Louis Francoeur et Philippe Panneton, À la manière de…, Montréal, Variétés, s.d. (probablement 1941, car on y mentionne « troisième édition »), 120 p.
Les pastiches de Panneton et Francoeur eurent beaucoup de succès, comme en font foi les cinq éditions : 1924 (Edouard Garand, 132 pages), 1925, 1941, 1942 et 1943. On avait déjà procédé à de tels exercices avec succès en France (Reboux, Muller, 1908). Dans la préface, les deux jeunes auteurs se défendent de « ridiculiser qui que ce soit ». Ils croient que « leur essai pourrait être de quelque utilité en montant aux écrivains le détail de leurs imperfections les plus habituelles ».
Sont pastichés des écrivains et des journalistes : Henri Bourassa, René Chopin, Valdombre, Henri Letondal, Paul Morin, Camille Roy, La Presse, Lionel Groulx, Madeleine, Victor Morin, Marcel Dugas, Blanche Lamontagne, Gustave Comte, Edouard Montpetit, L'abbé Blanchard.
Je vous présente quelques-uns de ces pastiches, ceux qui m’ont paru les plus savoureux.
LE GEAI DE CELLULOÏD (À la manière de Paul Morin)
Ce vase smaragdin où rutile le saur
Au moite embrasement de soleils tricolores
Rédivive à mes yeux les festins spectrophores
Dont s'appesantissait Nabuchodonosor.
Ce vase smaragdin où rutile le saur
Au moite embrasement de soleils tricolores
Rédivive à mes yeux les festins spectrophores
Dont s'appesantissait Nabuchodonosor.
Oh! five o'clocks brumeux d'un morne Labrador !
Souvenirs de Sorrente et parfums de Gomorrhe !
Et vous, Titicaca, verrai-je l'ellébore
Couronner votre azur où flottent les troncs d'or?
Souvenirs de Sorrente et parfums de Gomorrhe !
Et vous, Titicaca, verrai-je l'ellébore
Couronner votre azur où flottent les troncs d'or?
Mon cœur las de chercher les déesses multiples
Concupisce en secret l'inédit des périples
Via Saint-Jean-de-Dieu, Lagor, Madapolam ;
Concupisce en secret l'inédit des périples
Via Saint-Jean-de-Dieu, Lagor, Madapolam ;
Aux rives du Hou-Pé, polir mon pied humide
Et pêcher dans ses flots, bercé par le tam-tam,
De mon moi transparent l'âme celluloïde.
Et pêcher dans ses flots, bercé par le tam-tam,
De mon moi transparent l'âme celluloïde.
RABACHAGES (À la manière de Lionel Groulx)
Ce soir-là, à la fin du souper, Pepére essuya religieusement avec une lichette de galette au beurre un restant de mélasse qui noircissait le fond de son assiette renversée pour le dessert. A ce geste, les vingt-quatre enfants et soixante-et-onze petits enfants qui formaient autour de la table en bois rond une couronne parfumée et joyeuse, sentirent qu'il allait se passer quelque chose. Car c'était le geste préféré de l'Ancêtre aux moments graves de la vie familiale. Memére s'essuya la bouche avec sa jupe en bouragan, solide et plus belle en sa simplicité que toutes les mousselines et les falbalas des dames de la ville. Car depuis onze générations on se la repassait, inusable et traditionnelle.Pepére, lui, sortit de sa culotte en corderoi une torquette de tabac rendue respectable par la caresse des mains campagnardes et dorée au bout par la morsure répétée de toutes les bouches du rang. […]
Ce soir-là, à la fin du souper, Pepére essuya religieusement avec une lichette de galette au beurre un restant de mélasse qui noircissait le fond de son assiette renversée pour le dessert. A ce geste, les vingt-quatre enfants et soixante-et-onze petits enfants qui formaient autour de la table en bois rond une couronne parfumée et joyeuse, sentirent qu'il allait se passer quelque chose. Car c'était le geste préféré de l'Ancêtre aux moments graves de la vie familiale. Memére s'essuya la bouche avec sa jupe en bouragan, solide et plus belle en sa simplicité que toutes les mousselines et les falbalas des dames de la ville. Car depuis onze générations on se la repassait, inusable et traditionnelle.Pepére, lui, sortit de sa culotte en corderoi une torquette de tabac rendue respectable par la caresse des mains campagnardes et dorée au bout par la morsure répétée de toutes les bouches du rang. […]
LE SILENCE M'A PARLE (À la manière de Marcel Dugas)
Pour un cinéma odorant et sournois, où les esprits de nos contemporains dansent une gigue impromptue sur des chevalets incertains et problématiques.Une fois de plus, le monstre ondoie et se crispe dans l'attente des sensations promises par les taches multicolores qui scintillent aux réverbères de la nuit municipale. Il frémit de toutes les ocelles diaprées que lui tressèrent les modistes d'Outremont et les architectes des babels vestimentaires. Le monstre dort, ou paraît dormir.
Au-dessus de lui s'aplatit le manteau nocturne que soutiennent, humaines stalagmites, des cariatides couvertes des blasphèmes de la poussière et que violentent les regards des mazdas lubriques. […]
Pour un cinéma odorant et sournois, où les esprits de nos contemporains dansent une gigue impromptue sur des chevalets incertains et problématiques.Une fois de plus, le monstre ondoie et se crispe dans l'attente des sensations promises par les taches multicolores qui scintillent aux réverbères de la nuit municipale. Il frémit de toutes les ocelles diaprées que lui tressèrent les modistes d'Outremont et les architectes des babels vestimentaires. Le monstre dort, ou paraît dormir.
Au-dessus de lui s'aplatit le manteau nocturne que soutiennent, humaines stalagmites, des cariatides couvertes des blasphèmes de la poussière et que violentent les regards des mazdas lubriques. […]
DERRIERE LA MAISON (À la manière de Blanche Lamontagne)
La maison que j'habite est de façade altière
Et cent ans ont passé sur son toit ancestral ;
Elle est solide encore et mire son derrière
Dans l'immobilité d'un étang de cristal.
La maison que j'habite est de façade altière
Et cent ans ont passé sur son toit ancestral ;
Elle est solide encore et mire son derrière
Dans l'immobilité d'un étang de cristal.
Des érables géants lui font une couronne
De gloire magnifique et de longs cheveux verts,
Et par les soirs d'été, et par les nuits d'automne
Le vent y vient chanter quelque couplet amer. […]
De gloire magnifique et de longs cheveux verts,
Et par les soirs d'été, et par les nuits d'automne
Le vent y vient chanter quelque couplet amer. […]
UN PORC : LEON BLOY (À la manière de Valdombre)
Ayant précipité à l'égout littéraire, dans mes articles précédents et avec toute la mansuétude d'un cœur disposé, hélas ! à toutes les bénissures, les quelques chenapans de lettres qui déshonorent de leurs excréments incolores notre terroir, je me crois en droit de parler enfin sans fausse rhétorique de l'être le plus putride qu'un Pégase en rut ait jamais vomi sur le plancher croulant des Lettres Françaises.
J'avertis sans tarder tous ceux que le franc parler jette en des crises d'épilepsie, qu'il est inutile de poursuivre plus loin la lecture de cet article. Je n'écris ni pour les imbéciles, ni pour les gens intelligents. J'abandonne avec joie les sous-Barbeau et les sous-Montpetit à leurs appétits de conférences littéraires et de pâtisserie française. Je m'adresse à moi seul, c'est-à-dire à personne. Qu'on se le tienne pour dit. […]
Ayant précipité à l'égout littéraire, dans mes articles précédents et avec toute la mansuétude d'un cœur disposé, hélas ! à toutes les bénissures, les quelques chenapans de lettres qui déshonorent de leurs excréments incolores notre terroir, je me crois en droit de parler enfin sans fausse rhétorique de l'être le plus putride qu'un Pégase en rut ait jamais vomi sur le plancher croulant des Lettres Françaises.
J'avertis sans tarder tous ceux que le franc parler jette en des crises d'épilepsie, qu'il est inutile de poursuivre plus loin la lecture de cet article. Je n'écris ni pour les imbéciles, ni pour les gens intelligents. J'abandonne avec joie les sous-Barbeau et les sous-Montpetit à leurs appétits de conférences littéraires et de pâtisserie française. Je m'adresse à moi seul, c'est-à-dire à personne. Qu'on se le tienne pour dit. […]
Ringuet sur Laurentiana