Moïsette Olier (Corrine Beauchemin), Étincelles, Le Nouvelliste,
Trois-Rivières, 1936, 221 pages. (Cinq linogravures pleine page d’Henri
Beaulac) Le roman est d’abord paru sous le titre Cendres dans le journal Le
Bien public. Étincelles en est
une version remaniée.
On est au XIXe siècle. Jules Thibaud, 14 ans, travaille aux Forges du
Saint-Maurice. Devenu le protégé des propriétaires,
les Maxwell, il grimpe rapidement les échelons si bien qu’à 20 ans il est contremaître.
Jeune homme brillant, il n’en a que pour son travail au grand désarroi des
filles. Un jour, il engage un veuf qui vit seul avec sa petite fille Reine-Marie.
Comme un peu tout le monde, Jules Thibaud tombe sous le charme de l’enfant.
Quand son père meurt, Jules décide de l’adopter. Toujours célibataire, il
accueille aussi chez lui le vieux couple qui l’a hébergé depuis qu’il travaille
aux Forges, les Morin. Les années passent, la jeune fille poursuit ses études
chez les Ursulines. À vingt ans, elle est devenue une jolie fille que tous les
garçons courtisent. Aucun ne trouve gré à ses yeux. Il faut dire que l’« oncle »
Jules surveille de près sa filleule. Sans qu’ils puissent se l’avouer, ils sont
amoureux, ce qui ne sera dit que dans la dernière scène du roman.
Je ne reviendrai pas sur l’aspect historique, sur le réalisme des
descriptions, sur la présence de certaines légendes (dont la célèbre
« Fontaine du diable », Alain Saint-Onge l’ayant déjà fait dans son
blogue Le carnet du flâneur. Ce sont les aspects les plus intéressants du
roman.
Ce qui nous trouble quand même un peu, bien que rien de déplacé ne survienne,
c’est la relation presque amoureuse entre Reine-Marie et Jules alors qu’elle
est encore enfant. Tout se passe comme s’il devinait que cette petite serait un
jour sa femme. Mais encore une fois, il ne pose aucun geste répréhensible, les
deux vieux veillent sur leur vertu et la morale est sauve. Il n’empêche que
c’est un joli cas pour les amateurs de psychanalyse. Sur le plan symbolique pointent
l’inceste et le complexe d’Œdipe... « Au fond de ses pensées, il essayait de se faire
une image de cette lointaine Angèle [la mère décédée de Reine-Marie], dont la
tendresse amoureuse avait su allumer dans le cœur de son homme une flamme aussi
durable. Il lui prêtait la physionomie de petite Reine, ses yeux de braise, sa
tête bouclée... et se troublait de trouver l’image si attirante. » Disons
que cela passe mal à notre époque.
L’autre aspect qui mérite d’être souligné, c’est l’état d’infériorité
des Canadiens français. Certes les Maxwell, qui vivent dans l’opulence et
l’oisiveté, sont présentés comme de « bons boss », mais il n’empêche
qu’autour d’eux, certains abusent de leur pouvoir. C’est ce que découvrira
Reine-Marie lorsqu’elle travaillera lors d’une fête dans la Grande Maison. Et
que dire de cette pratique : « Au cours de l’après-midi, le jeune Anglais,
en quête de distraction, parut au haut-fourneau. Un ouvrier s’empressa d'accomplir
le rite cher aux artisans français et resté en honneur aux Vieilles Forges. Il
s'avança pour frotter les chaussures de l’étranger... »
Voir aussi :
Étincelles dans Le carnet du flâneur
Moisette Olier sur Laurentiana
Pour aller plus loin :
J'ai aussi été un peu dérangé par ce récit de l'attirance d'un homme pour une enfant. Je crois que l'explication se trouve dans la conception philosophique que se faisait Moïsette Olier de l'amour véritable : un amour «pur», dénué d'attirance sexuelle. À lire comme un vieux roman jeunesse, naïf mais aussi charmant sous certains aspects.
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