Jeanne L’Archevêque-Duguay, Offrande, Montréal, Fides, 1942, 108 p. (Illustrations pleine page de Rodolphe Duguay)
Après avoir dédié son recueil à ses enfants et à son époux, L’Archevêque-Duguay invite le Christ à « jete[r] un regard sur la plus humble des gerbes, / Fleurs écloses de [s]es peines et de [s]es joies ».
Offrande, c’est d’abord un hymne à la nature : « Du sol, de la brise, des feuilles, de l’eau! Tout respire, palpite ; êtres invisibles, lumière lunaire. » Quand la nature se déchaîne, qu’elle apeure les enfants, il suffit de si peu pour qu’ils retrouvent le calme : « Et voilà qu’ils ne tremblent plus. À la lueur vacillante du cierge béni, un murmure d’ave…. » Par la nature qui exulte, il suffit de se laisser envelopper : « Partout de l’ivresse; toute la gamme des couleurs réjouit le regard embrassant ma campagne. »
Qu’ils sont à plaindre ceux qui vivent dans « la grisaille du bitume » soumis au « défilé de la ferraille sur le pavé »!
Il y a bien sûr des jours plus difficiles où tout est remis en question : « Jours pesants à l'âme, au corps, jours malfaisants ! Dégoût de la tâche, de l'humble vie. / Folles envies en tête : paresse, plaisirs faciles. Je rêve, comme les enfants, à la lune, / Au miroitement de la fortune, au voyage vers des cieux inconnus, où tout s'oublie. / Jours perdus pour le cœur, vaines songeries au malheur, faut-il tous les subir ? »
Mais, tout compte fait, accomplir son « humble […] ouvrage de femme », « partir pour quelques heures » dans la campagne éblouissante, « goûter encore l’ivresse / D’un amour rajeuni » auprès de son époux, voilà qui comble la vie.
Et suprême bonheur, il y a les enfants : Rachel qui « veut du lait », Claire dont les « yeux pervenches sourient », Monique qui « offre sa poupée à baiser », Rachel encore « devenue pain blanc de Jésus, parce qu’Il a touché [s]es lèves », Claire encore qui doute « que l’amour puisse oublier la faute », son petit gâs « espiègle, taquin, enjoué [devenu] un enfant de chœur très digne ». Et un jour, les enfants partent en pension, l’école étant trop loin je suppose, « laissant un grand vide dans les lits trop bien faits ».
Comment ne pas remercier Dieu et la « Vierge, femme de maison », la « Sainte ménagère » pour tant de bonheur : « J’aime à vous prier, humble besogneuse revêtue du tablier et servant la table […] Là vous êtes à ma portée et je ne regrette nullement mes vêtements froissés. » Toute la fin du recueil n'est que prière, appel de la grâce sur sa famille, acte de foi : « Quelle misère, quel désespoir devant la vie toute nue, sans un reflet du Ciel ? / Sans cette Foi à la parole de votre bouche, aux mystères voilés à nos yeux humains, / Trop faibles devant la lumière, qui puise ses rayons dans la splendeur du Père, du Fils et de l'Esprit, / A quoi bon vivre, souffrir, essayer d'aimer ? / Je me laisse guider par votre souffle, Esprit, / Par votre main transpercée, ô Christ, / Par la puissance de Votre bras, ô Père ».
L’Archevêque-Duguay est une poète naïve (comme on dit un « peintre naïf »). Ne cherchez pas un langage neuf, un regard original sur le monde, des idées compliquées. On a l’impression que cette poésie coule de source, que l’auteure laisse parler son cœur, sans afféteries, en toute simplicité. Les bons sentiments ont vite fait de réprimer les moments de doute. On y entend quand même une voix assez rare en poésie, celle d’une mère, très croyante, d’une autre époque bien sûr, qui consacre sa vie à ses enfants. Le livre est magnifiquement illustré par Rodolphe Duguay.
PETITS LITS VIDES
J'erre comme la mère poule en peine de ses poussins, d'une chambre à l'autre.
Plus de bruits d'enfants ! Que le bébé me suivant, pas-à-pas et qui demande:
« Où t'a mis les petites sœurs et petit frère Luc ? »
- « Au couvent, ma chérie, il le faut bien ! »
Mais je sens un vide, devant ces chambres closes et boude un peu la vie.
De me les prendre si tôt.
Les objets restent trop bien rangés et pas une voix pour me distraire, dans mes prières.
Il faisait si bon entendre, du fond des lits tout chauds : « Maman, venez m'embrasser ! » « Une histoire jolie pour m'endormir !... Papa, chantez le grand Lustu-kru ! »
Il n'y a plus qu'une frêle voix quémandant contes et chansons et c'est vraiment trop sage,
Ce soir, dans ma grande maison.
Pourquoi faut-il que sitôt les petits enfants doivent partir ?
Laissant un grand vide dans les lits trop bien faits; dans le cœur des mamans ?
Après avoir dédié son recueil à ses enfants et à son époux, L’Archevêque-Duguay invite le Christ à « jete[r] un regard sur la plus humble des gerbes, / Fleurs écloses de [s]es peines et de [s]es joies ».
Offrande, c’est d’abord un hymne à la nature : « Du sol, de la brise, des feuilles, de l’eau! Tout respire, palpite ; êtres invisibles, lumière lunaire. » Quand la nature se déchaîne, qu’elle apeure les enfants, il suffit de si peu pour qu’ils retrouvent le calme : « Et voilà qu’ils ne tremblent plus. À la lueur vacillante du cierge béni, un murmure d’ave…. » Par la nature qui exulte, il suffit de se laisser envelopper : « Partout de l’ivresse; toute la gamme des couleurs réjouit le regard embrassant ma campagne. »
Qu’ils sont à plaindre ceux qui vivent dans « la grisaille du bitume » soumis au « défilé de la ferraille sur le pavé »!
Il y a bien sûr des jours plus difficiles où tout est remis en question : « Jours pesants à l'âme, au corps, jours malfaisants ! Dégoût de la tâche, de l'humble vie. / Folles envies en tête : paresse, plaisirs faciles. Je rêve, comme les enfants, à la lune, / Au miroitement de la fortune, au voyage vers des cieux inconnus, où tout s'oublie. / Jours perdus pour le cœur, vaines songeries au malheur, faut-il tous les subir ? »
Mais, tout compte fait, accomplir son « humble […] ouvrage de femme », « partir pour quelques heures » dans la campagne éblouissante, « goûter encore l’ivresse / D’un amour rajeuni » auprès de son époux, voilà qui comble la vie.
Et suprême bonheur, il y a les enfants : Rachel qui « veut du lait », Claire dont les « yeux pervenches sourient », Monique qui « offre sa poupée à baiser », Rachel encore « devenue pain blanc de Jésus, parce qu’Il a touché [s]es lèves », Claire encore qui doute « que l’amour puisse oublier la faute », son petit gâs « espiègle, taquin, enjoué [devenu] un enfant de chœur très digne ». Et un jour, les enfants partent en pension, l’école étant trop loin je suppose, « laissant un grand vide dans les lits trop bien faits ».
Comment ne pas remercier Dieu et la « Vierge, femme de maison », la « Sainte ménagère » pour tant de bonheur : « J’aime à vous prier, humble besogneuse revêtue du tablier et servant la table […] Là vous êtes à ma portée et je ne regrette nullement mes vêtements froissés. » Toute la fin du recueil n'est que prière, appel de la grâce sur sa famille, acte de foi : « Quelle misère, quel désespoir devant la vie toute nue, sans un reflet du Ciel ? / Sans cette Foi à la parole de votre bouche, aux mystères voilés à nos yeux humains, / Trop faibles devant la lumière, qui puise ses rayons dans la splendeur du Père, du Fils et de l'Esprit, / A quoi bon vivre, souffrir, essayer d'aimer ? / Je me laisse guider par votre souffle, Esprit, / Par votre main transpercée, ô Christ, / Par la puissance de Votre bras, ô Père ».
L’Archevêque-Duguay est une poète naïve (comme on dit un « peintre naïf »). Ne cherchez pas un langage neuf, un regard original sur le monde, des idées compliquées. On a l’impression que cette poésie coule de source, que l’auteure laisse parler son cœur, sans afféteries, en toute simplicité. Les bons sentiments ont vite fait de réprimer les moments de doute. On y entend quand même une voix assez rare en poésie, celle d’une mère, très croyante, d’une autre époque bien sûr, qui consacre sa vie à ses enfants. Le livre est magnifiquement illustré par Rodolphe Duguay.
PETITS LITS VIDES
J'erre comme la mère poule en peine de ses poussins, d'une chambre à l'autre.
Plus de bruits d'enfants ! Que le bébé me suivant, pas-à-pas et qui demande:
« Où t'a mis les petites sœurs et petit frère Luc ? »
- « Au couvent, ma chérie, il le faut bien ! »
Mais je sens un vide, devant ces chambres closes et boude un peu la vie.
De me les prendre si tôt.
Les objets restent trop bien rangés et pas une voix pour me distraire, dans mes prières.
Il faisait si bon entendre, du fond des lits tout chauds : « Maman, venez m'embrasser ! » « Une histoire jolie pour m'endormir !... Papa, chantez le grand Lustu-kru ! »
Il n'y a plus qu'une frêle voix quémandant contes et chansons et c'est vraiment trop sage,
Ce soir, dans ma grande maison.
Pourquoi faut-il que sitôt les petits enfants doivent partir ?
Laissant un grand vide dans les lits trop bien faits; dans le cœur des mamans ?
Bonjour, c'est possible de trouver une copie des poèmes de Jeanne l'Archevêque ? Je cherche et je cherche! Merci !
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