Paul Quintal-Dubé, L'Éducation poétique,
Paris-Montréal, Ateliers d'art typographique-Librairie Déom, 1930, 97 pages.
(Préf. de Joseph Bédier) (10 hors-textes en camaïeu de Roger Veillault).
Paul Quintal-Dubé (1895-1926) connait un destin tragique. Atteint de tuberculose, il
meurt à 31 ans, après avoir fréquenté des sanatoriums aussi bien en Europe
qu’aux États-Unis. C’est son père qui fait éditer son livre en France après son
décès.
L’édition
du livre est impressionnante. Hormis le Maria Chapdelaine de Clarence
Gagnon, produit lui aussi en France, je ne vois rien d’aussi beau à l’époque. Les
titres soulignés de couleur verte, la photo de l’auteur et les illustrations au
ton sépia, la typographie généreuse, le papier « impérial du Japon »,
les bords de page non rognés, la préface de Joseph Bédier et les modèles de
l’auteur empruntés aux poètes de la deuxième moitié du XIXe siècle, donnent à
l’ensemble un charme suranné.
Compte
tenu des circonstances, on aurait pu s’attendre à un propos sombre, comme chez Nelligan
ou Garneau, deux autres « grands condamnés », mais non. Quintal-Dubé,
dans sa poésie très chantante, traque la beauté sous toutes ses formes, même
quand il évoque la mort.
Le
premier poème, intitulé « La source », ne compte que deux vers :
« Au flanc de la montagne une source chantait, / Une source d’amour et de
belle jeunesse ». Ce poème est réparti sur deux pages et suivi d’une
illustration qui représente… une source.
On a
déjà une idée de la poésie de Quintal-Dubé : il ne faut pas y chercher des
« trouvailles » stylistiques, des sources d’inspiration inattendue,
une approche singulière des idées. Tout baigne dans la simplicité.
J’ignore
si le titre a été choisi par l’auteur ou par les éditeurs, mais disons qu’il
cerne bien le propos : « Il trouve la Beauté, la fait reine en son
cœur, / Entend un long soupir, et lui dit : « Chère sœur, / Laisse
moi te chanter, je veux être poète!... » Le poète associe poésie et beauté,
comme si reconnaître la Beauté était une condition pour devenir poète :
« Ah! savoir ce que c’est qu’un vers… Ah! comme toi, / D’un Ronsard, d’un
Verlaine, / Ouïr, avec un cœur savant, les grandes voix, / Les suivre d’une
haleine ». Son éducation poétique passe par l’imitation de certains
modèles : Ronsard, Verlaine, mais aussi Leconte de Lisle et François
Coppée.
Rapidement,
la beauté poétique se confond avec la femme. Concilier la quête amoureuse et l’impression
de vivre sur du temps emprunté peut être douloureux : « Tout est rose du
feu de ta joue. Un émoi / Emplit la chambre où tu dors. Ton haleine fleure. /
Sous la paupière close un regard doux affleure. / Ô ma reine adorée, ouvre tes
yeux ! C’est moi! // Mais un pleur se fait jour sous ta paupière close, / Et je
vois défaillir sur ta joue une rose. » Le beau rêve ne survit pas à
l’épreuve de la réalité et, bientôt, l’amour est davantage vécu dans
l’imaginaire : « Illusions de mes vers ! / Je te perds, / Quand je ne t’ai
jamais eue! » C’est la beauté qui rend la mort si tragique : « Tu le
sais, dis-tu. Comme ces fleurs, toi-même. / Tu t’épanouis aux lèvres de la
Mort. / Elles mourront. Toi aussi. C’est le sort ». En même temps, c’est
la Beauté qui rend la fin moins pénible : « … Souvent telle amertume,
/ Comme un lac boisé suant la brume, / Découvre à nos yeux la haute tour /
Qu’on a désiré de voir un jour. / La, espère et prie une princesse… // Ô soleil
splendide, étoile d’or, / Je t’aime et vis de ton essor! »
Je
termine par un extrait de la préface dont je partage le propos :
« Des
vers ingénus et néanmoins subtils, tendres, obscurs, aériens, infiniment doux
!...
Ce
ne sont, à vrai dire, que des essais, fugitifs, incertains, qu’il faut
accueillir comme tels. Les fruits auraient-ils tenu la promesse des fleurs ?
Vaine question : Paul QUINTAL-DUBÉ est mort trop tôt.
Il
eut du moins deux choses pour lui : et d’abord un don naturel de style, rare à
ce degré; c’est un sens, comme inné du bien dire, et, dans le maniement de la
langue, une aisance faite de justesse et de souplesse, je ne sais quoi de
limpide et de parfaitement pur.
Et, en second lieu, ce qui le marque vraiment du
signe de l’élection, c’est que ses vers sont « de la musique avant toute chose
». Il a su apparier, opposer, entrelacer les sons, les cadences, les
mouvements; il a su le beau secret des rythmes de France.
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