Proper Willaume (Auguste-Henri de Trémaudan), L’île au massacre, Montréal, Edouard Garand, 1928, 73 pages + supplément littéraire et publicité. (Illustration Albert
Fournier) (Collection Le roman canadien)
Pierre-Gaultier de Varennes,
Sieur de La Vérendrye, quitte Montréal le
8 juin 1731, avec son neveu Christophe Dufrost de la Jemmeraye et trois de ses
fils : Jean-Baptiste âgé de dix-huit ans, Pierre Gaultier âgé de dix-sept
ans, François âgé de seize ans. Cette même année, il érige le fort Saint-Pierre sur le lac Pluie. L’année
suivante, il se déplace jusqu’au lac des Bois où il établit le fort
Saint-Charles. Par après, il établit
d’autres forts, plus au nord-ouest, près du Lac Winipeg : il confie le fort
Maurepas à ses deux fils aînés, et le fort de la Fourche-des-Roseaux à son
neveu.
L’action commence au printemps
1736. Sa troupe, toujours installée au fort Saint-Charles, vient de passer un terrible
hiver : les vivres ont manqué. La Vérendrye s’inquiète pour ses fils et
son neveu, encore plus à l’Ouest. Il a raison car son neveu et presque tous les
habitants du fort de la Fourche-des-Roseaux sont morts de faim durant l’hiver. L’arrivée
du printemps et une pêche miraculeuse va redonner espoir à tous ces explorateurs.
Le roman a une forte teneur
historique, mais l’essentiel n’est pas là, les explorations n’occupant qu’une
mince part dans le roman. Le nerf du
récit, c’est l’intrigue amoureuse qui lie Jean-Baptiste de La Vérendrye à deux Autochtones de la tribu des Cris :
Rose-des-Bois et Pâle-Aurore. Jean-Baptiste et Pâle-Aurore s’aiment et veulent
se marier, ce à quoi consentent son père et le prêtre. Or, Cerf-Agile, chef de
la tribu des Cris, ami des Français, est aussi amoureux de Pâle-Aurore. Et
Rose-des-bois est amoureuse de Jean-Baptiste. Les deux rejetés (Rose-des-Bois
et Cerf-Agile) vont ourdir un complot cruel qui va mener à la mort du fils de
La Vérendrye. Eux-mêmes seront punis.
Mais encore une fois, peut-être
que l’essentiel n’est pas là. La relation entre les Autochtones et les Blancs constitue
ce qu’il y a de plus intéressant dans ce roman. L’auteur tient un discours
passablement favorable aux Autochtones :
« Ils ont une tradition qui a
souvent la précision et la documentation d’une étude scientifique. »
« Il y a chez l’Indien naturel
une loyauté que nous ne rencontrons plus guère dans notre monde corrompu. Il a
horreur du mensonge. Il est sincère dans son affection comme dans son
hospitalité… »
Concernant le mariage de
Jean-Baptiste, le père Aulneau déclare : « Votre père a raison de
consentir à ce mariage. C’est un exemple qu’un membre de sa famille devait faire. C’est un tort de
croire que l’on ne doit pas mélanger le
sang de deux races de différentes couleurs. Votre mariage consacrera un fait
établi depuis un siècle et plus. Les premiers colons qui ont débarqué sur cette
terre n’avaient pas de femmes. Ils se sont alliés avec les Autochtones et nombre
d’habitants de la Nouvelle France ont de
ce sang dans les veines. Ils en ont honte. Et pourquoi ? Est-ce qu’aux yeux de
Dieu toutes les âmes ne sont pas blanches ? À l’instar des Aborigènes, les
Blancs ont considéré les Autochtone,
pendant trop longtemps, comme des esclaves. C’est à nous catholiques de montrer
que nos fils ne commettent pas de mésalliance en épousant ces filles dont le cœur est aussi noble que
le nôtre. En les amenant peu à peu à notre civilisation, nous en ferons les
mères d’une race forte qui conservera à
la langue française et à notre foi ces immenses pays que vous découvrez. Et plus tard quand les femmes blanches
viendront ici elles trouveront des sœurs d’une autre couleur pour les accueillir. »
L’auteur donne longuement la
parole aux Autochtones, dont voici un court extrait : « Vous voulez, continua
l’Indien emporté par son élan, par
l’usage de belles paroles et au moyen d’une religion étrange et nouvelle, nous
soumettre à un joug sans lequel nous avions fort bien vécu jusqu’alors. Nous étions libres comme les oiseaux et les
animaux dans nos forêts et dans nos plaines ; libres comme les poissons de nos
lacs et de nos rivières. Sans nous consulter, sans vous inquiéter de nous, vous
venez bâtir des forts comme celui-ci
destinés à former les noyaux de vos grands établissements de l’avenir, comme vous avez fait à l’est de
nos Grands Lacs ! »
Tout n’est pas parfait.
Regard bienveillant, mais en même
temps certains préjugés. Ce qui plait avant tout à Jean-Baptiste chez
Pâle-Aurore, c’est qu’elle est probablement une métis : « Il y a en
elle quelque chose d’inconnu chez les femmes autochtone de sa tribu, même chez sa sœur,
Rose-des-Bois. Cette chose indéfinissable dans ses manières, dans son attitude,
dans son regard ne peut se retrouver que chez les femmes de notre race. Et cela m’intrigue. »
Une bio de l'auteur : http://www.biographi.ca/fr/bio/tremaudan_auguste_henri_de_15F.html
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