Clara Lanctot, Visions encloses, Victoriaville, La voix des Bois-francs, 1930, 144 p. (Préface de Marie Lemaire-Duguay)
Clara Lanctot (1886-1958), qui a publié Visions d’aveugle en 1913, était effectivement devenue aveugle à 8 ans. Dans la préface, Lemaire-Duguay raconte son drame. Visions encloses est sa seconde et dernière œuvre. L’autrice y reprend une dizaine de poèmes de son premier recueil.
Nérée Beauchemin lui a offert le poème qui ouvre le recueil. La cécité en est le thème et il est simplement intitulé « À Clara Lanctot ».
Tournez
votre regard vers une jeune amie
Dont
les yeux sont fermés au reflet lumineux,
Mais
dont l’âme pourtant s’ouvre à la poésie,
Comme
une tendre fleur à la clarté des cieux.
C’est par la poésie que l’autrice appréhende le monde. Elle est en quelque sorte ses yeux : « Je puis voir sans ouvrir les yeux, / Par ton éclat, ô poésie! ». Les premiers poèmes, tout en douceur, racontent ses rêves d’amour. Ou plutôt parle de cet amour qui n’a fait que l’effleurer : « Quand vous irez sur la route fleurie, / … / Souvenez-vous de la petite amie / Tremblant un peu les doigts entre vos doigts. » Plus loin, on comprend que son rêve s’est réalisé.
Suivent six poèmes qui décrivent la frustration d’être aveugle : « Par les yeux, l’infini pénètre jusqu’à l’âme »; « La cécité m’étreint de son épais bandeau ». Son drame est survenu quelques jours avant Noël : « Et c’est Noël! … la nuit commence, / La sombre nuit des yeux fermés ». Son début de révolte trouve apaisement dans sa foi : « Vous le voulez, Seigneur, j’accepte sans murmure, / Et je vois que Vous dans mon obscurité. »
La partie suivante contient une quinzaine de poèmes qui célèbrent la nature. Celle-ci est douce, consolatrice, remplie de fleurs et d’oiseaux. Même l’hiver finit par trouver grâce à son cœur : « Du blanc et du blanc, clair, immaculé, / Au ciel, sur la terre et dans tout l’espace… / Les yeux sont ravis, le cœur consolé : / Au rigide hiver, qui ne ferait grâce! … » Comme on s’y attendait, Lanctot est très sensible aux sons, aux parfums, ce qui n’empêche pas qu’on lise des passages purement visuels : « Étalent [des fleurs] au soleil un calice entrouvert, / Ou cachent leurs couleurs sous un frais rameau vert. »
Le
recueil se termine par des poèmes plus personnels. Il y est beaucoup question
de sa recherche du bonheur (comme dans tout le recueil), de sa foi, mais aussi
de ses amitiés, d’enfants, de deuil.
Ô mes yeux, restez clos ! la splendide
nature,
Si belle qu’elle soit, pour vous est sans
beauté.
Vous le voulez, Seigneur, j’accepte sans
murmure,
Et je ne vois que Vous dans mon obscurité.
Mon esprit, restez clos ! les images
rêvées
Sont un profond mystère à mes regards
éteints…
Sur moi, que je comprenne, ô mon Dieu, vos
desseins,
Et que mes visions vers Vous soient
élevées.
Ô mon cœur, restez clos sur vos chères
amours!
Nul ne saura jamais vos élans de tendresse…
Que seul l’amour divin me consume et me
blesse.
J’atteindrai le bonheur au terme de mes
jours.
Bio de Clara Lanctot
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