25 septembre 2020

Les eaux grises

Hermas Bastien, Les eaux grises, Montréal, Le devoir, 1919, 238 pages.

Le recueil compte huit parties et 238 pages!  Hermas Bastien (1897 - 1977) avait 22 ans lorsqu’il a publié ce recueil.

Ses « Visions d’enfance » sont pleines de nostalgie de l’enfance perdue, du bonheur auprès de sa mère et de sa sœur dans la maison familiale. 

« Par les champs » est un hymne à la nature. Les différents moments de la journée, les plantes, fleurs et arbres, ainsi que la présence des paysans animent ses tableaux qui n’ont rien de romantique. « Je courais, affolé, dans la plaine féconde, / Dont les touffes de trèfle hébergent un petit monde : / Libellules d’azur, grillons aux cris sans art. // Au détour d’un ravin, à la clarté lunaire, / Je m’endormais heureux me couchant au hasard, / Dans les bras étendus de la haute fougère. » (À la belle étoile)

Les « Idéales tendresses » sont inspirées par l’amour. « J’adore tes cheveux libres où l’air joue / Et qui voilent parfois le rose de ta joue » (Seuls) Le ton est parfois mielleux.

« Vox soli » est un hommage au terroir, aux paysans, aux activités agricoles. À la suite d’Adjutor Rivard, Bastien écrit son « heure des vaches », sujet souvent moqué par les anti-terroiristes.

Les poèmes de « Tableautins d’hiver » présentent différents paysages hivernaux, tantôt distillant la joie, tantôt la tristesse.

« Sur le bitume » On quitte la nature et on arrive en ville. Il suffit de dire que l’un des poèmes est intitulé « Les lupanars » et un autre, « À l’alma mater » pour comprendre que le regard de Bastien va du péché à la vertu.

« Vie intérieure » raconte la déconvenue d’un jeune homme qui découvre que son monde idéalisé ne survit pas à l’épreuve du réel. Il lui reste les consolations de la religion : « Je médite, rêveur, le regard sur la croix, / Et j’entends qui me parle en moi-même une voix : / – Dieu, voilà le bonheur, point d’autre véritable. » (Où trouver le bonheur)

« Vers l’action » : « Des plus mâles vertus imprègne ta jeunesse, / Comme l’arbre géant qui grandit sans fléchir, / Monte toujours plus haut dans l’azur sans faiblir. » (Toujours plus haut)

En épilogue Hermas Bastien nous offre le topos éculé de l’auteur qui s’excuse des maladresses de sa poésie et qui sollicite la compréhension de ses lecteurs.

 

LE SOIR

C’est le baiser de l’ombre au toit pointu qui fume. 

Le champêtre vallon s’est estompé de brume.

 

Heure mystérieuse où la Vie, un moment,

Avant la nuit qui vient s’use confusément.

 

La luciole voltige autour des sapinettes,

Rayant d’un trait de feu les épines-vinettes.

 

Les grillons, à la voix captive des cailloux, 

Vocalisent leurs chants atones et sans courroux.

 

Le sentier, l’horizon, le bois tout s’imprécise.

Au ciel saphir, dérive une nue indécise...

 

Tintements éloignés du mobile grelot,

Que la brebis remue en broutant dans l’enclos,

 

Saccades du torrent sur les roches moussues,

Bruits des feuilles de pin qui choient inaperçues,

 

Refrains que les vieux murs, eux, laissent transpirer 

Et douleurs qui dehors s’en viennent expirer,

 

Comme il est triste, Ô Soir, ton magique langage ! 

Comme il dit des regrets et des espoirs sans gage !

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