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29 juin 2018

La fille unique

Françoise Bujold, La fille unique, Montréal, Goglin, 1958, s. p. [34 p.] (avec trois bois originaux gravés par l’auteure)

Les éditions Goglin,  fondées par Françoise Bujold, vont lancer cinq titres entre 1958 et 1959 :  La Fille unique et L'Île endormie de Bujold, L'Eau, la montagne et le loup de Guy Arsenault, Broussailles givrées de Guy Robert et Sept eaux-fortes d'un collectif.

Un peu comme l’ont fait Les cahiers de la file indienne et Erta  les éditions Goglin s’inscrivent dans la tradition du livre d’artiste : papier de qualité, attention au graphisme, reproduction d’œuvres picturales. D’ailleurs, premier recueil des éditions Goglin, La fille unique en est la preuve. Pierre Guillaume en a réalisé l’édition. Le format est inhabituel (17,5 x 25 cm) et les trois gravures sur bois sont tirées en noir sur papier de riz.  

Du point de vue thématique, ce recueil s’inscrit dans la continuité de son recueil précédent Au catalogue des solitudes, publié deux ans plus tôt. L’essentiel porte sur les relations amoureuses difficiles.

« Ma main est sortie de bon matin / Pour saisir un cœur / Mais la marée s’est retirée ». (La fille unique) ; « Mais je suis partie / Avant que sonne le glas de notre amour déçu ». (L’amour de l’eau)

L’auteure va décortiquer cet échec amoureux : « Car mon rêve était fait de fleurs oranges / Porteuses de malheur ». (Prière au matin) « Et je te dis doucement / Que je crois en toi  / Et que notre malaise est né au même moment ». (À la prison de tes bras)

L’amour rêvé, idéalisé n’a pas tenu le pari du réel : « Je voyais dans cette union / Une grande tablée de mains croisées et de dos voûtés qui parlaient de vie ». (Aux trois visages de l’amour); « Je prends la vie dans ma goélette / Je prends le large / Et c’est la fête ». (J’ai pris le large)

La suite est affaire de deuil. Le tout commence par une remise en question culpabilisante : « Après le feu / Mon œil s’était lavé au paysage / Je n’avais plus d’âge / je vivais seulement ». (Après le feu) Ce vide ressenti prend des allures de dépression : « Mes murs ont la couleur d’une folie / Et je sens que je n’existe pas // La vie m’aperçoit / Et condamne mon sang » (La nuit blanche). Cette dépression trouve un temps un exutoire dans la colère : « La plupart du temps / Je hais les gens »; « Et vous voulez savoir tout / Je n’ai pas d’amant / Et je m’en fous » (Poème méchant). Au bout du compte, c’est la noyade : « Je me suis noyée à la sève d’un pissenlit / Je me suis étouffée au mouvement du vent / Ma rivière a quitté son lit » (Ils m’ont sortie dans la lumière).  Le dernier poème est en quelque sorte un appel. Le voici dans son intégralité :

Miroir de l’onde
Noie-moi doucement dans ma petite mer
Noie-moi purement dans ma pomme d’Adam
Noie-moi dans mes mains à l’envers
Ne reviens pas bredouille de cet univers qu’est mon corps
Noie-toi encore et encore
Pour m’épouser vraiment!

D’un point de vue stylistique, l’auteure utilise beaucoup l’anaphore, comme on le voit dans ce dernier poème et plusieurs autres. Et souvent les derniers vers reprennent ceux du début en leur donnant un autre sens. Les motifs de l’eau et des mains sont très présents.




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