Jean Féron (Joseph-Marc-Octave
Lebel), Le siège de Québec, Montréal, Garand 1927, 86 pages (Coll. Le
roman canadien)
Jean Féron a écrit beaucoup de
romans historiques. Comme on le sait, ce type de récit comprend une double
intrigue. D’une part, l’auteur emprunte aux historiens la trame historique.
Plusieurs signalent leur source, ce que Féron ne fait pas dans Le Siège de Québec. On peut supposer
qu’il a utilisé Garneau, Ferland… D’autre part, pour rehausser l’intérêt de la
relation historique, l’auteur ajoute l’aventure de personnages de son cru,
souvent une idylle sentimentale. Féron, lui, raconte plutôt les aventures
burlesques de trois matamores : un bon, Flambard; et deux méchants : Pertuluis
et Regaudin. La difficulté d’un tel
récit, c’est d’intégrer ces deux trames, ce que Féron réussit plus ou moins.
Je ne m’attarderai pas sur la
trame historique. Les Anglais se pointent devant Québec le 26 juin 1760. Ils
gagnent la bataille des plaines d’Abraham le 13 septembre. Au départ, ils s’emparent
des hauteurs de Lévis et bombardent Québec sans réussir à rompre sa résistance.
Ils incendient les environs de Québec jusqu’à la Malbaie et Rivière-du-loup
pour attirer les troupes à l’extérieur de la ville : « Quant au
nombre de morts, il demeurera toujours
incalculable. Beaucoup furent tués, d’autres moururent d’inanition dans
les bois… Jamais l’histoire n’avait vu pires actes ! Jamais encore un peuple civilisé n’avait déployé
tant de vandalisme ! Jamais les soldats d’une nation dite « chevaleresque »
n’avaient commis tant de forfaits et de crimes ! Les anciens barbares n’avaient
pas été si inhumains ! Aussi, quoi qu’on dise ou pense, la renommée que s’est
acquise James Wolfe, comme chef militaire, doit être à jamais ternie ! Sa
gloire ne peut demeurer pure, car un linceul en couvre l’éclat ! » Ils tentent
un débarquement du côté de Montmorency-Courville, sans succès. Finalement, ils
réussissent en empruntant l’Anse-au-Foulon.
Pour expliquer l’échec des
Français, Féron n’invente rien qui n’ait pas déjà été dit : l’impétuosité
de Montcalm, la mésentente entre les dirigeants de la Nouvelle-France, et
peut-être certaines trahisons (Bigot, Vergor…).
Quant à l’aventure romanesque qui
se déroule pendant que les Anglais essaient de percer le défi que constitue la
prise de Québec, elle va comme suit. Regaudin
et Pertuluis, deux grenadiers, en fait deux gredins, ont enlevé l’enfant du capitaine
Jean Vaucourt et d’Héloïse de Maubertin pour en tirer une rançon. Leur plan est contrecarré
quand la flotte anglaise se présente devant Québec. Ils confient l’enfant à une
famille qui ignore leur méfait et ils rejoignent les rangs de l’armée. Ils
s’illustrent lors de la bataille de Montmorency. Flambard, le héros de cette
histoire, un ami du Capitaine Vaucourt, se lance à la recherche de l’enfant. Il
découvre que ce sont Regaudin et
Pertuluis, mais il ignore qu’ils sont
acoquinés avec l’intendant Bigot.
Flambard finit par mettre la main sur les deux hommes et l’enfant est
rendu à ses parents. Entre-temps, nos deux comparses, croyant reprendre
l’enfant de Vaucourt, enlèvent un autre enfant. Cette fois-ci, Flambard doit
affronter, seul, les cadets et les gardes de Bigot; il connaît différentes mésaventures et plus d’une
fois il vient près d’y laisser sa peau. Mais il finit par rendre l’enfant à ses
parents. Nos amis Pertuluis et Regaudin, eux, trouvent un trésor avant d’aller
s’illustrer dans la bataille des plaines d’Abraham.
Ce qui distingue ce roman, c’est l’humour. Oui, les dialogues de nos deux lascars et
leurs affrontements avec Flambard tiennent davantage de la comédie - et même du
burlesque - que du récit d’aventures. Féron
écrit bien mais Garand comme éditeur ne fait pas le poids : le texte est bourré
de fautes, de coquilles, d’incohérences typographiques.
Extrait
« Mais après la faute de l’Anse au Foulon, dont la
responsabilité doit retomber sur M. de Vaudreuil, celui-ci allait commettre une
autre faute non moins grave, le lendemain, en n’appuyant pas Montcalm sur les
Plaines d’Abraham comme il aurait dû le faire. Nous allons voir comment.
D’abord Montcalm ne voulut pas croire la nouvelle du
débarquement des Anglais à l’Anse au Foulon apportée par notre ami Flambard. Il
y croyait d’autant moins qu’il lui était permis d’observer, aux premières
clartés du matin, les manœuvres inquiétantes de la flotte ennemie dans la rade
de Québec. On eût juré que les Anglais s’apprêtaient à un débarquement sur la
plage de Beauport. Il envoya immédiatement un courrier aux nouvelles, tandis
qu’il se rendait auprès du gouverneur pour se concerter avec lui. Aussi
allait-il apprendre bientôt, et avec quelle stupeur, que non seulement les
Anglais avaient débarqué des troupes à l’Anse au Foulon, mais qu’ils étaient
déjà en position à un mille à peine des murs de la ville.
En effet, il était environ deux heures du matin lorsque
Wolfe avait lancé ses premiers soldats sur les hauteurs de l’Anse. À quatre
heures, mille hommes y étaient déjà assemblés. Le poste de sentinelles fut
enlevé comme un rien, puis trois cents hommes reçurent ordre d’aller entourer
le cantonnement de Vergor dont on pouvait voir les tentes à peu de distance de
là, et de faire prisonniers tous ses soldats. Ce qui fut fait promptement, et
Vergor lui-même fut capturé dans son lit.
Wolfe avait conduit lui-même ses hommes. »
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