Gaétane de Montreuil (Georgina Bélanger), Noël vécu, Montréal, Beauchemin, 1926, 121 pages.
Ce ne sont pas des contes de Noël, ce que le titre pourrait laisser
penser. L’auteure a tout simplement repris le titre du premier récit pour
coiffer son recueil.
On a droit : à une petite fille malicieuse qui suspend ses mauvais
coups, le temps de quelques jours, pour être sûre de recevoir ses cadeaux de
Noël (Noël vécu); au mariage inespéré d’une vieille fille avec un amoureux de
jeunesse devenu veuf (Nadine); au mariage d’une solide paysanne qui épouse un
veuf cruel pour venger son amie morte suite aux mauvais traitements que cet
homme lui a infligés (Une Maîtresse Femme); à la surprise d’un homme de
découvrir que le journal intime, qu’il savoure en catimini, a été écrit par son épouse pendant sa jeunesse (Le Passé et le
Présent); aux frasques de la
« Gerlot », une fille qui fait peur aux gars (Mademoiselle Théotis) ; à l’amour-haine entre deux amies (Douce
vengeance) ; à l’inimitié d’une nièce
pour sa tante qui déteste les enfants (Choses vécues) ; aux regrets d’une pauvre servante orpheline
qui a refusé d’épouser une homme beaucoup plus âgé qu’elle (Douce flamme sous la neige); à l’amusement
d’une jeune fille qui s’est trouvé un mari en écrivant des lettres d’amour au
prétendant d’une amie (Pour ses Lettres); etc.
Comme on le voit, ce sont surtout des jeunes filles qui sont au cœur de
toutes ces histoires, des histoires légères, sans prétention, qui se lisent facilement
et qui, parfois, ont fait sourire le vieux lecteur que je suis.
Extrait (Mademoiselle Théotis)
Vers neuf heures, nous étions à dire le chapelet près du poêle, Sophie
et moi, lorsque, tout à coup, la porte s’ouvre brusquement et... qu’est-ce que nous
voyons entrer?... Le diable en personne... Et qu’il n’était pas beau, je t’assure:
des cornes longues comme ça, une face charbonnée et une queue qui traînait
jusqu’à terre.
À cette vue, via ma sœur qui veut se trouver mal. Mais, moi, tu sais, ma
petite, j’ai toujours eu le nez fin: « Je suis une honnête fille que je pensai,
je fais pas de tort à personne; donc, le démon n’a rien à faire dans ma maison.
» « Aie pas peur que je dis à Sophie, ce diable-là ne vient pas de l’enfer; je
reconnais ça au pendant qui s’est accroché par derrière. »
Et c’était pas ben difficile, expliqua la Gerlot en s’attardant à
philosopher un brin: « Dans ce temps-là, c’était pas comme au jour
d’aujourd’hui, les « habitants » ne se ruinaient pas à acheter des belles
toilettes à leurs filles. Y avait donc dans la paroisse, rien qu’une demoiselle
qui portait un tour de cou en fourrure. C’était la sœur de ton grand- père. Et
j’avais ti pas reconnu l’article dans la queue de ce diable. Aussitôt, je me
mets à penser que puisque Satan n’était pas le propriétaire de la chose, il serait
bien contrarié de me la laisser en gage. Je m’élance sur le gars et d’un coup vigoureux,
je décroche sa fausse queue. « Viens la reprendre, si tu veux que je te torde
le cou comme à une poule, que je fais ». Mais il savait trop ben à qui il avait
affaire pour oser s’y frotter. D’ail leurs, j’avais pris un gourdin dans la cheminée
et allant vers la porte: « Sortez, Monsieur le diable, que je lui dis; votre
visite a été assez longue comme ça, et je vous invite à ne plus revenir sous cette
physionomie-là. » Il ne se le fit pas répéter, je t’assure.
« Quand il fera jour et que vous aurez le visage bien lavé, vous pourrez
venir réclamer votre queue ». (p. 49-51)
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