7 octobre 2010

Trois femmes

Alphonse Loiselle, Trois femmes, Montréal, Fernand Pilon, 1933, coll. « Le livre d’aujourd’hui », 184 pages. (Préface de Jean Béraud)

Une jeune maîtresse d’école esseulée, Micheline Vaubert, rêve du grand amour. Son nouveau poste, près du lac des Ombres (au nord de Montréal), l’amène à rencontrer deux hommes. Le premier, Maurice Vadeboncoeur, est un jeune terrien sérieux; l’autre, Pierre D’Aragon, est un étudiant en médecine, victime d’un léger accident d’auto dans son village. Son cœur bat pour le citadin qui l’a courtisée, puis est reparti. Dans le but de le rejoindre, elle abandonne son poste et Maurice, et décide de devenir infirmière. Elle revoit Pierre, ils se fréquentent, mais bientôt elle apprend qu’il est fiancé et qu’il va se marier à une riche héritière. Il semble qu’à cette époque la médecine payait bien peu son homme. Deux années passent. Micheline est retournée dans son village et a repris ses amours avec Maurice. Pendant ce temps, le couple de Pierre D’Aragon bat de l’aile. Et de façon subite, sa femme décède, laissant un orphelin.

Pierre D’Aragon renoue avec la jeune maîtresse d’école, mais décide d’aller se spécialiser à New York. Il lui confie son fils avec la promesse de revenir dans un an et de l’épouser. Mais il rencontre une Irlandaise et ne peut résister. Il revient à Montréal avec elle en attendant de l’épouser. Il retrouve son fils. Micheline, abandonnée une deuxième fois, retourne dans son village. Quelque temps passe. Dans une scène finale dramatique et invraisemblable, le docteur D’Aragon, à la chasse au lac de l’Ombre, tue par accident son ancien rival. Par la force des choses, il renoue encore une fois avec Micheline. Il lui avoue que son fils est atteint de paralysie infantile. Quand sa belle Irlandaise l’abandonne, il revient encore vers Micheline et, cette fois, c’est la bonne, il l’épouse.

Le résumé doit parler de lui-même. Va encore pour le mélo, mais Trois femmes ne respecte pas l’intelligence du lecteur. La scène de chasse à la fin, dans laquelle le docteur tue Maurice, dépasse toutes les limites de l’acceptable. En outre, l’auteur n’a aucune notion de psychologie. Après une première rencontre, les personnages se font des déclarations amoureuses dans des dialogues amoureux risibles (voir l’extrait). S’il fallait trouver un certain mérite à ce roman, on pourrait retenir un certain effort de rendre la description poétique.

Deux extraits de la préface de Béraud :
« M. Alphonse Loiselle est journaliste. Je ne le dis pas pour l'excuser de ne pas oublier qu'il fut reporter avant de devenir romancier. La plupart des bons romanciers ont commencé ainsi. Je ne le dis pas davantage pour tenter de justifier la précipitation avec laquelle certaines pages semblent écrites. »

« La partie descriptive du roman n'est pas la moins intéressante, même si elle fait parfois hors-d’œuvre, n'influençant pas autant qu'on l'eut souhaité la vie intérieure des personnages. »

Extrait
II y avait fête ce soir-là chez les Vadboncoeur. L'ainée des filles avait épousé, la semaine précédente, Jean Gervais, marchand du village. Aussi les nouveaux mariés, de retour de leur voyage de noces, étaient l'objet d'une réception extraordinaire. Micheline était au nombre des invités. Maurice Vadboncoeur avait profité de la circonstance, pour demander à la petite maîtresse d'école de l'accompagner. Celle-ci en fut tout heureuse. Elle aimait le plaisir, la vie en société, la conversation, la danse, les jeux. Elle s'amusait des réparties de celui-ci et des galanteries de celui-là.
— Ils semblent heureux, les nouveaux mariés, remarqua Maurice.
— En effet, répondit Micheline, nous pouvons facilement imaginer que leur vie s'écoulera dans l'entente parfaite et l'union de leurs cœurs, de leurs volontés et de leurs intelligences.
— Voilà qu'elle dit de belles phrases, souligna un loustic.
— Je suppose que vous enviez leur sort, souffla Maurice à Micheline.
— Quand l'amour est bien compris, le mariage doit être agréable, répondit Micheline.
Cette remarque se perdit dans le brouhaha général. Au salon, les jeunes gens dansaient au son de la radio. C'était le moment des déclarations amoureuses, des petites rivalités, des conquêtes pacifiques. Les "beaux" et les "belles" s'acquittaient de leur tâche à qui mieux mieux. Micheline au bras de Maurice, participait à la danse, tout en riant de toute sa petite physionomie épanouie. Un de ses mille rêves s'accomplissait-il, à l'instant ?
— Vous savez, Micheline, l'intérêt que je vous porte? dit Maurice.
— Je suppose, mon ami, que c'est réciproque.
— C'est-à-dire que j'espère en l'avenir et que j'y songe de plus en plus.
— Vous avez raison de préparer cet avenir.
— Micheline, ajouta Maurice, une seule jeune fille m'intéresse ici.
— Et c'est...?
— Voyons, pourquoi exiger encore ce soir une déclaration?
— Parce que j'aime les déclarations, j'aime à vous entendre me répéter à l'oreille ce que vous pensez de l'institutrice.
— Et moi, Micheline, j'aime vous dire que j'ai confiance en vous, que j'espère conquérir tôt ou tard celle que je désire.
— Alors, est-ce une demande en mariage, demanda Micheline, avec un grand éclat de rire?
— Pas encore,... Plus tard,... peut-être.
— Maurice, je vous estime, parce que vous êtes bon, honnête, loyal et travailleur.
— Je fais plus que vous estimer,... je vous aime Micheline, finit Maurice, en appuyant fortement sur cette dernière phrase.
La jeune fille regarda son compagnon de danse d'un air surpris. (Pages 35-36)

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