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29 novembre 2010

Pêle-mêle

Louis-Honoré Fréchette, Pêle-mêle. Fantaisies et souvenirs poétiques, Montréal, Compagnie d'impression et de publication Lovell, 1877, 274 p.

Pêle-mêle est le deuxième recueil de Fréchette (il avait publié Mes loisirs en 1863). Comme l’indique le titre, l’inspiration va un peu en tout sens. Certains poèmes sont datés, l’un de 1861. Quelques-uns vont être repris dans des recueils ultérieurs.

En 1877, Fréchette a 38 ans. Il est de retour au pays depuis six ans. Il siège comme député libéral à Ottawa depuis 1874. Il dédie son recueil à sa femme, Emma Baudry, « celle qui dore et féconde [s]es jours d’été ». Ils se sont épousés en 1877.

On trouve bien entendu quelques poèmes patriotiques, dont la première version du plus connu des poèmes de Fréchette « Jolliet », poème qui sera repris dans « La Légende d’un peuple ». Un autre poème, intitulé « Mississipi », nous décrit le grand fleuve et la mythologie qu’il traine dans son sillage. Un poème est consacré à l’idole du poète, Papineau, qu’il présente au terme de sa vie : « Des derniers feux du soir la lueur pâlissante / Éclairait du vieillard l’auguste majesté; / Et dans un nimbe d’or, clarté mystérieuse, / L’on eût dit que déjà sa tête glorieuse / Rayonnait d’immortalité! » Un autre poème, dédié au généalogiste Cyprien Tanguay, rend hommage à « Tous ces héros obscurs qui, pour ce sol naissant / Versèrent tant de fois leurs sueurs et leur sang / Et qu'aujourd'hui l'oubli recouvre ».

Le passage du temps et sa contrepartie la nostalgie sont aussi des thèmes très présents dans le recueil. Peut-être est-ce dû au fait que plusieurs poèmes furent écrits avant 1871, donc lorsque le poète était en exil à Chicago ou en Louisiane. C’est moins son enfance que sa jeunesse qui semble tourmenter son esprit. Il évoque sa vie de bohème avec ses amis (« je ne chante plus, mais je prends du ventre… / On nomme cela, je crois, se ranger. »), ses premiers amours (« Ce qui se disait se disait là d’ineffablement tendre, / Quel langage jamais pourrait le répéter!... »).

En bon romantique, Fréchette exploite à fond le sentiment de la nature. On ne compte plus les fleurs fanées, les soirs mélancoliques, les lunes diaphanes, les pèlerinages amoureux, les manteaux d’azur, les diadèmes d’étoiles, les reflets chatoyants des flots… La nature est plus qu’un décor : elle est la gardienne du souvenir et, plus encore, elle s’harmonise aux sentiments de ceux qui la fréquentent. On peut difficilement imaginer une scène amoureuse en dehors de la nature. « C'était un lieu charmant. Là, quand les feux du soir / Empourpraient l'horizon d'une lueur mourante, / En écartant du pied la luzerne odorante, / Tout rêveurs, elle et moi, nous allions nous asseoir. // Ce qui se disait là d'ineffablement tendre. / Quel langage jamais pourrait le répéter !... / La brise se taisait comme pour écouter ; / Des fauvettes, tout près, se penchaient pour entendre. »

Il partage avec Hugo l’amour des enfants. « Croyez-moi, rien de beau, rien de rajeunissant, / Pour le cœur fatigué, pour l'âme endolorie, / Comme le berceau d'un enfant ! » D’autres poèmes parlent davantage de cette période de joie et d’innocence trop vite enfuie ou même interrompue par la mort.

Le recueil se termine par 17 sonnets, dédiés à des femmes dont il a été amoureux, à des parents et parentes qu’il aime, à des poètes amis avec qui il échange des poèmes (Prosper Blanchemain, Alfred Garneau, Theodore Vibert) et, enfin, à sa femme.

À MA FEMME
Hélas ! ma bonne amie, elle fut bien ardue
La route que sans toi j'avais à parcourir ;
Et de tout ce qu’on peut endurer sans mourir
Mon coeur a bien des fois mesuré l’étendue.

Souvent j’ai failli croire, à force de souffrir,
A la fatalité sur mon front suspendue ;
Et si mon âme, enfant, dans l’orage éperdue.
N'a pas senti parfois son courage tarir,

C'est que, lorsque le vent du Nord battait ma voile,
L'Espérance était là, resplendissante étoile,
Dont le rayon béni venait sécher mes pleurs.

Cette étoile, aujourd'hui, c'est ton sourire d'ange,
O femme! et, pour payer ce bonheur sans mélange.
C'est encore trop peu que vingt ans de douleurs !

Louis Fréchette sur Laurentiana
Mémoires intimes

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