tas de fumier.
La maladie : Jeanne n’a vécu que pour ses fleurs.
Le jour inachevé : Élise est troublée par la vue d’un homme qui vient lui livrer des poulets.
Le cousin de Jerry : Invitation rejetée et remords.
Les animaux, nos frères : Irène quitte son mari et s’installe chez un célibataire.
La fin d'un artiste : L’homme le plus sociable du village perd la voix.  
La visite : Un sucrier, qui dort dans sa cabane, est visité par un revenant.
Le créateur : Il voulait devenir inventeur.
Le « pit de gravelle » : Deux amoureux mettent fin à leur vie.
Le manchot : Linière a perdu un demi-bras dans un moulin à scie.

« Les contes de Madeleine Ferron mettent en scène des petites gens pris sur le vif dans leur quotidien : la veuve éployée, les retraités, les pauvres vieilles filles, l’idiot exploité et ridiculisé, le fainéant, le menuisier, le commerçant, le cordonnier, le préposé à la voirie municipale, l’artiste, le don juan raté pourtant gratifié d’un don spécial, la femme adultère… L’auteur s’amuse à décrire, sans folklore, des situations de tous les jours : la rentrée scolaire, la prédication du curé, la partie de cartes, la distribution du courrier à la campagne, le mariage et le voyage de noces à la ville où l’on s’ennuie, ou encore l’encan ou la veillée funèbre. Publié à l’origine dans la célèbre collection « L’Arbre », aux Éditions Hurtubise HMH en 1966,Cœur de sucre marquait l’entrée de Madeleine Ferron dans la littérature québécoise. » (présentation de l’édition BQ) 

Voir aussi : La fin des loups-garous

25 juillet 2025

Olivier Marchand (1928-2025)

Olivier Marchand, un poète qui a compté pour beaucoup dans l’histoire littéraire, est décédé. Bien entendu, quand on pense à lui, on pense à Deux sangs, le livre fondateur des Éditions de l’Hexagone.

J’ai eu le plaisir de rencontrer M. Marchand, très brièvement. Il avait aimé la critique que j’avais faite de « Crier que je vis » et on a eu quelques échanges, surtout à propos des éditions Atys. 

Comme il allait à Québec avec des membres de sa famille, il m’avait donné rendez-vous sur le bord de l’autoroute pour me donner quelques-uns de ses livres (voir ci-dessous) avec une belle dédicace dans la rétrospective de l’Hexagone. La rencontre fut courte mais très sympathique. J’en ai gardé l’impression d’un homme généreux qui mordait encore pleinement dans la vie. 

Tout aimer jusqu'au dernier souffle
afin que rien ne se perde de l'offrande
et du temps de vivre
et du rôle d'homme

 

 

 

20 juillet 2025

Philtres et poisons

Philippe La Ferrière, Philtres et poisons, Montréal, éd. du cerbère, 1954, 167 p. (Avant propos d’Alain Grandbois) (Illustrations de l’auteur)

J’ai déjà présenté un recueil de La Ferrière (1891-1971) : La rue des forges, publié en 1932. Celui-ci est un peu différent, sans doute moins mordant, plus traditionnel. La Ferrière continue de doter ses personnages de noms abracadabrants, mais la plupart sont tout au plus des excentriques.

 

L'incorrigible

Hippolyte Fému a épousé Zéphirine Bardacier, bien que ce ne soit pas le grand amour. Il l’aime bien sans plus, mais elle est riche. L’omniprésence de la belle-mère dominatrice complique sa vie de couple. Quand celle-ci disparaît, les choses ne s’arrangent point. Il fuit la maison, se tient dans les bars. Elle essaie de le reconquérir sans grand succès.

 

Un raffiné

Fong Lee est cuisinier dans un camp de bûcherons. C’est un raffiné. On le malmène, on se moque de lui, jusqu’à ce que le patron exige qu’on le laisse tranquille. Il remercie les bûcherons et leur assure de sa gratitude : « Et, pour demeurer fidèle à la parole donnée, il cessa à l'heure des repas, d'imiter devant l'énorme soupière, le geste du Mannekin-Pis. »

 

Fantaisie sur un thème ancien

Zikda, une danseuse des Folies bergères, a été enlevée par le prince Rachid qui l’a amenée dans son pays. Félix le Mauricien (le lien n’est pas clair, mais tout indique qu’il en est amoureux) part à sa recherche. Le prince étant absent, on assiste à une mise en scène fastueuse, qui fait appel à tous les sens, de la part de Zelda pour reconquérir Félix.

 

Un érudit

M. Marmonnet, sa femme et M. Batistant se dirigent vers Percé. Ce dernier cherche des pêcheurs qui accepteraient de jouer dans son prochain film. Quant à M. Marmontel, il veut écrire un livre sur eux. Ce dernier engage un marin pour une excursion en mer. Il le questionne, le ridiculise, lui sert ses références latines à tout propos. Mais quand une tempête se lève, les connaissances livresques ne servent plus à rien…  Image sympathique de la Gaspésie.

 

Feu de paille

Mathias Dutremplin et Gisèle Crèvecoeur sont mariés depuis 10 ans. Madame, que le mari considère comme un beau bibelot, s’ennuie. Gérard Panthois, un ami du couple, amoureux depuis toujours de Gisèle, lui déclare sa flamme. Elle joue le jeu pendant une soirée sans aller trop loin. Elle avoue le tout à son mari. Ce dernier rencontre Panthois et lui reproche de ne pas avoir « satisfait le désir » de sa femme.

 

L'argent ne fait pas le bonheur

Nérée Pingoin, un forgeron vaillant et bon enfant, gagne une forte somme à la loterie. Il quitte son emploi et part avec femme et enfants pour Montréal. Il revient, sans femme et enfants, cinq ans plus tard, complètement ruiné et reprend son travail de forgeron. Les années passent, sa femme revient et ne voilà-t-il pas qu’il hérite d’une forte somme de son oncle défunt. « Je peux pas croire, batèche, que tout l’trouble va recommencer! … »

 

On est partagé en lisant La Ferrière. D’une part, on devine un esprit cultivé, mais en même temps ses récits sont languissants, manquent de vivacité. Il y a bien une chute parfois surprenante, mais est-ce suffisant? Est-ce dû au style très classique de son auteur? Ses personnages et leur drame n’arrivent pas à nous toucher et, contrairement à ce qu’on lisait dans son précédent recueil, la fantaisie n’est pas au rendez-vous.


Petite énigme autour de l’année de publication de cet ouvrage : en juillet 1948, dans Le petit journal, on annonce que Philtres et Poisons paraitra bientôt. Le 31 octobre 1948, dans Le Devoir paraît une publicité de Montréal Éditions où figure Philtres et poisons. En décembre 1950, dans L’Amérique française, on nous dit que « Noël des gueux » est extrait d’une nouvelle parue dans Philtres et poisons (elle ne s’y trouve pas dans l’édition de 1954) : « Noël de gueux » est extrait d’un recueil de contes intitulé Philtres et poisons; Il représente la première partie de « Nos actes nous suivent », un récit où le héros Arsène Bourré incarne le type du parfait cabotin ». Pour finir, dans le DOLQ, on ne fait aucune mention d’une édition en 1948. Rien non plus sur la BanQ ou sur SOFIA. Pourtant, tout semble indiquer qu’une première version, différente de la seconde, celle que j’ai, a été publiée en 1948. À compte d’auteur? À très petit tirage?  Édition privée?

13 juillet 2025

Courte-Queue

Il y a 42 ans, soit le 13 juillet 1983, Gabrielle Roy nous quittait.


Gabrielle Roy, Courte-Queue, Montréal, Éditions Stanké, 1979, n. p. (Très belles illustrations de François Olivier)


Courte-Queue est une chatte, très futée, qui n'accepte pas que ses maîtres fassent disparaître ses petits chatons à son insu. Elle mettra au monde sa deuxième portée loin des regards, en pleine forêt, mais devra se résoudre à ramener tout son petit monde  à la maison à l’approche de l’hiver.




Gabrielle Roy sur Laurentiana

Bonheur d’occasion

La Petite Poule d’eau

Alexandre Chenevert

Rue Deschambault

La montagne secrète

Ces enfants de ma vie 

La route d'Altamont

La rivière sans repos

4 juillet 2025

La flamme ardente

Jean Charbonneau, La flamme ardente, Montréal, Librairie Beauchemin, s. d. [1928], 240 pages.

Jean Charbonneau a écrit six recueils de poésie. J’en ai blogué trois ainsi que son étude sur l’École littéraire de Montréal.

Ce recueil contient quatre parties, les deuxième et troisième étant subdivisées, ce qui nous donne : L’âme errante des choses, L’immortel amour, L’amour dans la nature, Les haines, L’âme du monde et Le triomphe de la pensée.

Après avoir relu mes anciens textes et survolé La flamme ardente, j’en conclus que ce que j’ai écrit sur Les prédestinés s’applique aussi à ce recueil. « Tous les recueils de Jean Charbonneau sont longs. […] Il s’ensuit que le recueil va en tous sens : un peu de philosophie, un peu d’histoire, un peu de terroir, un peu de nature et, souvent, un peu de tout ça en même temps. »

Le poème qui suit témoigne d’une triste réalité, hélas!


 

LE SANG DES PIERRES

Dressez-vous, grandes tours, créneaux majestueux
Dont le reflet se baigne en une eau cristalline !
Élevez votre orgueil insolent jusqu’aux cieux,
Et prolongez votre ombre en la verte colline.

Élevez-vous, palais, œuvres des ans lointains
Où s’étale l’effort superbe du Génie !
Paraissez, monuments, au seuil de nos destins,
Fils de la haine et fils de la sainte Harmonie !

Quand nous vous contemplons, sur vos socles puissants,
L’histoire tout entière ouvre pour nous ses pages,
Et nous voyons se dérouler les faits sanglants
Qui s'entassent au cours millénaire des âges.

Vous portez de grands noms que le Temps garde encor,
Des noms que l’on redit en fermant nos paupières ;
Car pour perpétuer la mémoire des Morts,
Le passé d’une race est dans le sang des pierres !


Jean Charbonneau sur Laurentiana

La flamme ardente
Les blessures

L’école littéraire de Montréal

L’ombre dans le miroir 

Les prédestinés

27 juin 2025

Amours, délices et orgues

Jean Bruneau (Gustave Lamarche), Amours, délices et orgues, Québec, Institut littéraire du Québec, 1953, 179 p.

Gustave Lamarche, sous le pseudonyme de Jean Bruneau, présente 32 pastiches d’écrivains et de personnalités de son époque, dont un de lui-même. Bien sûr, tout cela a terriblement vieilli. Ses têtes de turc : Harry Bernard, Roger Brien, Jean Bruchési, Marcel Clément, Robert Choquette, Pierre Daviault, Marcel-Marie Desmarais, Alfred Desrochers, Roger Duhamel, Guy Frégault, Gratien Gélinas, Alain Grandbois, Anne Hébert, François Hertel, Charles de Koninck, Gustave Lamarche, André Langevin, Rina Lasnier, Félix Leclerc, Roger Lemelin, Séraphin Marion, Olivier Maurault, Alphonse Piché, Adrien Plouffe, Julia Richer, Léopold Richer, Ringuet, Lucette Robert, Guy Sylvestre, Yves Thériault, Marcel Trudel, Roger Viau.

Il ne se contente pas de livrer un texte ou un poème; il ajoute le livre fictif d’où ils sont tirés.


Voici trois exemples :


Lumbermen

Suant à grosses gouttes sous leurs épais pullovers,
Les pieds au chaud dans leurs énormes bottines,
Les lumbermen prennent quelques bons coups de gin
Avant de partir pour le chantier des Hooper.
 

(Alfred Desrochers, extrait des tiroirs de ce poète)

Tourterelle

J’ai aimé, Seigneur! j’ai aimé, mais ma turbulente course ne m’a menée que vers des sentiers déserts.
Mon pied était nu et, vierge folle, j’ai couru vers les clairières pour étancher ma soif dans l’eau claire du soleil.
J’ai aimé, mais l’appel sonore de mes désirs n’a remué nul jonc sur les rives où passent les hommes,
et je suis seule, immobile, arrêtée par la gloire de mes racines.
 

(Rina Lasnier, extrait)


Le meurtre

La Joséphine Marleau ricana.
Elle était laide, elle était maigre et elle était pauvre, mais elle avait gagné le Léon au père Tipanet.
Un grand gars, comme un long pin sans branches.
La Joséphine ricana, car elle savait ce qu’elle allait faire.
Depuis que l’idée lui était venue, le noir était parti. Du soleil se promenait dans sa poitrine.
Elle frottait le plancher à pleins bras, mais elle avait aux lèvres goût de chansons.
La sueur lui descendait le long du corps, comme le ruisseau du flanc de la montagne. Elle était la femme-montagne.
 

(extrait de Joséphine-aux-mains-maigres, inédit).


Dans le domaine littéraire, Guy Sylvestre (1918-2010) est surtout connu pour son Anthologie de la poésie canadienne d'expression française (1943), rééditée maintes fois. Il a aussi dirigé la page littéraire du Devoir et de la revue Gants du ciel. Enfin, il fut haut-fonctionnaire et bibliothécaire à la Bibliothèque du parlement à Ottawa et à la Bibliothèque nationale du Canada.

Voir sur Laurentiana

À la manière de…