Adrien Therio, Mes Beaux Meurtres, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1961, 185 pages.
Ce recueil de cinq nouvelles marque un changement chez Therio. Ses premiers récits étaient tout à fait réalistes, et voilà qu’il donne dans la fantaisie. Et disons-le, cette nouvelle approche le sert bien. Peut-être est-il plus un nouvelliste qu'un romancier. Il imagine cinq meurtres. L’essentiel, ce sont les motifs qui poussent les meurtriers à passer à l’acte. Il semble nous dire qu’on peut avoir plusieurs raisons, des bonnes (assassiner un bourreau en légitime défense) et des beaucoup moins bonnes (mettre de l’action dans une vie trop lisse), pour tuer quelqu’un. Therio adopte différents tons dont l’ironie et l’humour noir. Du coup, l’écriture est plus maîtrisée que dans ses deux livres précédents (des romans).
Le chat sauvage
Le chat sauvage, c’est le surnom que les villageois ont donné au père de Jean-Luc et Léger. Cet homme tyrannise sa femme et ses enfants, ce dont tout le monde se doute, mais personne n’intervient. Il prétend que ses crises sont causées par une maladie. Sa femme finit par mourir parce qu’il ne va pas chercher le médecin assez vite. Il se remarie à une fille de 20 ans (il en a 40) qui lui tient tête. Le temps passe et Jean-Luc, maintenant 16 ans, qui a toujours dit qu’il le tuerait un jour, finit par passer à l’acte. Récit plus réaliste qui nous rappelle les écrits antérieurs de Therio.
La joie dans le bocal
Un homme, par jeu, se promène sur la rue avec un bocal vide qu’il tient à bout de bras. Plusieurs l’interpellent dont un magicien, un poète, un ami. À chacun il dit qu’il a enfermé la joie dans son bocal. Un agent de police l’arrête et le conduit dans un asile d’aliénés. Il essaie d’expliquer que tout cela n’est qu’un jeu, mais rien n’y fait. Plus il s’explique, plus on considère qu’il est fou. Il finit par tuer le psychologue qui l’interroge. « Il se passa en moi alors une sorte de chose étrange. Je voulais savoir comment il réagirait en face de vraies menaces de meurtre. Je venais d'apercevoir une solide patère en bois dans le coin de la pièce. Je m'en saisis et m'avançai devant lui. Il s'élança dans la direction de la porte. Une telle lâcheté me révolta. Avant qu'il pût mettre la main sur la poignée, j'avais abattu de toute la force de mes bras la patère sur sa tête blanchie. Il tomba aussitôt, eût un râle affreux et ce fut la fin. »
Carnet de prison
Un homme se retrouve en prison, sûr d’être condamné à mort, mais heureux quand même d’avoir trouvé la paix. Il a assassinée sa femme, qui le harcelait depuis 41 ans.
Le professeur d’allemand
Un collègue ne peut plus supporter le vieux professeur d’allemand qui partage son bureau. Il finit par développer l’idée qu’il est un membre inutile dans la société. « Quarante-et-un ans d’une vie mesquine, d’une petite vie grise et unie sur un chemin raboteux, écœurant de monotonie, puant la moisissure soufflée au soleil lourd! » Il rêve de le supprimer et il finit par passer à l’acte, prêt à accepter les conséquences de son geste. Il fait tout pour se faire condamner, mais le jury l’acquitte.
Une porte à ouvrir
François trouve sa vie monotone. Il décide de tuer quelqu’un, n’importe qui, de préférence un malade en phase terminale. Il le confie à son ami Septime. Malheureusement (!) pour lui, sa femme est assassinée avant qu'il ait pu s'exécuter et il est accusé de meurtre. On lui fait un procès et on le condamne.
Extrait
« Ce soir-là, assis au bar avec mon ami Septime, je me sentais d'humeur morose. Septime voulut savoir ce qui se passait, mais ne le sachant pas moi-même, je répondis simplement que ça n'allait pas.
Ma réponse ne lui plut pas et il entreprit de me prouver que je n'avais aucune raison de me sentir chagrin. Sûrement, Septime doit comprendre comme tout le monde qu'on ne peut pas toujours expliquer ses sentiments et qu'on peut être morose sans pouvoir en donner la raison. Mais Septime m'en a toujours un peu voulu de ce qu'il appelle ma réussite, et par condescendance, je consentis à écouter ses remontrances.
D'ailleurs, son discours était plein de sens. Le même soir, avant d'arriver à la maison, je me mis à repenser à tout ce qu'il m'avait dit. Je me persuadai que je ne pouvais plus continuer à vivre dans la même routine. Tout naturellement, j'en arrivai à la conclusion qu'on va connaître. J'espérais que Septime comprendrait, puisqu'il était indirectement la cause de tout, mais à ma grande surprise, il ne voulut rien entendre.
Il crut que je voulais plaisanter quand je lui annonçai que j'avais décidé de tuer quelqu'un. » (p. 159)
Quant aux trois billet sur Adrien Thério, ils ne sont pas sans me rappeler un dimanche d'été au chalet d'André Vanasse...
RépondreEffacerDe doux souvenirs.