Alice Lemieux, Heures effeuillées, Québec, s. e.,
1926, 138 pages (Préface d’Alphonse Désilets)
Le recueil est dédié à ses
parents. Il compte trois parties : Les heures jolies, Les heures
chéries, Les heures bénies.
Comme presque tous les auteurs de
l’époque, Lemieux commence par un acte d’humilité : « Elle est pauvre
[sa poésie], et je suis un humble troubadour, / Mais je te l’offre au moins
avec beaucoup d’amour. » (Offrande)
Les heures jolies
Cette partie compte plus de 60
poèmes et fait plus de la moitié du livre. Alice Lemieux (née en 1906) chante
avec beaucoup d’émotion le bonheur de vivre. Et ce bonheur tient beaucoup à son
amour de nature. Tous les sens sont convoqués : les moindres mouvements de
la lumière, les plus subtils parfums, les fleurs, les oiseaux, la forêt, les
ruisseaux, la variation des saisons, les divers moments du jour : « J’aimais
l’amour, la vie, et je ne savais pas, / Si la lumière qui m’entourait de sa
flamme, / Venait de l’horizon ou du ciel de mon âme ». Ou encore :
« Qu’il est bon de savoir, que l’on est jeune et libre, / D’être dans la
nature une corde qui vibre / … / Oh! Ne m’en veuillez pas de tant aimer la vie
/…/ Laissez-moi croire à la bonté des hommes / Et ne me dites pas que la terre
où nous sommes, / Est un lieu vil et bas. » Véritable hymne à la nature, ce genre de
poésie est assez unique dans notre littérature. Bien entendu, dans le lot,
certains poèmes sont plus faibles, et ce sont ceux qu’elle adresse à ses
anciens professeurs, aux membres de sa famille ou encore ceux qui se donnent un
air de terroir, ce dont elle est consciente : « Je ne sais pas
chanter mon pays… »
Les heures chéries
Les poèmes des « Heures
chéries » sont plus convenus. Tout est affaires de sentiments. D’abord,
son amour pour sa mère : « Tu verras mon amour pour toi, mes jours
sereins, / … / Tu trouveras sur tout comme une ombre lointaine, / Qui tachait
de beauté, mon bonheur… ou ma peine, / Et… cette ombre… c’est Toi. » Plus
loin, une déclaration sans ambages pour son amoureux : « Je vous
offre tous les parfums et la douceur, / Qui font, des soirs de Mai un éternel
poème. / Je vous offre ces vers et … puisque je vous aime / Pour finir mon
bouquet… je vous offre mon cœur!... » On lit aussi l’expression d’une
tristesse, ce qui est très rare dans ce recueil : « Les mots que tu
m’as dits d’autres les entendront ».
Les heures bénies
La foi religieuse est le sujet de
cette dernière partie. Il y a d’une part les remerciements pour toutes les
beautés de la nature que Dieu a mises à portée des humains : « Je
vous offre mon Dieu la beauté qui se lève / Avec les feux du jour, et la vois
qui s’élève, / De l’âme de nos bois ». Et il y a le vieux thème judéo-chrétien
de la souffrance salvatrice : « Je sais que la souffrance est pour l’âme
une grâce, / Je sais que son effet divinement efface, / La trace du péché dans
notre pauvre cœur… »
L’aspiration au bonheur, l'enthousiasme
et la générosité qu’on lit chez cette autrice sont choses rares, donc appréciées.
La nature, dans la première partie, est chantée avec un mélange d’observation
et d’imagination étonnant. Sans le romantisme qu’affectionnent la plupart des
auteurs de l’époque.
Il y a des strophes, des vers
qui sont très beaux. Et parfois on tombe sur des « trouvailles » :
« Les érables sont blonds à force de lumière ». « Il flotte du
printemps, dans la brise qui passe ». « … le printemps brode les
hirondelles ». Cependant, comme c’est presque toujours le cas dans les
recueils de cette époque, on ne trie pas suffisamment, trop de poèmes
reprennent la même idée, ce qui dilue le message.
Alice Lemieux sur Laurentiana
PoèmesLa critique de Louis Dantin
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