11 juin 2021

Palais d'écorce

Louis-Joseph Doucet, Palais d’écorce, Québec, Chez l’auteur, 1921, 47 p.

Un Louis-Joseph Doucet typique : des touches de terroir et de patriotisme, surtout des poèmes personnels et quelques autres de circonstances.

La vision n’a pas changé non plus : Doucet est hanté par le passage du temps et la perspective de la mort. Il n’a que 47 ans et plusieurs poèmes, dont l’éponyme, ressemblent à des bilans de vie. « Adieu, monde de nos misères, / Je te reprends ma liberté; / Je redeviens le solitaire, / Marchant vers une autre cité ». C’est peut-être ce qui explique que la religion occupe une plus grande place que dans ses recueils précédents : « Revenez donc Jésus, comme aux jours hébraïques / Sous votre forme humaine. Il serait temps, je crois, / Que vous rechargeassiez sur votre dos la croix / Pour traverser, sanglant, le rang des hypocrites. » Il est assez dur avec lui-même : « Je suis le rancunier des vertus, des bontés / Que je voudrais avoir, que le ciel me refuse : / Je voudrais être brave et j’ai l’âme confuse : // Je voudrais être fort, je ne suis qu’un raté ». Doucet semble avoir quand même lutté contre un certain désespoir qui hantait son esprit : « Cherchons la liberté des paroles sincères. / Pendant que nous vivons, éloignons-nous du mal. / Désaltérons nos cœurs au vin de l’idéal, / Chassons de nous le fiel, respectons la misère. »

Le recueil se termine par un texte en prose, en rien poétique, dans lequel Doucet livre son testament personnel. Il s’intitule : « Pour lire en mes derniers jours » et il s’adresse à ses enfants et petits-enfants. J’en donne quelques extraits:

« Voici, je suppose, ma dernière maladie. Ma modeste chambre carrée sur la terre me fait songer à une autre chambre carrée, encore plus modeste. et plus étroite et dans la terre cette fois, où le silence que j’aime sera peut-être trop absolu.

On dit que la pensée dominante d’une existence se résume, la plupart du temps, par une parole à l’instant suprême. Moi je n’ai pu voir la France comme il faut durant ma vie. il est juste que j’y pense encore, et je veux que mon dernier sommeil soit bercé par l’idée d’une France céleste. Vive la France !

J’aurais trop de conseils à donner à mes petits enfants pour pouvoir les résumer en un seul, tout de même je leur conseille la bonté et l’économie, économie de santé, de patience, d’intelligence et d’argent qui donne un peu de fierté et d’indépendance.

Je meurs chrétien, dans la religion de mes pères, religion bien entendue, sans bigoterie, loin des préjugés, de l’intolérance, je meurs dans la religion ennemie des principes équivoques.

— Comme au temps des inquisitions de ceux qui ne pensent pas comme eux, des bigots sévères se croient délégués directement du ciel pour régénérer le genre humain par leurs principes absolus, ce sont les plus dangereux, et pour moi les principes absolus formulés dans les mots sont rares. Je me suis aperçu de bonne heure, et j’ai préféré l’homme de bonne volonté.

Si les hommes avaient de la bonne volonté, les lois civiles suffiraient à gouverner la société, et la religion ne serait pas une nécessité de moyens.

Le meilleur conseil que je pourrais donner à mes enfants, il me semble, serait de bien faire ce qui doit être fait; d’aimer le travail, ainsi que la vie, la vie dont on doit être content, puisque l’on y peut jouir d’un bon repos après un bon travail, et bénéficier tous les jours, ou à peu près, du beau soleil dont la seule lumière est sans prix. »

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