Robert Charbonneau, Les désirs et les jours, Montréal, Éditions de l'Arbre, 1948, 249 pages.
Charbonneau raconte l’histoire de deux amis d’enfance, Auguste Prieur et Pierre Massénac. Le récit se déroule à Deauville, une ville industrielle imaginaire, après la Première Guerre mondiale.
Les deux amis suivent des routes très différentes. Tout semble facile pour Prieur : sa famille est unie, à l’aise. Il poursuit ses études, devient avocat. C’est le contraire pour Massénac. Il découvre qu’il est un enfant adopté : il est le fils d’une bonne qui a donné son enfant à ses employeurs. Sa mère adoptive meurt. Son père est un politicien magouilleur avec lequel il n’a pas de lien. Pour fuir son milieu, il rentre dans la Marine. À son retour, deux ans plus tard, il rencontre Lucienne, se brouille avec elle et retourne dans la Marine, sans savoir qu’elle est enceinte.
Quelques années ont passé. Auguste Prieur est maintenant avocat. Il a épousé Marguerite Lantoine, la fille d’un grand bourgeois de Deauville. Il est député, grâce à Bernard Massénac.
Pierre Massénac rentre finalement au pays. La contrebande en a fait un homme riche. Il achète un journal pour se donner une image sociale acceptable. Il découvre que Lucienne et son fils vivent avec son père adoptif. Il n’intervient pas. Il courtise la sœur d’Auguste. Ce dernier se tient loin de lui à cause de sa réputation. Quand son père adoptif meurt dans un incendie, on le soupçonne. Il est finalement acquitté. Pierre et Auguste se réconcilient. Mais cette réconciliation est celle de deux hommes qui aspirent à plus de pouvoir.
L’univers que Charbonneau nous présente est sordide. Tous les personnages masculins ont des projets mesquins dont les femmes et les enfants sont les premières victimes. L’amitié, l’amour, la solidarité, les liens familiaux… n’existent pas dans ce monde. Les deux amis ont pris des chemins très différents pour arriver au même endroit, c’est-à-dire au pouvoir. L’un y est parvenu par la violence et la malhonnêteté et l’autre, par la politique et l’aplatventrisme. À la décharge de l’auteur, disons qu’on sortait de la Deuxième Guerre mondiale et qu’il était peut-être difficile d’afficher des bons sentiments.
Le roman n’est pas très bien raconté. Le fil narratif est rompu par des digressions et des ellipses qui ressemblent à des raccourcis. L’auteur raconte deux histoires mal ficelées entre elles. La narration est froide, souvent expéditive. C’est un roman psychologique sans les grandes analyses habituelles. Les personnages sont définis par leur action.
Quatrième de couverture |
Robert Charbonneau sur Laurentiana
Les désirs et les jours
Extrait
« Auguste Prieur avait souvent lutté contre la tentation d’abandonner ses études, mais il sentait bien qu’à aucun moment il n’avait été en son pouvoir de le faire. Quand il se jugeait perdu, des événements indépendants de sa volonté sur- venaient et orientaient sa vie dans le sens de son désir. Pour un jeune Canadien, il y a deux tentations, qui se présentent sous des formes parfois insidieuses, mais qui peuvent se ramener à ceci: « Avec ton talent, si tu te mêlais aux Anglais, tu pourrais aller loin»; c’est la première tentation; la seconde, plus subtile, porte le jeune bachelier, qui reçoit les livres et les revues de Paris, à se juger supérieur à tout ce qu’il voit autour de lui et à aspirer, sinon à aller vivre en Europe, du moins à créer autour de lui une petite tour d’ivoire européenne du haut de laquelle il méprise son pays. » (p. 89)
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