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13 mai 2022

Symptômes

Gilbert Langevin, Symptômes, Montréal, éditions Atys, 1963, n. p.

Même si le premier poème s’intitule « naissance » et qu’il traite du pouvoir de résilience qu’engendre l’état amoureux, on ne peut pas dire pour autant que Symptômes soit un livre de rédemption. Langevin reprend là où il avait laissé dans son livre précédent, À la gueule du jour : « mes joues se creusaient en paume de cercueil » ouvre le recueil. Le monde survit dans un état de déliquescence avancée et on a peu d’indices qui nous permettent de comprendre comment il en arrive à un tel constat. Peut-être que la vie a trop peu à offrir, tout compte fait, et doit-on se contenter d’amours passagers (« il m’arrive maintenant d’égarer mon corps / en la mer en elle »), d’un peu d’espoir de fraternité, bien lointaine il faut dire : « qui les sortira de ce pétrin de boue / les englués là-bas par tant de défaites / qui leur prêtera main douce d’amitié / qui les ramènera vers l’auberge de joie ».

Se dégage du recueil un jugement sur ce que le monde est et sur ce qu’il devrait être. Et cette morale a des relents de religiosité que l’ironie n’arrive pas à effacer. « Corps et Âme étrennent leur lune de fiel ». Le plaisir a souvent l’odeur du péché : « tant que l’amour fermente / la chair flambe ». L’univers est parsemé d’embûches, de tentations, d’impuretés et de débauches : « des abcès de nausée éclosent en ma poitrine / où cacher mon minerai d’inquiétude / débauche! débauche! / quel chantier de chanter mon désenchantement! »

En même temps, on sent une résistance, et même un refus d’abandonner la partie. On a même l’impression qu’il faut parfois se faire violence et forcer les portes de la joie, quitte à ce que le rire sonne faux : « continuer de classer calmement / les fiches du labeur / charpentier d’éternité / ciseler le buste du Verbe / apprendre le métier de sourire / à chaque jour suffit sa mort »

Le dernier poème du recueil (voir l’extrait) traduit bien ce combat toujours à reprendre, cette recherche d’un petit bonheur qui n’est pas sans rappeler la joie ironique de Sisyphe pour son rocher. 

Petite anomalie dans le recueil : deux poèmes, qui font trois pages, sont répétés et la troisième page est différente… 

credo (ab absurbo)

à deux cheveux d’avouer l’échec total 
flambée s’empare de l’âtre dorsal

espoir se rallume en orbe de victoire 
les mots se bousculent entre les dents

exil vaut d’être vécu
à deux cheveux de courber l’échine
une noce de neige et de soleil irise le crachat

le frimas des peines avive son échéance

à deux cheveux de tondre l’avenir 
l’amour enchaîne l’ombre 
à l’isthme de l’exil    notre survivance

Gilbert Langevin sur Laurentiana

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