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5 septembre 2011

Les Brèves Années

Adrien Therio, Les Brèves Années, Montréal, Fides, 1953, 171 pages.

La famille Plaisance vit sur une ferme à la sortie du village. De l’autre côté de la route, une nouvelle famille, les Martin, vient s’établir. Jacques, un enfant de 11 ans au début du récit, espère y trouver un ami. La famille compte beaucoup d’enfants dont Clair, onze ans. Jacques et Clair deviennent rapidement des inséparables.

La première partie du roman raconte le début de leur amitié. Il n’y a pas d’événements majeurs mais une série de petits faits qui tantôt rapprochent les deux garçons, tantôt les séparent. Le problème majeur qu’ils doivent affronter a trait au père de Clair qui est très sévère, pour ne pas dire trop dur avec ses enfants. Clair en souffre et Jacques le console. L’autre moment difficile survient quand Clair s’amourache d’une jeune fille, le temps de quelques mois. Jacques, jaloux, finit même par se battre avec lui. À la fin de leur primaire, le curé décide que les deux garçons ont assez de talent pour poursuivre leurs études. On les envoie au collège Saint-Janvier, en espérant en faire des prêtres.

La deuxième partie du roman raconte l’adaptation des garçons à leur vie d’interne dans un collège classique. Encore là, peu d’événements vraiment spectaculaires, mais une série d'incidents qui découlent du caractère vindicatif de Clair. Il n’accepte pas facilement l’autorité, et même se révolte, si bien qu’au bout de deux ans, il doit changer de collège. Jacques le suit à Saint-Étienne, un collège où l’encadrement est moins rigide. L’été, les deux garçons reviennent dans leur village et travaillent sur la ferme de leurs parents. Plus il vieillit plus Clair démontre une indépendance intellectuelle et un goût pour l’aventure. Au bout de leur terre, se trouve une route qui va se perdre dans la forêt. Elle fascine Clair qui décide de la suivre; au bout de cette route, il rencontre une jeune Anglaise du nom de Gladys. Il passe une journée avec elle. Au retour de son périple, il ne cesse de penser à elle. Il est amoureux, mais n’a aucun moyen de la rejoindre. Le collège lui pèse de plus en plus à dos. Après sa première année de philosophie, chez lui à la fin de l’été, il annonce à Jacques qu’il compte bien retrouver la jeune fille qu’il a vue il y a deux ans. Il reprend, seul, la mystérieuse route. Et il n’en revient pas. Jacques retourne seul au collège à l’automne. En fait, pas tout à fait seul, puisque la sœur de Clair, Solange, inscrite à l’école normale se retrouve dans la même ville. Les deux promettent de se rencontrer.

Extrait
Il fallut bien retourner seul au collège. A combien de questions j'ai dû répondre en y arrivant. Je l'ignore. On ne se lassait jamais de me parler de Clair. On s'aperçut vite que je n'étais plus le même élève, que j'avais acquis une nature presque sauvage, difficile à comprendre. Je m'en rendais compte mais je n'y pouvais rien. Cette vie d'internat n'était plus faite pour moi. Il fallait pourtant m'y soumettre. Je voyais Clair partout. Depuis si longtemps que nous étions ensemble !

Peut-être aussi son brusque départ m'a-t-il fait songer trop tôt à ma jeunesse envolée ? On n'y pense pas, et puis, un matin, en se réveillant, on a l'impression que le temps nous a visités et on le voit avec ses bottes de sept lieues s'enfuir par une route inconnue, emportant sous son bras une sorte de grand livre où les plus beaux de nos jours ont été déposés, sans espoir de retour.

La route inconnue ? Quels sont ceux qui n'ont jamais été tentés par elle, à une heure précise de leur vie ? Quels sont ceux qui, n'y ayant pas résisté, en sont revenus ? Ils ont toujours voulu pousser plus loin, mais à chaque grande étape, ils se sont aperçus qu'un personnage invisible les dépouillait brutalement d'un vêtement sacré qui adhérait fortement aux fibres les plus intimes de leur âme.
Et puis, le sais-je, ce départ de Clair, c'était peut-être une part intime de mon être qui se détachait soudain de moi avec un bruit de cassure qui fait mal à entendre ? C'était peut-être une sorte de-printemps que j'avais en moi et qui, un jour, a voulu ployer son aile ? C'était peut-être un rêve que j'avais bâti petit à petit, qui m'avait suivi en fidèle compagnon et qui, un soir, a disparu comme un fantôme ? Voilà pourquoi j'aurais pleuré devant les étoiles, cette nuit-là !

Mais non, Clair m'en voudrait de parler ainsi. Il se croirait atteint dans sa personnalité. Me pardonnera-t-il ? Devant ces livres qui me pesaient trop et pour oublier le temps, j'ai essayé de reconstruire ces années que nous avons vécues ensemble et qui ont été beaucoup plus heureuses que malheureuses. Souvent, en écrivant une page, je me suis arrêté pour me demander quelle serait ma réaction si, tout à coup, je voyais Clair devant moi. Je ne puis répondre. Une intuition que je ne parviens pas à détruire me dit cependant qu'il reviendra. Ce jour-là, sera-t-il encore le Clair que j'ai connu, le Clair toujours prêt à entreprendre de nouvelles randonnées ? Ou sera-t-il devenu un Clair vieilli, désabusé, qui n'attend plus rien de la vie, lui ayant pris tout ce qu'elle pouvait donner de bonheur ?

J'ai peur que le jour où il reviendra, il ne me présente un fils qui ressemble de trop près au petit Clair que j'avais vu apparaître à l'école, un matin de septembre, au visage timide et éclairé, au sourire indécis, au profil trop bien taillé. Car je craindrais que lui aussi ne veuille s'aventurer sur des routes nouvelles avec le hasard pour guide. (p. 169-170)

C’est la première publication d’Adrien Therio. On est obligé de dire que ce n’est pas très réussi. Therio est trop conservateur. L’écriture est sans recherche et l’histoire ne lève pas vraiment. Bien entendu un rapprochement s’impose entre Clair et le grand Meaulnes, surtout en ce qui a trait à la dernière partie des Brèves Années. Le principal intérêt de ce récit : on raconte la vie des pensionnaires dans un collège classique.

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