Edmond Rousseau, Le château de Beaumanoir, Québec, Le Soleil, 1916, 234 pages. (1re édition : Mercier et cie, 1886)
M. de Godefroi, un protégé de Madame de Pompadour, très fier de ses nombreux « quartiers » de noblesse, est venu en Nouvelle-France pour se refaire une santé économique. Naïf, il s’est acoquiné avec Bigot, qui l’utilise pour couvrir ses malversations. Il faut dire aussi que Bigot a aperçu Claire, la fille de M. de Godfroi, et qu’il a été conquis par sa beauté. Lors d’une chasse à coure, le cheval de Claire est saisi du mors aux dents, et elleest sauvée par un jeune officier du nom de Louis, un protégé du gouverneur de Vaudreuil, lui-même l’ennemi juré de Bigot. Ce dernier, pour obtenir la jeune fille, compromet M. de Godfroi, qui lui promet sa main. Claire, amoureuse de Louis, est furieuse et dit à Bigot ses quatre vérités.
Profitant du fait que les Anglais sont aux portes de Québec, Bigot la fait enlever et la retient prisonnière à Beaumanoir. Claire surprend une conversation entre Bigot et un Anglais : craignant la justice, il a décidé de jouer le tout pour le tout et de trahir sa patrie. Claire se dit qu'il faut avertir Vaudreuil, donc s'échapper. Au même moment où elle met son plan d’évasion à exécution, Louis et ses amis la retrouvent. Tous ensemble se précipitent pour avertir Vaudreuil. Trop tard, pourtant, les Anglais sont déjà sur les Plaines. Louis sera tué pendant la bataille. Inconsolable, Claire deviendra ursuline. Bigot, on le sait, sera jugé et condamné à Paris.
Rousseau attribue à Bigot la défaite des plaines d’Abraham. Même si l’auteur cite l’historien Ferland, il ne faut pas trop prendre au sérieux cette théorie, qui se retrouvait déjà dans L’Intendant Bigot de Marmette. Comme celui-ci, Rousseau se plait à diaboliser Bigot et la Pompadour. Par contre, on ne voit pour ainsi jamais ses complices.
L’auteur décrit longuement les positions, le mouvement des troupes, la bataille, la mort de Montcalm... Il ne se gène pas pour critiquer celui-ci, dont l’impétuosité vaniteuse serait en partie responsable de la défaite : il n’attendit pas que toutes ses troupes soient arrivées avant de donner l’ordre d’attaquer.
Le roman se situe tout à fait dans la tradition romantique. L’intrigue amoureuse, qui occupe l’essentiel du récit, est tout à fait dans le ton : les jeunes hommes et les jeunes filles sont prêts à mourir d'amour. C’est un roman historique dont le but est patriotique avant tout, comme l'auteur l'indique dans la préface : « En face des insinuations malveillantes et des injures qui ont été dites et écrites depuis quelques mois contre la population canadienne-française, contre nos milices, il n’est pas de meilleure réponse, croyons-nous, de réfutation plus facile et plus complète, que de rappeler les actions héroïques de nos pères, leur courage dans l’adversité, leur vaillance sur le champ de bataille. »
Pas plus que L’Intendant Bigot de Marmette, le roman de Rousseau n’a la qualité du Chien d’or de Kirby.
Extrait
M. de Godefroi, un protégé de Madame de Pompadour, très fier de ses nombreux « quartiers » de noblesse, est venu en Nouvelle-France pour se refaire une santé économique. Naïf, il s’est acoquiné avec Bigot, qui l’utilise pour couvrir ses malversations. Il faut dire aussi que Bigot a aperçu Claire, la fille de M. de Godfroi, et qu’il a été conquis par sa beauté. Lors d’une chasse à coure, le cheval de Claire est saisi du mors aux dents, et elleest sauvée par un jeune officier du nom de Louis, un protégé du gouverneur de Vaudreuil, lui-même l’ennemi juré de Bigot. Ce dernier, pour obtenir la jeune fille, compromet M. de Godfroi, qui lui promet sa main. Claire, amoureuse de Louis, est furieuse et dit à Bigot ses quatre vérités.
Profitant du fait que les Anglais sont aux portes de Québec, Bigot la fait enlever et la retient prisonnière à Beaumanoir. Claire surprend une conversation entre Bigot et un Anglais : craignant la justice, il a décidé de jouer le tout pour le tout et de trahir sa patrie. Claire se dit qu'il faut avertir Vaudreuil, donc s'échapper. Au même moment où elle met son plan d’évasion à exécution, Louis et ses amis la retrouvent. Tous ensemble se précipitent pour avertir Vaudreuil. Trop tard, pourtant, les Anglais sont déjà sur les Plaines. Louis sera tué pendant la bataille. Inconsolable, Claire deviendra ursuline. Bigot, on le sait, sera jugé et condamné à Paris.
Rousseau attribue à Bigot la défaite des plaines d’Abraham. Même si l’auteur cite l’historien Ferland, il ne faut pas trop prendre au sérieux cette théorie, qui se retrouvait déjà dans L’Intendant Bigot de Marmette. Comme celui-ci, Rousseau se plait à diaboliser Bigot et la Pompadour. Par contre, on ne voit pour ainsi jamais ses complices.
L’auteur décrit longuement les positions, le mouvement des troupes, la bataille, la mort de Montcalm... Il ne se gène pas pour critiquer celui-ci, dont l’impétuosité vaniteuse serait en partie responsable de la défaite : il n’attendit pas que toutes ses troupes soient arrivées avant de donner l’ordre d’attaquer.
Le roman se situe tout à fait dans la tradition romantique. L’intrigue amoureuse, qui occupe l’essentiel du récit, est tout à fait dans le ton : les jeunes hommes et les jeunes filles sont prêts à mourir d'amour. C’est un roman historique dont le but est patriotique avant tout, comme l'auteur l'indique dans la préface : « En face des insinuations malveillantes et des injures qui ont été dites et écrites depuis quelques mois contre la population canadienne-française, contre nos milices, il n’est pas de meilleure réponse, croyons-nous, de réfutation plus facile et plus complète, que de rappeler les actions héroïques de nos pères, leur courage dans l’adversité, leur vaillance sur le champ de bataille. »
Pas plus que L’Intendant Bigot de Marmette, le roman de Rousseau n’a la qualité du Chien d’or de Kirby.
Extrait
Le marquis de Montcalm ordonna au régiment de Guyenne de se porter sur les hauteurs de Québec, où, en armant, il trouva l'ennemi débarqué au nombre de plus de huit mille hommes travaillant déjà à se retrancher.
Les troupes de Beauport reçurent l'ordre de lever le camp on y laissant quatorze cents hommes aux ordres du colonel Poulhariès, pour garder la ligne.
L'armée, qui avait passé la nuit au hamac, rentrait dans ses tentes, lorsque l'on ba.ttit la générale. Toutes les troupes prirent les armes et suivirent successivement M. de Montcalm qui se portait sur les hauteurs de Québec, où le bataillon de Guyenne prit position entre la ville et l'ennemi, que sa présence contenait.
L'armée de Beauport, depuis quelques jours, était réduite à six mille hommes. Pour la garde du camp, il fallut laisser les deux bataillons de Montréal, composés d’environ quinze cents hommes, qui s'avancèrent cependant jusqu'à la rivière St-Charles quand M. de Vaudreuil se rendit à l'armée, vers sept heures du matin, moment, où il fut exactement informé par Louis Gravel qui arrivait avec Claire, que l'ennemi était en position sur les Plaines d'Abraham.
Suivant ce calcul, Montcalm avait donc sous ses ordres environ quatre mille cinq cents hommes.
Sans donner aux derniers détachements qui lui arrivaient de la gauche le temps de reprendre haleine, le général, craignant que l'ennemi eût le temps de se fortifier, donna le signal d'attaquer de suite, ce qui le perdit.
Montcalm se rendit coupable d'ailleurs de plusieurs autres fautes qui surprennent de la part d'un général de sa réputation. Ainsi, le jugement porté par un officier présent à la bataille paraîtra juste, même aux personnes qui s'y entendent peu en stratégie militaire :
"En apprenant que l'ennemi était à terre, dit cet officier, il devait passer des ordres à Bougainville qui avait avec lui l'élite de l'armée et qui n'était qu'à une petite distance de la ville. En combinant ses mouvements avec ceux de ce colonel, il lui était aisé de mettre l'ennemi entre deux feux. Le sort de Québec dépendait du succès de la bataille; il devait réunir toutes ses forces et ne point laisser dans l'inaction les quinze cents hommes de Montréal. Par la même raison, l'armée n'étant qu'à deux cents toises des glacis, il devait tirer de la ville les piquets qui étaient de service; il y eût trouvé un secours de près de huit cents hommes. Il pouvait aussi en faire venir de l'artillerie. Au lieu de perdre l'avantage du poste où il se trouvait, il fallait attendre l'ennemi et profiter de la nature du terrain pour placer par pelotons dans les bouquets de bois les Canadiens qui, arrangés de la sorte, surpassent par l'adresse avec laquelle ils tirent, toutes les troupes de l'univers. S'étant déterminé à attaquer, il aurait dû changer ses dispositions. Il ne songea pas à former une réserve."
Cependant, séparées par une petite colline, les deux armées se canonnaient depuis environ une heure, avec quelques petites pièces de campagne; l'éminence sur laquelle était rangée l'armée française dominait, dans quelques points, celle qu'occupaient les Anglais. Composées en grande partie de Canadiens, les troupes françaises fondirent sur l'ennemi avec impétuosité; mais leurs rangs, mal formés, se rompaient bientôt, soit, par la rapidité de la marche, soit par l'inégalité du terrain, tandis que les Anglais, en bon ordre, essuyaient les premières décharges. Ils tirèrent ensuite avec beaucoup de vivacité, et le mouvement qu'un détachement de leur centre, d'environ deux cents hommes, fit en avant la baïonnette au bout du fusil, suffit pour mettre en fuite presque toute l'armée française.
Cependant la déroute ne fut totale que parmi les troupes réglées, c'est-à-dire les Français. Accoutumés à reculer à la façon sauvage pour retourner ensuite à l'ennemi avec plus de confiance, les Canadiens se rallièrent en quelques endroits, et, à la faveur des petits bois dont ils étaient environnés, forcèrent différents corps à plier; mais enfin, il fallut céder à la grande supériorité du nombre. (p. 205-208)
Les troupes de Beauport reçurent l'ordre de lever le camp on y laissant quatorze cents hommes aux ordres du colonel Poulhariès, pour garder la ligne.
L'armée, qui avait passé la nuit au hamac, rentrait dans ses tentes, lorsque l'on ba.ttit la générale. Toutes les troupes prirent les armes et suivirent successivement M. de Montcalm qui se portait sur les hauteurs de Québec, où le bataillon de Guyenne prit position entre la ville et l'ennemi, que sa présence contenait.
L'armée de Beauport, depuis quelques jours, était réduite à six mille hommes. Pour la garde du camp, il fallut laisser les deux bataillons de Montréal, composés d’environ quinze cents hommes, qui s'avancèrent cependant jusqu'à la rivière St-Charles quand M. de Vaudreuil se rendit à l'armée, vers sept heures du matin, moment, où il fut exactement informé par Louis Gravel qui arrivait avec Claire, que l'ennemi était en position sur les Plaines d'Abraham.
Suivant ce calcul, Montcalm avait donc sous ses ordres environ quatre mille cinq cents hommes.
Sans donner aux derniers détachements qui lui arrivaient de la gauche le temps de reprendre haleine, le général, craignant que l'ennemi eût le temps de se fortifier, donna le signal d'attaquer de suite, ce qui le perdit.
Montcalm se rendit coupable d'ailleurs de plusieurs autres fautes qui surprennent de la part d'un général de sa réputation. Ainsi, le jugement porté par un officier présent à la bataille paraîtra juste, même aux personnes qui s'y entendent peu en stratégie militaire :
"En apprenant que l'ennemi était à terre, dit cet officier, il devait passer des ordres à Bougainville qui avait avec lui l'élite de l'armée et qui n'était qu'à une petite distance de la ville. En combinant ses mouvements avec ceux de ce colonel, il lui était aisé de mettre l'ennemi entre deux feux. Le sort de Québec dépendait du succès de la bataille; il devait réunir toutes ses forces et ne point laisser dans l'inaction les quinze cents hommes de Montréal. Par la même raison, l'armée n'étant qu'à deux cents toises des glacis, il devait tirer de la ville les piquets qui étaient de service; il y eût trouvé un secours de près de huit cents hommes. Il pouvait aussi en faire venir de l'artillerie. Au lieu de perdre l'avantage du poste où il se trouvait, il fallait attendre l'ennemi et profiter de la nature du terrain pour placer par pelotons dans les bouquets de bois les Canadiens qui, arrangés de la sorte, surpassent par l'adresse avec laquelle ils tirent, toutes les troupes de l'univers. S'étant déterminé à attaquer, il aurait dû changer ses dispositions. Il ne songea pas à former une réserve."
Cependant, séparées par une petite colline, les deux armées se canonnaient depuis environ une heure, avec quelques petites pièces de campagne; l'éminence sur laquelle était rangée l'armée française dominait, dans quelques points, celle qu'occupaient les Anglais. Composées en grande partie de Canadiens, les troupes françaises fondirent sur l'ennemi avec impétuosité; mais leurs rangs, mal formés, se rompaient bientôt, soit, par la rapidité de la marche, soit par l'inégalité du terrain, tandis que les Anglais, en bon ordre, essuyaient les premières décharges. Ils tirèrent ensuite avec beaucoup de vivacité, et le mouvement qu'un détachement de leur centre, d'environ deux cents hommes, fit en avant la baïonnette au bout du fusil, suffit pour mettre en fuite presque toute l'armée française.
Cependant la déroute ne fut totale que parmi les troupes réglées, c'est-à-dire les Français. Accoutumés à reculer à la façon sauvage pour retourner ensuite à l'ennemi avec plus de confiance, les Canadiens se rallièrent en quelques endroits, et, à la faveur des petits bois dont ils étaient environnés, forcèrent différents corps à plier; mais enfin, il fallut céder à la grande supériorité du nombre. (p. 205-208)
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