Jules Larivière, L’Iris bleu,
Montréal, Édouard Garand, 1925, 68 pages. (1e tirage :
1923) (collection « Le roman canadien »)
Ce fascicule est le premier de
la collection « Le roman canadien » d’Édouard Garand. D’ailleurs, il
semble que ce soit Jules Larivière, notaire, qui a donné l’impulsion de départ
à la création de cette collection.
Le jeune notaire Yves Marin est
le dernier descendant de sa lignée. Sur son lit de mort, un vieil oncle lui fait promettre de
conserver le bien paternel et même de le
faire fructifier. Yves accepte de
relever le défi, ce que sa petite amie Berthe voit d’un mauvais œil : elle ne
veut surtout pas venir s’enterrer à St-Irénée, ce petit bled perdu près de
St-Hyacinthe. Par dépit amoureux mais aussi pour étudier l’industrie de la
toilerie, Yves passe un an en Europe. Avec son copain Paul Lauzon, il compte
développer des petites industries, complémentaires de l’agriculture :
une confiserie et une toilerie. Au retour, il s’installe dans le domaine
familial, laissant le travail de la ferme à des métayers, et s’occupe de ses
petites industries.
À cette histoire, se greffe un
développement sentimental qui occupe toute la deuxième partie du livre. Une
jeune orpheline, Andrée, pupille du docteur du village, fait battre le cœur du
jeune notaire. Après bien des chassés-croisés, ils finissent par s’avouer leur
amour, ce que tout le village avait prédit.
Ce n’est pas un roman de la
terre, même s’il baigne dans la même idéologie. En fait, il reprend là où Gérin-Lajoie l’avait laissé dans Jean Rivard l’économiste. Larivière, comme Gérin-Lajoie et Bouchette, croit qu’une certaine
industrialisation doit aller de pair avec l’agriculture, mission première des
Canadiens français. Le roman est une charge féroce contre le dépeuplement des
campagnes au profit des villes. « Nous sortons à peine d’une guerre
terrible à laquelle succède une lutte
économique sans merci et si nous ne nous
hâtons pas de profiter de tous les moyens à notre disposition, c’en sera
bientôt fait de l’influence canadienne-française, même dans la province. Le
plus puissant de nos moyens, ce sera l’industrie, non pas démoralisatrice des
villes, mais l’industrie bien comprise,
sagement répartie à travers notre
province, l’industrie vivant de l’agriculture
et la complétant. Nous devons, comme le conseillait un jour Monsieur
Montpetit, nous servir des mêmes moyens qu’emploie l’adversaire : la richesse ! »
La ville est malsaine, le devoir
d’un patriote est de rester à la campagne, de poursuivre le travail des
ancêtres. « Les villes gâtent tout,
elles gâtent même jusqu’aux vertus les plus belles et les plus admirables. » Et
Larivière ajoute que ce sont les jeunes filles qui sont les premières victimes
de l’effet pernicieux des villes : « Toutes sont frivoles, assoiffées
d’émotions nouvelles, de plaisirs inconnus; aujourd’hui, les mille et une
pimbêches qui cherchent mari, espèrent
séduire par le fard de leurs joues, le décolleté de leur toilette,
l’élégance de leur danse, la frivolité
de leur vie. Elles sont la parodie de la vraie femme et nous, les pauvres
petits gens naïfs, nous suivons leur
sillage gracieux et léger avec un peu de paradis dans l’âme, nous nous
enlisons à leurs plaisirs, nous y
laissons les beaux rêves de nos quinze ans. » La charge est tellement virulente et
répétée qu’on peut y voir une forme
de misogynie, même en tenant compte de l’époque. La jeune héroïne abandonne ses études
et recherches en botanique aussitôt qu’un mari se pointe. « Quelqu’un ! un
homme ! Mon Dieu que je suis heureuse ! se dit Andrée intérieurement, cependant
que par cet instinct tout naturel chez la femme de chercher son soutien chez
plus fort qu’elle, elle venait se mettre sous la garde de cet homme que le ciel
lui envoyait. »
Une autre idée, très répandue
dans la littérature des années 20, c’est l’anti-américanisme auquel on greffe
parfois l’industrialisation et le capitalisme, ce qui n’est pas le cas dans le
roman de Larivière. Mais lorsque l’occasion s’en présente, l’auteur se fait
plaisir d’attaquer les Américains : « On y représentait un drame
américain, vols, brigandages et autres pareilles infamies, le tout joué par des
cabotins américains représenté dans un
théâtre canadien. »
On peut lire le roman sur Wikisource ou la BeQ.
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