Marie Ratté (1904-1961) a publié ce recueil de poésie et un roman, Les fils de Mammon. Compte tenu de son époque, on pourrait dire que cette femme a eu un parcours plus qu’intéressant. Née à Baie-des-Sables, elle a vécu l’essentiel de sa vie à New York et même une année à Paris pour étudier à la Sorbonne. Pour en savoir plus, consultez ce site.
Elle a 24 ans lorsqu’elle publie Au temps des violettes qu’elle dédie à ses parents. Ginevra (Georgiana Lefebvre), avec qui elle a collaboré au journal Le Soleil, signe une courte préface. Si on se fie au propos du poème liminaire, le recueil est davantage du côté de la lumière que de la noirceur. Il est divisé en « Violettes bleues » et en « Violettes blanches ».
Les violettes bleues
L’autrice, très jeune, découvre la poésie. Celle-ci sera pour elle un moyen d’appréhender et de dire le monde. « Comment pourrais-je te décrire / Archet puissant du coeur humain ? » On découvre rapidement une jeune femme, ardente et passionnée, qui attend beaucoup de la vie : « Et la tête est en feu, et le coeur est brûlant : / Qui donc empêchera le brasier du volcan ? / Qui donc empêchera la verdure au printemps. / Et l’oiseau de chanter, et la sève d’éclore, / Et l’astre d’éblouir, et la raison sonore / De clamer la folie aveugle des vingt ans! » Tout au plus, à l’occasion percent quelques nuages vite balayés : « On dit, mais je ne puis le croire / Qu'un jour vient où le coeur est las / D'espérer, et qu’en sa mémoire / Il n'est plus de parfums, hélas ! » Un sentiment qui émane de plusieurs poèmes, c’est le reconnaissance, pour ses parents, pour Ginevra, pour son alma mater, pour la vie qu’on lui a permis de vivre : « Mon Dieu, qu’il fait bon vivre en ma chère maison / C’est ici l’oasis, où s'abrite la joie; / La paix et la douceur m’entourent à foison ». On lit aussi quelques poèmes moins personnels, d’inspiration terroiriste (le noble métier de laboureur, la transmission du bien paternel) et patriotique (l’amour de la patrie, de son histoire).
Les violettes blanches
La deuxième partie du recueil, d’inspiration religieuse, est beaucoup moins lumineuse. « En vain chercherait-on le bonheur ici-bas. / La souffrance est le lot, c'est une loi divine ». Heureusement, il y a Marie pour porter son espérance vers Dieu : « Je t’aime ô Vierge, ô reine, ô mère / Toi que l’Ange très saint révère / Et t’abandonne ma misère. // Et mes œuvres, mon avenir, / Seule tu peux toujours venir / À mon secours et me bénir ». L’autrice, après ses études chez les Ursulines, a vécu deux ans dans une communauté religieuse.
DOUCES FEMMES
Honneur à vous, vaillantes femmes!
Vous les anges de la maison,
Qui la gardiez des flots infâmes
Et de l’ingrate trahison.
Vous savouriez les humbles tâches,
Et ne rêviez rien d'aussi beau
Que vos familiales attaches
Et les poèmes du berceau…
Vos doigts savaient tirer l’aiguille,
Auprès de l’âtre, bien souvent
Vous reprisiez pour la famille
Quand viennent la neige et le vent.
Le travail vous rendait joyeuses
Vous aimiez d'un amour charmant
La blanche laine floconneuse
Joie et trésor du vêtement.
Salut à vous, femmes pudiques.
Gloire à vos simples vêtements.
Ils avaient des grâces uniques
Et vous seyaient infiniment.
Oui, gloire à vous, femmes bénies!
Par vous s’ouvrent les horizons
Semence des joies infinies
Qui s'abritaient en vos maisons.