18 juin 2021

Les voies de l’amour

Détertoc (René de Cotret), Les voies de l’amour, Montréal, s.n., 1931, 311 pages.

Le docteur Michel Toinon a invité des confrères chez lui. Ils se remémorent d’anciens souvenirs du temps où ils étaient étudiants. Puis, l’hôte de la maison leur raconte sa vie amoureuse. Le roman débute pour ainsi dire au chapitre 4, page 71.

Michel est fils de notaire et Andrée, fille de marchand. Leurs deux familles sont voisines, amies et riches. Tout jeunes, ils jouent ensemble et, un jour, ils se découvrent amoureux et se promettent un amour éternel lors d’une visite d’église. Ils sont séparés quand Michel suit ses études de médecine à Montréal. Au début, ils s’écrivent toutes les semaines, puis les lettres se font plus rares, sans que l’un et l’autre sachent trop pourquoi.  

Michel a un ami : Jean Roy. Or ce dernier aime secrètement Andrée. Il fait tout en son pouvoir pour briser le lien entre Andrée et Michel, poussant une fille dans les bras de son ami, interceptant et trafiquant leurs lettres. Michel, naïf, n’y voit que du feu. Son amour pour Andrée s’éteint à mesure qu’augmente son amour pour Lucille – et même pour sa sœur.

Jean, croyant enfin la voie libre, fait sa cour à Andrée, sans succès. Les études finies, Michel s’installe dans un petit village, rompt avec Lucille et sa sœur, et tombe amoureux d’une infirmière. Andrée, dépressive, est à l’article de la mort. La mère exhorte son fils à lui rendre visite. Aussitôt qu’il la revoit, son ancien amour resurgit.  Il abandonne l’infirmière et revient s’installer dans son village. Jean Roy, repentant, lui révèle son subterfuge. Ils se marient, ont un enfant et Andrée meurt quelques heures après l’accouchement.

L’action est presque nulle malgré les 300 pages. Le récit est surtout composé de descriptions et d’analyses : portrait physique et psychologique de tous les personnages jouant un rôle, descriptions poétiques de la nature, réflexions sur l’amour et le temps qui passe, analyse des comportements, de l’évolution des sentiments, des tergiversations du personnage principal.

Comme c’était le cas dans L’amour ne meurt pas, les personnages sont d’une sentimentalité exacerbée. On se croirait au XIXe siècle chez Musset.

Le roman présente des défauts dans la composition (parfois thématique) ce qui entraîne des retours en arrière et des répétitions. Il est très bien écrit, entre autres les descriptions de la nature.

C’est un roman sentimental et il faut le prendre pour ce qu’il est : les personnages sont beaux et naifs, le subterfuge de Jean n’est guère vraisemblable.  Enfin, je ne crois pas que le roman passerait le test d’une lecture féministe.

Extrait

Et Michel Toinon commença le récit de sa vie. « Vers l’an 1872, à quelques lieues de Montréal, sur les limites d’un grand village de la rive nord du beau St-Laurent, deux riches propriétaires possédaient des résidences magnifiques. Un large ruisseau séparait leurs immenses terrains. Les deux propriétaires, relativement jeunes, et leurs familles étaient des amis intimes. L’un d’eux, Gabriel Toinon, notaire, dont le père avait accumulé une fortune rondelette dans le commerce du bois, avait déjà parcouru presque tous les pays et vogué sur toutes les mers. Il avait apporté de ses nombreux voyages des idées de grandeur et de faste, des idées peut-être aussi disparates que les différents pays où le hasard l’avait conduit. L’autre, Maxime Morin, marchand général, s’était amassé un gros magot. Malgré leur amitié réciproque, les deux voisins cherchaient toujours à s’éclipser l’un l’autre, et leur rivalité consistait à faire plus beau, plus grand et plus fastueux. » […]

Gabriel Toinon n’avait qu’un enfant, un fils qui reçut au baptême le nom de Michel. Cet enfant, c’était moi. De même Maxime Morin n’avait qu’une enfant une fille .... Malgré mon jeune âge, je n’avais alors que huit ans, je me pris d’amitié pour l’enfant de notre voisin plus jeune que moi de quatre ans. Cette enfant me semblait très jolie. Elle avait de beaux cheveux blonds qui lui tombaient en grosses torsades sur ses petites épaules rondes. Elle avait de grands yeux d’un bleu velouté très brillant, un nez mignon, une petite bouche toujours souriante. Elle était toujours gentille. Sa voix avait déjà un timbre argenté. Sa démarche vive lui donnait un petit air de papillon qui voltige. » (p. 71-75)

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