25 juin 2021

Amour vainqueur

Virginie Dussault, Amour vainqueurMontréal, J.R. Constantineau, 1915, 167 pages. (Illustrations de ? )

L’action débute à Saint-Bruno-de-Guigues, sur les bords du lac Témiscamingue. Ninie, encore enfant, a décidé qu’elle se ferait instruire. Après avoir fréquenté le Couvent d’Hochelaga à Montréal, elle décide de poursuivre ses études au Couvent de Chatham en Ontario pour perfectionner son anglais. Cette fois-ci, la séparation d’avec les siens est plus difficile puisqu’elle a un amoureux, Rogers. Ce dernier vit de l’autre côté du lac Témiscamingue, à Haileybury, donc en Ontario. Ils promettent de s’écrire mais aucune lettre ne parvient à Ninie durant l’année. De retour chez elle, elle ne retrouve pas son amoureux. Elle devient enseignante. Ambitieuse, à vingt ans, elle décide de déménager à Montréal pour « trouver une situation qui lui permettrait de mettre en activité, toutes les connaissances qu'elle possédait ». Elle trouve un travail bien rémunéré dans le milieu des affaires. Elle n’a toujours pas revu Rogers et elle continue à se demander pourquoi il ne donne pas signe de vie. 

 

En fait, Rogers par amour pour Ninie a aussi repris ses études. Toutes les lettres qu’ils se sont échangées ont été interceptées (par les autorités parentales, scolaires ou religieuses), ce qu’ils ignorent. Tout comme elle, Rogers en est venu à croire que Ninie l’avait oublié. Par dépit, il a eu le malheur de dire qu’il envisageait de devenir prêtre. À partir de là, tout le monde (ses parents, les prêtres) mettent beaucoup de pression sur lui. On « protège » sa vocation. Mais il porte toujours Ninie dans son cœur et ne deviendra pas prêtre. 

 

Ninie, en visite chez une tante à New York, rencontre Harry, un riche célibataire qui la courtise. Elle n’arrive pas à savoir si elle l’aime ou ne fait que l’apprécier. Il lui offre une vie de grande bourgeoise sur un plateau.  Elle finit pourtant par le quitter, ce qu’il n’accepte pas. Il décide de se venger. Avec un complice, il intercepte Ninie sur le Mont-Royal et la frappe quand — ô miracle — surgit un étranger qui la sauve! Vous avez sans doute deviné que cet « étranger », qui faisait de l’équitation, n’est nul autre que Rogers. Elle monte avec lui sur le cheval et ils retournent à Westmount où il vit maintenant. Il s’est lancé en affaires. Leurs amours reprennent. Mais la vengeance de Harry ne s’arrête pas là : il réussit à faire condamner Rogers à la prison pour un supposé crime (c’est un coup monté) financier. 

 

Tous les problèmes finissent par se tasser : Rogers est disculpé, il épouse Ninie, il devient rapidement millionnaire, ils vivent à New York; quant à Harry, il est ruiné, son enfant meurt de misère et sa mère, de chagrin. Comme quoi, il y a encore une justice en ce bas-monde!…

 

Chose sûre, il y a matière à s’amuser des tournures de l’intrigue dont je n’ai donné qu’un faible aperçu. Mais l’essentiel n’est pas là. Au départ, on est devant une jeune femme qui s’affirme : elle rêve non seulement à l’amour, mais aussi au pouvoir. Elle ne s’en cache pas, elle veut devenir riche. Et elle ne compte pas y parvenir en épousant un homme riche : elle prend les moyens pour y arriver! Elle se fait instruire, apprend l’anglais, repousse le métier d’enseignante pas assez payant, se déplace au cœur du grand Montréal, s’immisce dans le monde des affaires. Je ne vois pas un autre roman de l’époque qui a défendu de telles valeurs. (Malheureusement, l’autrice perd son roman en cours de route : c’est son mari qui lui apporte cette richesse.) Plus encore, la vie à l’américaine, celle des millionnaires, lui apparaît comme le nec plus ultra de la réussite. On est loin de l’idéologie de conservation, de la dénonciation du matérialisme, de  l’anti-américanisme qu’on lit dans les romans de cette époque. Bien entendu, cela n’en fait pas un grand roman pour autant. 

 

Pour tout savoir sur Virginie Dussault

Lire le roman en ligne (je n’ai jamais vu ce roman sur le marché des livres anciens)




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