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17 juillet 2008

Écrits sur le Québec - Hémon

Louis Hémon, Écrits sur le Québec, Montréal, Boréal, 1993, 174 p.
(Ces écrits datent de 1911-1912-1913) (Présentation de Ghislaine Letendre et Chantal
Bouchard)

Dans Écrits sur le Québec, Chantal Bouchard et Ghislaine Letendre ont réuni l’ensemble des écrits de Louis Hémon sur le Québec, la plupart ayant été publiés sous d’autres titres. Le recueil comprend le récit de son voyage de Liverpool à Montréal, des articles envoyés aux journaux québécois et européens et les lettres adressées à sa famille depuis le Québec (Ce livre recoupe Lettres à sa famille).

Louis Hémon s’embarque sur le Virginian le 12 octobre 1911. Il raconte sa traversée, sa découverte de Québec, puis son arrivée à Montréal le 23 octobre 1911. Bref, ses premiers jours en Amérique. Ce récit de voyage fut proposé à Grasset le 6 février 1912. Il ne fut publié qu'en 1985 sous le titre d’Itinéraire de Liverpool à Québec (Quimper, Calligrammes, 91 pages). Ce qui étonne quand on lit ce récit de voyage, c’est de constater que Hémon, dès qu’il met le pied à Québec, saisit la position difficile du Canada français, sa fragilité, sa lutte de survivance. On pourrait même dire que la finale de Maria Chapdelaine, ce qu’on nomme dans les anthologies « Les voix du Québec », s’y trouve déjà largement. On dirait que le pays lui inspire ce ton épique qu’on ne lisait pas dans ses romans londoniens, même dans Battling Malone, pugiliste où affleure le thème nationaliste.

Extrait 1
« Et peu à peu l'on oublie les maisons et les routes, et c'est à la race que l'on songe : à la race qui est venue se greffer ici, si loin de chez elle, il y a si longtemps, et qui a si peu changé ! Venue des campagnes françaises, campée ici la première, dans ce pays qu'elle a ouvert aux autres races, elle a dû subir d'abord les influences profondes de l'éloignement, des conditions de vie radicalement différentes de celles qu'elle avait connues jusque-là ; petite nation nouvelle qu'il fallait échafauder lentement dans un coin du grand continent vide. Et à peine cette nation reposait-elle sur des bases solides que c'était déjà l'arrivée des foules étrangères, l'invasion des cohortes qui se bousculaient pour passer par la brèche toute faite. En droit : la suzeraineté britannique ; en fait l'afflux toujours croissant des immigrants de toutes nations, qui finissaient par constituer une majorité définitive — voilà ce que le Canada français a subi. Comment l'a-t-il subi ? Comment a-t-il résisté à l'empreinte ? »
[…] « Et au milieu de la large campagne austère, où la culture s'espace et disparaît souvent, les vieux noms de France se succèdent toujours.
Pointe du Lac, l'Épiphanie, Cabane Ronde, Terrebonne...
... Terrebonne ! Ils ont trouvé que la glèbe du septentrion répondait suffisamment à leur labeur, ces paysans opiniâtres, et ils sont restés là depuis deux cents ans. C'est à peine s'ils ont modifié, pour se défendre contre le froid homicide, le costume traditionnel du pays d'où ils venaient ; tout le reste, langue, croyances, coutumes, ils l'ont gardé intact, sans arrogance, presque sans y songer, sur ce continent nouveau, au milieu de populations étrangères ; comme si un sentiment inné, naïf, et que d'aucuns jugeront incompréhensible, leur avait enseigné qu'altérer en quoi que ce fût ce qu'ils avaient emporté avec eux de France, et emprunter quoi que ce fût à une autre race, c'eût été déchoir un peu . »

Au début de son séjour québécois, entre le 18 octobre et le 28 novembre 1911, Hémon va faire paraître des articles. Le journal La Presse en publie quatre, tous portant sur le thème de prédilection de l’auteur, soit le sport : « Le sport de la marche 1 », « Le sport de la marche 2 », « Le sport et la race » et « Le sport et l’argent ». Pour aiguillonner les Canadiens français, il va jusqu’à lier la pratique du sport à la « question nationale » : « Mais il est suffisant de se rendre compte que lorsque les Anglais verront les Canadiens français leur tenir tête et les battre dans la plupart des sports et jeux auxquels ils se livrent eux-mêmes, ils n’en ressentiront que plus de respect pour eux. » Une seconde série d’articles, publiés entre le 5 janvier 1912 et le 26 août 1913, est adressée la revue française, L’Auto. En voici les titres : « Routes et véhicules », « Les raquetteurs », « Une course dans la neige », « Les hommes du bois », « Le fusil à cartouche » et « Driving ». Encore une fois l’activité physique est à l’honneur : les sports et la vie en forêt les ont inspirés. Le ton est parfois amusé et souvent admiratif. Hémon s’est sans doute souvenu des « Hommes du bois », écrit à La Tuque, pour composer le passage où il aborde la vie des chantiers dans Maria.

Dans la troisième partie, Bouchard et Letendre ont rassemblé les lettres adressées à sa famille. Elles nous permettent de suivre ce vagabond dans ses nombreux déplacements. Malgré sa vie difficile, on ne lit jamais une plainte ou une critique ou une requête qui pourraient laisser croire à ses parents qu’il est en difficulté. Le ton est badin : tantôt il s’amuse du vocabulaire des Canadiens, tantôt il rit de lui-même… On saisit la position difficile de Hémon, désireux de vivre sa vie comme il l’entend sans rompre les liens avec sa famille bourgeoise.


Extrait 2 : sa dernière lettre
Montréal
24 juin
Ma chère maman,
Je pars ce soir pour l'Ouest. Mon adresse sera : « Poste Restante » Fort William (Ontario) pour les lettres partant de Paris pas plus tard que le 15 juillet. Ensuite : « Poste Restante » Winnipeg (Man.) pour les lettres partant de Paris pas plus tard que le 1er août. Après cela je vous aviserai. Marquer toutes ces lettres dans le coin : « To await arrival »
Amitiés à tous L. HÉMON
P.-S. J'ai envoyé à votre adresse (mais à mon nom) trois paquets de papiers, comme papiers d'affaires recommandés. Mettez-les dans la malle, avec mes autres papiers, s.v.p. L.H.

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