Louvigny de Montigny, La Revanche de Maria Chapdelaine, Montréal, éditions de L’Action canadienne-française, 1937, 211 pages.
Personne n’en a fait autant pour le roman de Louis Hémon. Rappelons que De Montigny est à l’origine de la première publication en livre aux éditions Lefebvre en 1916. Ayant lu le roman lors d’un passage à Paris et ayant obtenu la permission du père de Hémon, il fit des pieds et des mains pour lui trouver un éditeur québécois.
Cette célèbre étude de Louvigny de Montigny, co-fondateur de l’École littéraire de Montréal, se veut une « initiation à un chef-d’œuvre inspiré du pays de Québec ». Après avoir retracé l’itinéraire de Hémon au Canada, Montigny répond à toutes les critiques que le roman a soulevées, au Québec, depuis sa parution. Il est difficile de réaliser, avec nos yeux du XXIe siècle, que ce roman ait pu susciter autant de controverses, à tel point qu’on doive encore le défendre en 1937, malgré un succès commercial sans précédent. C’est ce que fait l’auteur dans La Revanche de Maria Chapdelaine. Qu’avait-on à tant reprocher à ce roman, très conventionnel tout compte fait ? Au départ, plusieurs intellectuels n’acceptèrent pas facilement qu’un petit Français à peine débarqué leur donne une telle leçon d’écriture. Le roman de Hémon éclipsait tout ce qui avait été publié au Canada. Qu’avions-nous avant Maria Chapdelaine? Disons-le, quelques écrivains honnêtes, mais rien qui ne se démarquât, sauf Nelligan, interné. Et si on s’en tient au terroir, pouvait-on sérieusement, comme certains l’ont fait, lui opposer le piètre Jean Rivard?
Autre question qui alimenta le débat, question débattue par les nationalistes qui avaient tendance à dire que Hémon s’était gouré : peut-on dire que Hémon a vraiment saisi l’« âme canadienne »? « La petite héroïne de Péribonka fournissait une mouture de choix à la xénophobie nationaliste, qui refusait d’admettre qu’un étranger fût capable de peindre un tableau aussi véridique de notre pays et de nos gens. » (p. 192) On aurait voulu que l’auteur donnât une image plus moderne du Canadien français. Comment un colon à la limite du monde habité pourrait-il représenter le Canadien français? Et on craignait que le roman de Hémon pût fausser l’image que l’on se faisait de nous à l’étranger. Pourquoi n’avait-il pas choisi un riche agriculteur bien installé dans la plaine du Saint-Laurent, s’il voulait absolument montrer des paysans canadiens? N’avait-il pas essayé de nous humilier en présentant la langue canadienne-française comme un patois? Comment se fait-il que le curé et le médecin parlent comme des charretiers? Et tous de déclarer que Hémon n’avait pas bien saisi le type canadien-français : « C’est à cause de ce fatalisme que Louis Hémon a injustement prêté à nos défricheurs, à cause de la teinte sombre qu’il a donné à son récit de son existence, à cause de la gaité qu’il leur a enlevée, que la jeunesse nationalisante a crié haro sur Maria Chapdelaine » (p. 103) Bref, certains en vinrent à dire que Hémon avait écrit son roman en vue de décourager l’émigration au Québec. Bien entendu, Louvigny de Montigny démolit une à une ces réserves et je ne reprendrai pas ses arguments, tant toutes ces critiques nous apparaissent futiles.
Louvigny de Montigny soulève d’autres questions, moins sous le mode polémique. Contrairement à Gouin et Potvin, qui en avaient répandu la thèse, il n’adhère pas à l’idée que les personnages de Hémon ne sont que des répliques de personnages réels; il ne croit pas non plus qu’un film puisse rendre vraiment justice au roman bien qu’il admette que le film de Julien Duvivier (Madeleine Renaud – Jean Gabin, 1934) est acceptable, malgré quelques grossières erreurs (la scène des bleuets dans un champ de marguerites!).
Enfin, de Montigny essaie d’expliquer ce qui fait la « supériorité » de ce roman : d’abord, il croit que c’est l’œuvre d’un auteur qui avait du métier, un auteur qui ne se pliait pas aux canons de telle ou telle chapelle littéraire et, surtout, un auteur qui est allé sur le terrain, qui s’est mêlé aux gens, qui s'est fondu au paysage.
Le livre est intéressant parce qu’il nous permet de saisir un peu ce que des littéraires ont appelé le « mythe Maria Chapdelaine ». On voit bien aussi, même si le ton est polémique, que le roman a réussi à s’imposer au Québec à cause de son succès phénoménal à l’étranger. C’est cela, la revanche de « Maria Chapdelaine ».
Personne n’en a fait autant pour le roman de Louis Hémon. Rappelons que De Montigny est à l’origine de la première publication en livre aux éditions Lefebvre en 1916. Ayant lu le roman lors d’un passage à Paris et ayant obtenu la permission du père de Hémon, il fit des pieds et des mains pour lui trouver un éditeur québécois.
Cette célèbre étude de Louvigny de Montigny, co-fondateur de l’École littéraire de Montréal, se veut une « initiation à un chef-d’œuvre inspiré du pays de Québec ». Après avoir retracé l’itinéraire de Hémon au Canada, Montigny répond à toutes les critiques que le roman a soulevées, au Québec, depuis sa parution. Il est difficile de réaliser, avec nos yeux du XXIe siècle, que ce roman ait pu susciter autant de controverses, à tel point qu’on doive encore le défendre en 1937, malgré un succès commercial sans précédent. C’est ce que fait l’auteur dans La Revanche de Maria Chapdelaine. Qu’avait-on à tant reprocher à ce roman, très conventionnel tout compte fait ? Au départ, plusieurs intellectuels n’acceptèrent pas facilement qu’un petit Français à peine débarqué leur donne une telle leçon d’écriture. Le roman de Hémon éclipsait tout ce qui avait été publié au Canada. Qu’avions-nous avant Maria Chapdelaine? Disons-le, quelques écrivains honnêtes, mais rien qui ne se démarquât, sauf Nelligan, interné. Et si on s’en tient au terroir, pouvait-on sérieusement, comme certains l’ont fait, lui opposer le piètre Jean Rivard?
Autre question qui alimenta le débat, question débattue par les nationalistes qui avaient tendance à dire que Hémon s’était gouré : peut-on dire que Hémon a vraiment saisi l’« âme canadienne »? « La petite héroïne de Péribonka fournissait une mouture de choix à la xénophobie nationaliste, qui refusait d’admettre qu’un étranger fût capable de peindre un tableau aussi véridique de notre pays et de nos gens. » (p. 192) On aurait voulu que l’auteur donnât une image plus moderne du Canadien français. Comment un colon à la limite du monde habité pourrait-il représenter le Canadien français? Et on craignait que le roman de Hémon pût fausser l’image que l’on se faisait de nous à l’étranger. Pourquoi n’avait-il pas choisi un riche agriculteur bien installé dans la plaine du Saint-Laurent, s’il voulait absolument montrer des paysans canadiens? N’avait-il pas essayé de nous humilier en présentant la langue canadienne-française comme un patois? Comment se fait-il que le curé et le médecin parlent comme des charretiers? Et tous de déclarer que Hémon n’avait pas bien saisi le type canadien-français : « C’est à cause de ce fatalisme que Louis Hémon a injustement prêté à nos défricheurs, à cause de la teinte sombre qu’il a donné à son récit de son existence, à cause de la gaité qu’il leur a enlevée, que la jeunesse nationalisante a crié haro sur Maria Chapdelaine » (p. 103) Bref, certains en vinrent à dire que Hémon avait écrit son roman en vue de décourager l’émigration au Québec. Bien entendu, Louvigny de Montigny démolit une à une ces réserves et je ne reprendrai pas ses arguments, tant toutes ces critiques nous apparaissent futiles.
Louvigny de Montigny soulève d’autres questions, moins sous le mode polémique. Contrairement à Gouin et Potvin, qui en avaient répandu la thèse, il n’adhère pas à l’idée que les personnages de Hémon ne sont que des répliques de personnages réels; il ne croit pas non plus qu’un film puisse rendre vraiment justice au roman bien qu’il admette que le film de Julien Duvivier (Madeleine Renaud – Jean Gabin, 1934) est acceptable, malgré quelques grossières erreurs (la scène des bleuets dans un champ de marguerites!).
Enfin, de Montigny essaie d’expliquer ce qui fait la « supériorité » de ce roman : d’abord, il croit que c’est l’œuvre d’un auteur qui avait du métier, un auteur qui ne se pliait pas aux canons de telle ou telle chapelle littéraire et, surtout, un auteur qui est allé sur le terrain, qui s’est mêlé aux gens, qui s'est fondu au paysage.
Le livre est intéressant parce qu’il nous permet de saisir un peu ce que des littéraires ont appelé le « mythe Maria Chapdelaine ». On voit bien aussi, même si le ton est polémique, que le roman a réussi à s’imposer au Québec à cause de son succès phénoménal à l’étranger. C’est cela, la revanche de « Maria Chapdelaine ».
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