LIVRES À VENDRE

10 octobre 2007

Solitude de la chair

Charles Hamel, Solitude de la chair, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1951, 242 pages.


Fernand Richer, un jeune journaliste qui travaille au journal L’Époque, est le personnage central de la première partie du roman. Richer est amoureux d’une étudiante, Michelle Laporte, qui le maintient dans le rôle d’ami et de confident. Cette Michelle, qui sort à peine d’une relation et qui n’a pas tout à fait oublié son ancien amant, fréquente depuis peu André Laurent, le propriétaire et rédacteur en chef de L’Époque, une revue indépendante de gauche. C’est un homme marié, qui frise la quarantaine, qui collectionne les conquêtes. Il va de soi, Fernand est jaloux.

Dans la deuxième partie du roman, le personnage principal, c’est Michelle. On découvre sa relation erratique avec André Laurent, leurs ruptures et leurs retrouvailles. Elle apparaît comme une jeune femme contradictoire, à l’esprit très large (elle avoue ses désirs lesbiens) mais qui, pourtant, cherche un homme qui lui procurera sécurité et protection. Un soir, alors qu’André Laurent est saoul, il la brutalise et l’injurie, ce qui met fin à cette relation.

Dans la troisième partie du roman, le point de vue privilégié, c’est celui d’André Laurent. Sa femme a hérité d’une immense fortune, ce qui fait qu'il ne se sent pas à la hauteur. Ils ont eu une fille, puis sa femme a refusé de lui faire le garçon qu’il désirait tant. Depuis ce temps, ils vivent sous le même toit pour sauver les apparences. Lui vogue d’une femme à l’autre pendant qu'elle se désennuie dans des soirées mondaines. On découvre aussi les difficultés financières de son petit journal indépendant et ses combines pour le sauver du naufrage. Enfin, Laurent, qui se fait élire député indépendant lors d’une élection partielle, nous entraîne dans les cercles politiques. La fin? Elle est complètement invraisemblable du point de vue psychologique. Laurent découvre qu’il aime sa femme, qu’il n’a jamais cessé de l’aimer et ce, même après dix ans de froid et de tromperies entre eux.

Le roman de Charles Hamel est bien construit (l’enchaînement des points de vue, la fluidité de l’intrigue), bien écrit et pourtant… On comprend facilement que l’histoire littéraire ne l’ait pas retenu. C'est une histoire sentimentale comme il y en a tant. Pour le reste, l’auteur essaie de nous convaincre que ses personnages souffrent de solitude. Que l’être humain soit toujours fondamentalement seul, on le veut bien… Mais dans son roman, malgré ses tentatives réitérées, on n’y croit pas. Cette petite touche existentialiste nous semble une idée plaquée après coup sur une histoire qui manque de consistance, sans doute pour satisfaire à l'air du temps. Bref, c’est un roman un peu vide, qui nous présente superficiellement le monde du journalisme, le monde politique, et même les relations amoureuses. Cela étant dit, ce roman se lit encore bien. ***

Extrait
…c’est Jeanne qui venait lui ouvrir, Jeanne si belle dans un négligé de dentelle noire, avec la folle pluie d'or de ses longs cheveux dénoués...
Apercevant son mari, elle cria :
— André! Tu es blessé!
« Comme elle a paru effrayée, pensait André. Et elle m'a dit tu ! Pour la première fois depuis... »
Sa pensée se brisait, abruptement.
Il avait dû s'évanouir. A présent, il se retrouvait étendu sur un tapis que sa main touchait, sous lui. Il ne pouvait, il n'osait encore ouvrir les yeux. De la soie coulait contre sa figure. Les cheveux de Jeanne ? Une goutte chaude vint s'écraser contre sa joue. Une larme ?
Péniblement, André entr'ouvrit les yeux. Jeanne, agenouillée près de lui, penchait sur lui sa figure, laissait couler sur lui ses cheveux et ses larmes. Il referma les yeux.
Des lèvres — les lèvres de Jeanne — se posaient sur ses lèvres à lui en un baiser très doux, exquisernent tendre. Avec toute la force dont il était capable, avec une passion où tenait toute sa vie, André rendit à Jeanne son baiser. (p. 242)

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