8 juin 2021

Vers les heures passées

Louis-Joseph Doucet, Vers les heures passées, Québec, Chez l’auteur, 1918, 64 p.

Le recueil est dédié à Edmond Le Moine, « parce qu’il est artiste aimant la littérature canadienne et que les artistes résument la pensée du sol qu’ils habitent dans l’inspiration universelle ».

Doucet fait toujours du Doucet : un poème à saveur historique sur Louis Hébert est suivi d’un poème personnel, puis d’un poème sur Marie Rollet, l’épouse du premier. Voilà qui en dit long sur l’absence d’agencement des poèmes. En fait, le poème sur Louis Hébert est une apologie de la France : « Qui n’aime pas la France est un dégénéré. » Le poème personnel évoque l’espoir d’un monde meilleur, et les « Stances à Marie Rollet » racontent les sacrifices d’une femme pour sa nouvelle patrie.

On a si souvent l’impression, en lisant Doucet, qu’il est sur son lit de mort : sa poésie emprunte souvent la voie du bilan de vie. Sa vision du monde, on l’a déjà dit, est toujours aussi pessimiste. Quand il regarde derrière lui, il ne voit qu’ennui : « Les heures du passé nous les revivrons toutes, / Sous les mêmes rayons, et dans le même ennui. » Son plus grand plaisir en ce bas-monde fut son amour pour la France : « « Avant de te quitter pour le pays des anges /…/ Si rien ne me revient, malgré mon espérance, / Qu’importe, de ce rien je me consolerai. / Mon mot de passe reste ; adieu : « Vive la France ». Le cimetière n’est jamais bien loin : « Le jour éclaire notre vie, / La nuit prépare notre mort. » Cette vision du monde s’accommode mal avec sa foi. Aussi trouve-t-on, en retrait, quelques vers qui tempèrent son pessimisme : « Toute désespérance / Accompagne un rayon; / Dieu mit une semence / Au fond de tout sillon… »

En 1918, la Première Guerre mondiale se termine. Doucet y fait écho dans 4 ou 5 poèmes, dont celui-ci:

BELLES CLOCHES DE LA VICTOIRE

(Ballade II)

I

Le soir du onze de novembre
De cet an mil neuf cent dix-huit,
L’instant dit, on pût vous entendre,
Sous l’astre riant à demi,
Et sur les eaux au ton de moire,
Vous montâtes en flots pressés,
Solennelles dans l’air glacé,
Belles cloches de la victoire !

II

Puis la clameur et l’appel tendre
Ont fait tressaillir cette nuit
Où l’âme voulait se répandre
Parmi les échos de ces bruits
Dont le fait dépasse l’histoire.
Devant la porte du passé,
C’est vous qui l’avez annoncé,
Belles cloches de la victoire !

III
Mais à la nouvelle charmante
Plus qu’on ne peut le concevoir,
Que l’Allemagne chancelante
Plumait enfin son aigle noir,
Partout ce fut le jour de gloire.
Nous en pleurions, et nous chantions
Nos voix montaient à l’unisson.
Belles cloches de la victoire !

IV

Nous graverons dans nos mémoires,
Jusqu’à ce que nous trépassions,
L’amour de France, et vos chansons,
Belles cloches de la victoire !

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