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13 avril 2009

Dans la brise du terroir


Alphonse Désilets, Dans la brise du terroir, Québec, Chez l’auteur, 1922, 149 pages.


Tout comme Georges Bouchard, Alphonse Désilets était agronome. Les deux furent même les fondateurs du Cercle des fermières en 1915. Désilets a publié, sous le pseudonyme de Jacquelin, Les Heures poétiques; puis, sous son nom : Mon Pays, mes Amours (1913), Au pays des érables (1925), Pour la terre et le foyer (1926).

C’est un poète du terroir. Voici les cinq parties de son recueil :

I- SUR LA ROUTE ENCHANTEE
Petits poèmes d’amour d’inspiration moyenâgeuse. C’est très simple, très lyrique, très chantant. Cantilènes, pastorales, villanelles, ritournelles se succèdent. Dans le premier poème du recueil, il évoque « ces temps heureux » où « jongleurs, ménestrels et harpistes / Vendaient leurs couplets gais ou tristes / Pour un sourire et des gâteaux ». La « route enchantée », c’est celle des amoureux, séparés momentanément, qui rêvent d’unir leur destinée : « Et chaque matin, ma chérie, / Chaque matin qu’il fera beau, / Nous partirons dans la prairie, / Les pieds dans nos petits sabots!... »

II- À LA GLOIRE DU SOL
Dans des poèmes typiques du terroir, Désilets se fait le chantre de la nature rurale, mais plus encore de la vie à la campagne, du travail aux champs. Dans un long poème, « La genèse du pain », il en décrit toutes les étapes de fabrication , en plus d'en faire le symbole de la fierté canadienne-française. « Le pain des anciens jours, le pain bis, le pain noir, / Était plus savoureux à l’antique misère / Et portait les vertus fécondes de la terre / Dans le sang de la race attachée au terroir. » Les femmes ou plutôt les fermières ne sont pas en reste. « Elle a l’allure agile et fière / Sous les sourires du matin » L’exaltation du passé et du sentiment religieux font aussi partie de l’équation. « O semeur de blé pur, vers le firmament bleu / Élève ton front noble et ton âme superbe! / Et, dans l’or rutilant de la première gerbe, / Offre au ciel ton cantique en remerciant Dieu. » Les deux derniers poèmes sont dédiés au couple Marie Rollet-Louis Hébert, la mère et le père de la nation.

III- LE BONHEUR CHEZ SOI
Rien de mieux que les bonheurs domestiques! Les joies que procurent les jeunes enfants, la complicité du couple, le souvenir des vieux parents et de « l’aïeule vénérée » (la France), voilà quelques-uns des bonheurs de la vie de famille. « Ma petite fille a les yeux / Des violettes printanières » Dans « Vouloir », il nous offre même la recette des couples heureux : « Vouloir, avec amour, d’une volonté tendre / Qui pardonne un oubli septante fois sept fois; / Vouloir, malgré l’orgueil qui nous blesse parfois, / Taire un mot qui bondit, le rayer, puis attendre... »

IV- SOUS-BOIS ET MARINES
Désilets dépeint quelques coins de la Gaspésie, probablement captés lors d’un voyage. Les « payses » gaspésiennes semblent l’avoir impressionné : « De Mont-Louis à la Nouvelle, / Elles ont toutes les yeux doux / Les payses de par chez vous!... » Ou encore : « J’ai rempli tout mon cœur de ta grave beauté, / O payse de marins à robustes poitrines ». Il évoque aussi la vie des pêcheurs, les dangers de la mer : « La mer est méchante au large ». La partie consacrée au « sous-bois » est plus mince. L’automne et les feuilles mortes sont des motifs récurrents : « Les feuilles mortes sont les rêves / Qu’ont faits les arbres autrefois » [...] « Car, les feuilles n’ont plus d’espoir; / L’été menteur s’est moqué d’elles. / Elles gisent dans l’humus noir; / Les feuilles mortes n’ont plus d’ailes. »

V- ÉLEVATIONS ET RECUEILLEMENTS
« Nous sommes nés d’un siècle où le repos n’attend / Que le lutteur dont l’âme aux durs combats s’anime. » Sont mises de l’avant toutes les actions qui invitent au dépassement : et cela va de l’orgueil humain qui a inventé l’avion, en passant par les « retraitants » qui s’enrichissent de « force neuve », jusqu’à la lecture Nelligan dont « les grands rêves de l’amour / Ne s’éteignent pas sans retour, / Puisque leur source est éternelle. » Les recueillements ont trait aux peines de la vie, grandes et petites : la mort d’une amie, la peine des enfants, l’absence de l’amoureuse, les plus chers souvenirs du passé, comme ceux liés à la fête de Noël.

Le dernier poème « Jasante-ballade » est un rappel du début du recueil : « Nous sommes les doux ciseleurs / De guirlandes et d’étincelles / Qui parsemons chansons et fleurs / Sur les sentes universelles. / Nous berçons toutes les douleurs, / Nous égayons toutes les fêtes; / Car nous sommes vos bateleurs, / O Notre-Dame des Poètes! »

Renouveau
A présent qu'il fait beau dehors et qu'il fait bon,
Laisse entrer le printemps joyeux à pleine porte ;
Écarte le volet et les rideaux, de sorte
Que la lumière ardente éclaire la maison.

Le soleil rajeunit les âmes et les choses :
Les matins sont plus clairs et les soirs moins brumeux
Le laboureur espère et le terroir s'émeut
Et l'amour refleurit avec les lauriers-roses.

Si les pleurs ont tendu leurs voiles sur tes yeux,
Si la Nuit, de son aile, effleura ton front pâle,
Comme un rayon jailli d'une aurore pascale
Laisse renaître en toi l'espoir délicieux.

Laisse chanter ton âme et savoure à l'envie
Les présents que t'apporte le printemps vermeil :
Voici l'herbe, les fleurs, les oiseaux, le soleil
Qui chantent l'immortel cantique de la Vie!
(Page 69)

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