Jean Charbonneau, L’ombre dans le miroir, Montréal, Beauchemin, 1924, 255 pages.
Le recueil se développe en six parties qui représentent chacune une étape de vie : Jouvence, Le départ du prodigue, Les éblouissements, Les désenchantements, Le retour du prodigue, L’ombre dans le miroir.
Le recueil débute par des considérations plus générales (Jouvence). « Pénètre-toi du Rythme ardent de la Nature, / Et mets ton espérance en une aube future, / Crois en la vie et sois satisfait d'en souffrir.
Vient un temps où il faut rompre avec son milieu d’origine (Le départ du prodigue). La jeunesse est le lieu de toutes les promesses : « Jeunesse affranchie, ô Jeunesse amoureuse, / Qui resplendis de force et palpite d'orgueil, / Sur un chemin en fleur, tu t'avances, heureuse / Aujourd'hui, ta venue illumine mon seuil. »
Plutôt que le ciel, c’est la Nature qui lui procure Les éblouissements. Charbonneau développe une forme de panthéisme, assez rare à cette époque : « Tu n'as jamais changé : j'avais raison, Nature ! / Tu demeures le livre ouvert à tous les yeux. / Tu combles de tes dons l'humaine créature, / Et ta magnificence éclate en tous les lieux. »
La guerre est un des premiers motifs du désenchantement : « À regarder de près le siècle qui se lève, / Dont l'aube s'assombrit et s'empourpre de sang ; / À voir l'homme reprendre insolemment le glaive / Qu'il brandit sur un monde, hélas! agonisant ». L’avidité, le désir et la désillusion qui s’en suit sont autant de mirages alimentés par la Chimère : « Les hommes sont restés les infimes pantins / Dont l'Histoire remplit chacune de ses pages, / Et suivent à peu près d'identiques destins! »
Le retour du prodigue, c’est le retour à la nature « Nature, me voici. Sœur de la Vérité / […] / Seule, tu résistas à la perversité / […] / Je m’en reviens vers toi, maintenant convaincu / D’avoir, dans mon orgueil immense, en vain vécu / Et subi les tourments que je voulais connaître. » Mais la nature est, elle aussi, condamnée : « Tout ce tragique amas de débris monstrueux, / Tombant dans l'infini par bonds prodigieux, / Les océans, les monts et les forêts tordues, / Les nombreux univers lourdement dispersés, / Bientôt du souvenir se seront effacés, / Et l'Ombre envahira les mornes étendues ! »
La dernière partie du recueil nous offre le spectacle de la désolation. Si, pendant un temps, le refuge dans le passé et la nature, semble le consoler, au terme du voyage ne reste que le pénible sentiment d’un homme dont la vie ne fut que déconvenues (amours et ambitions) : « Plein du regret des temps enfuis, je m'en reviens, / Accablé sous le poids des souvenirs anciens, / Les yeux encor tournés vers la route suivie / Où j'aurai, par deux fois, vécu ma triste vie. » Il ne reste « qu’une ombre en un miroir ».
On comprend un peu pourquoi Charbonneau ne plaisait pas à l’abbé Camille Roy. Jamais l’auteur n’avance que les misères de la vie vont lui permettre de gagner son ciel. La résignation et la culpabilité ne sont pas son lot. Le temps va sans trop s’attarder aux humains, ceux-ci sont manipulés par des forces supérieures qu’ils n’ont pas la possibilité de contrer, autrement dit leur destin est écrit d’avance. Rares sont les « prédestinés », ceux à qui est conféré le bonheur, ne serait-ce que pour une période. Même si elle n’arrive pas à combler tous les vides, la nature et les souvenirs d’enfance semblent les seuls baumes qui adoucissent la misère humaine.
Charbonneau est difficile à lire : ses recueil sont trop longs, vraiment trop longs, plusieurs poèmes reprennent les mêmes idées et il fait beaucoup appel à la mythologie. Cela dit, c’est un auteur qui mérite le détour, ne serait-ce en raison de son intelligence.
Jean
Charbonneau sur Laurentiana
Les blessures
L’école littéraire de
Montréal
Les
prédestinés
L’ombre
dans le miroir
Aucun commentaire:
Publier un commentaire