Luc Perrier, Des jours et des jours, Montréal, L’Hexagone, 1954, 30 p. (Coll. Les Matinaux)
Des jours et des jours inaugure la collection « Les Matinaux » à l’Hexagone. Déjà le titre nous donne une bonne indication de ce qui sera traité dans les 14 poèmes du recueil. Perrier n’aborde pas de thématique précise, il y a même quelque chose de très indéfini dans le contenu comme en témoignent d’autres titres : « Beau temps mauvais temps », « Trois oiseaux », « Toi n’importe qui », « L’ordre du jour », « La force des événements ». On dirait le carnet le plus plat qui soit de la vie quotidienne. Ce recueil, tout simple, est assez loin de la thématique de l’Hexagone.
De quoi parle Perrier ? Des tensions dont est tissée la vie de tous les jours, des hauts et des bas, des avancées et des replis, de l’attente et de la rencontre, de réussites et d’échecs, de la vie et de la mort. « Des jours et des jours / sur les doigts de la main / sur nos signes de croix / sur nos signes d'adieu et de retour / sur les ailes de l'oiseau / sur nos cerceaux sur nos trottoirs / des jours sans pareil / des jours sans lendemain / des jours qui s'érigent / au seuil de nos joies / et qui s'achèvent sans nous »
Face aux vicissitudes de la vie, le poète adopte l'attitude courageuse de l'existentialiste : « Même si nos solitudes / n'ont pas eu / la place d'un rire / même si la vie / n'a pas encore été / la prière d'hier soir / […] / ce n'est pas une raison / de rebrousser chemin / sur son cheval d'épouvanté / et même si nous perdons jour / en face d'un mur / à pétrir un pain de malchance / il n'est pas question / de laisser tomber nos armes ».
Ce recueil, selon moi, appartient encore aux années cinquante. On y retrouve une certaine conception de la vie typique de la grande noirceur. C’est toujours le même va-et-vient, une conception plutôt fermée de la vie, celle d’une boucle, celle de l'absurde : « Coincé dans l'éternité de moi-même / je m'attends / à plus que ce qui arrive / toutes les heures / toutes les rues / tous les hommes / je creuse le temps / jusqu'à la moelle des os » On a l’impression que la vie s’échappe sans qu’on ne puisse la retenir, que toute intervention, même courageuse, est un peu inutile.
Perrier utilise à profusion l’anaphore et toutes les figures de répétition. Sa poésie tient souvent du chant. (Lire l’hommage de Jean Royer lors de son décès)
LA FORCE DES ÉVÈNEMENTS
Ce qui arrivera de plusau macadam de nos pasaux saisons de nos visagesau bout de ton corpsque la nuit dérouledans les parcs
ce qui n'occupe aucune placedans l'espaceet qui ne tient pasdans le creux de la maince que nous posséderonsde nous-mêmesce que nous aurons de moinsà nos épaules
ce qui arrivera de plusau lendemain de tout
une étoile qui dansesur l'eau striée de nos étangsl'étoile la source enchaînée
aux barrages de nos bras
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