Michèle Lalonde, Terre des hommes, Montréal, Les éditions du jour, 1969, 59 p.
L’Exposition universelle de Montréal avait choisi comme thème « Terre des hommes ». Les organisateurs voulaient ajouter une dimension humaniste à ce qui était d’abord une exposition commerciale.
Un gala inaugural eut lieu le 29 avril 1967 à la Place des arts. À cette occasion, en première partie, Michèle Lalonde et le musicien André Prévost ont offert une œuvre originale sur le thème choisi : Terre des hommes. Deux ans plus tard, Lalonde a publié le texte qu’elle avait écrit.
L’expo 67 offrait une vision ultramoderne pour ne pas dire euphorique des dernières prouesses techniques et architecturales. Ainsi a-t-on eu droit à des pavillons qui captaient l’œil (mais qui offraient aussi aux visiteurs un aperçu culturel des différents pays participants) et à plusieurs innovations technologiques qui embrasaient l’imaginaire des enfants que nous étions. En 1970, Alvin Toffler décrira ce monde en changement dans un essai très célèbre intitulé Le choc du futur.
Dans un texte très travaillé, de haut lyrisme, Lalonde plonge dans le thème mais en conservant un regard très critique.
Le texte est dit par deux récitants, un homme et une femme (Albert Millaire et Michèle Rossignol). Il contient trois parties.
Dans Aliénation, Lalonde présente l’envers du décor comme si les prouesses technologiques et architecturales qu’on nous montrait n’étaient qu’une façade qui cachait un monde en train de se déshumaniser :
siècle noirci saison de suie
le pétrole s'agite et bouillonne,
fanion de feu
aux mâts des bidonvilles;
l’herbe se meurt le poumon se contracte
l’œil s'allume et s'éteint au rythme du tungstène
le béton obture l’azur
le béton s'arme et monte à l’assaut du ciel
l'horizon s’échafaude et s'étage
Identification commence par un échange amoureux, mais finit par évoquer la guerre : « saison criblée de haine / saccage de fer et de chair / enfer de feu et de sang // o mémoire en deuil ». La pacification du monde passe par les vertus de l’amour : « nous engendrerons des générations d’hommes et de femmes /…/ nous aurons ultimement raison de la fatalité et de la mort »?
Enfin, dans Humanisation, la poète souligne l’urgence de la situation (rappelons-nous la crise des missiles à Cuba). On en est rendu à un point de bascule et on peut souhaiter que l’humanité trouve la voie qui apaisera les tensions. Voici un extrait du dialogue entre l'homme et la femme :
H. natale terre
les générations tressaillent dans ton sein
F. et l’humanité se reforme
blottie dans la chaleur matricielle de l’amour
H. ô planète obscure porteuse de jours
noire amoureuse ponctuelle au rendez-vous de la lumière
le soleil plane et l’éternité te prend sous son aile
F. Solstice très lent prodige
Voici voici ah…...
H… ah que la colère s'apaise aux entrailles des peuples
une salve de colombes
célébrant la montée de l'aurore
Selon l’autrice, son texte décrit l’« opposition dialectique des forces de vie et de mort qui, décuplées par la prodigieuse machinerie du siècle, se disputent l’avenir de l’homme ».
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