Michel Beaulieu, Érosions, Montréal, Estérel, 1967, 57 p.
Le recueil est dédié au poète Luc Racine.
L’écriture dans Érosions est influencée par le formalisme. Beaulieu fut un collaborateur de la célèbre Barre du jour, une revue d'avant-garde qui s'appuyait sur de nouvelles théories littéraires venues de France.
Si on compare Érosions à ses recueils précédents, on remarque que le vers devient beaucoup moins coulant, plus elliptique, les liens logiques étant remplacés par des appositions ou de simples espaces. Beaulieu laisse courir son imagination, les images surgissent de toutes parts, les associations verbales semblent parfois gratuites. Par le fait même, la lecture est difficile.
Ainsi va le premier poème. Vous conviendrez qu’il serait téméraire d’essayer d’en extirper le sens exact.
non puisque trop de murs ont cerné ces cris
mûris de tant de sueur piégés meurtris
ces cris d’os déchirés à travers la plaie
ces cris horizontaux pourtant verticaux
vierges de nacre elles venaient diaphanes
qui n’a pas su les reconnaître les aima
un bitume se fend d'étincelles polies
(vous voyez que le mensonge se dessine
sur les murs les vitraux et les égouts)
dessus la place hurlent les pigeons fendus
La première strophe nous décrit un être qui hurle de douleur. Pour le reste, on peut imaginer ce qu’on veut, mais rien de trop joyeux.
Même une lecture superficielle nous permet de dire que tout le recueil baigne dans une certaine violence. Les mots « cris », « mort » « os » et « sang » reviennent souvent. On dirait un monde en train de s’effriter, d’où le titre du recueil. Le poète lui-même n’échappe pas à l’éclatement. Le poème suivant m’apparait assez représentatif de l’ensemble :
ô cris murés entre tant et tant de froissis
la dentelle échancrée au contour de nos gestes
froides érosions qui vous reconnaîtrait
vieilles pierres des artères sclérosées
raide l’étau serre ces têtes ébahies
voilà le socle où périt le bronze
et la marée des langues vociférantes
voilà triturés l’eau de pluie la brique et le métal
non pas que ces cris soient amarrés
ou bien échu l'entonnoir des réverbères
ainsi le sang suffit à la cime des doigts
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