27 juillet 2008

Le Roman d'un roman

Damase Potvin, Le Roman d’un roman, Québec, Éditions du Quartier latin, 1950, 191 pages. (8 photos pleine page)

Tout comme Louvigny de Montigny, Damase Potvin a joué un rôle important dans la reconnaissance de Maria Chapdelaine au Québec. En 1918, il a prononcé une conférence à l’Hôtel-de-ville de Québec, conférence qui a eu beaucoup d’impact sur les gens de Péribonka. En effet, suite à une enquête purement épistolaire, il a osé identifier les personnes qui auraient servi de modèle à Hémon pour créer ses personnages. Dans au moins deux cas, cette identification a bouleversé l’existence des personnes identifiées. Ce fut le cas d’Éva Bouchard, une jeune fille instruite par les Ursulines, qui devint contre son gré la « Maria Chapdelaine » de Péribonka. Il faudra quelques années avant qu’elle assume ce rôle. On pourrait en dire autant de Samuel et Laura Bédard, ceux qui accueillirent Hémon sur leur terre, lors de son séjour à Péribonka, et qui auraient servi de modèle pour créer Samuel et Laura Chapdelaine. Coïncidence étonnante, en 1947, Damase Potvin devint le beau-frère de Samuel Bédard.

Dans Le Roman d’un roman, Potvin veut justifier aux yeux de la postérité le rôle qu’il a joué dans l’aventure Hémon. Par exemple, il admet que le fait d’avoir identifié les « modèles » de Hémon ne fut pas très heureux.

On trouve un peu de tout dans son essai. Et pourtant, aujourd’hui, ce livre a peu à nous apprendre. Potvin raconte la vie de Hémon (le peu qu’il en sait, même s’il a eu des contacts épistoliers avec la sœur et la fille de Hémon), sa jeunesse, son aventure londonienne, sa venue au Québec, son périple au Lac-Saint-Jean, son décès accidentel à Chapleau dans le nord de l’Ontario. Sur ce dernier point, il attribue la mort de l’auteur, happé par un train, à la surdité, thèse souvent reprise mais réfutée aujourd’hui. En appendice, il présente trois textes, inédits à l’époque, dont la célèbre nouvelle, « Jérome », celle qui a lancé la carrière de l’auteur.

Il est aussi à l’origine de la stèle érigée à Péribonca en 1919, donc avant que le roman connaisse un succès international, ce qui est digne de mention. Les Péribonkois ne virent pas d’un bon œil ce monument en l'honneur d’un auteur qui, selon eux, les avait humiliés et ils le manifestèrent, comme en témoigne cet extrait.

Extrait
Le 21 octobre 1919, un groupe de quinze personnes partait de Québec en route pour Péribonka. Dans ce groupe, on remarquait feu l'hon. J.-Ed. Perrault, ministre de la Colonisation, M. Henri Ponsot, consul général de France, à Montréal, l'hon. Cyr.-F. Delâge, surintendant de l'Instruction Publique. Les autres étaient des membres de la Société des Arts, Sciences et Lettres de Québec. Cette excursion avait pour objet d'aller inaugurer, dans le village de Péribonka, le petit monument que cette Société de Québec avait entrepris d'édifier à la mémoire de l'auteur de "Maria Chapdelaine". Cette stèle avait coûté $800.00. Nous arrivâmes à Péribonka au nombre de soixante personnes recueillies en cours de route et spécialement à Roberval. Il y a eu là une fort jolie fête: discours par L’hon. M. Perrault, par M. Ponsot, par l'hon. Cyr.-F. Delâge, par M. J.-Emlie Moreau, alors député du Lac Saint-Jean, par M. l'abbé J.-Bergeron, missionnaire de colonisation, par M. G.-E. Marquis etc., etc. Nous logeâmes, en cette circonstance, chez M. Samuel Bédard, qui tenait alors, depuis quelques années, une maison de pension attenante au magasin général de son beau-père. C'était le début de la "réparation".
Peu après que se passa-t-il à Péribonka?
Le monument Hémon était à deux pas de la porte de la maison de pension de Samuel Bédard. Un matin, huit jours après la fête de l'inauguration, on trouva la colonne de la stèle en bas de la coulée de la rivière. On l'avait précipitée là malicieusement. Elle passa deux ou trois jours au fond de la coulée. J'en fus informé par le message d'un voyageur de commerce de mes amis, et je télégraphiai à ce sujet à M. J.-E. Moreau, qui demeurait à Péribonka. Il fit replacer la colonne sur son socle. Trois jours après, nouvelle dégringolade au fond de la coulée. On la releva encore. Huit jours après, un matin encore, M. Moreau, passant par là, trouva la stèle totalement badigeonnée de boue et d'excrément. Il paya deux gamins $1.00 pour laver la pierre de ses souillures. Puis, ce furent dans la suite maintes autres petites avanies et insultes commises, comme celles que je viens de relater.
Il y a eu encore de notre part d'autres petites manifestations de "réparation" à l'égard de la mémoire de Louis Hémon.
Louis Hémon méritait d'être connu au Canada. Aussi, nous sommes-nous mis en communication avec Mlle Marie Hémon, sœur de notre auteur, à Quimper, pour avoir des moyens de le mieux faire connaître. J'ai pu obtenir, moi-même, pendant les quelques années que j'ai été en correspondance avec elle, une foule de détails sur son enfance, sa jeunesse, son œuvre, ses voyages. J'ai publié tout cela dans le "Terroir" de même que sept ou huit articles inédits de son frère qu'elle m'avait envoyés et qui ont été connus bien avant ceux que Grasset a publiés. (p. 136-138)

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